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On dit qu'à force de se taire, de subir en silence on finit par exploser.

Oui, il arrive des moments où notre coeur ayant tellement supporté, vomit la douleur et la souffrance qui le copriment. Je ne cessais de refouler mes sentiments de revoltes mais, mais ils m'ont gagnée. Sans que je ne sache la haine avait grandi dans mon coeur, l'amertume avait détruit la sensibilité de mon organe, j'en voulais au monde entier et je voulais me faire entendre à tout prix. Je voulais déverser ma colère, enlever le fardeau qui stagne en moi moi.

Un soir du mois de Ramadan...

Comme à l'accoutumée , chaque jour, à l'heure de la rupture ma coépouse et moi( selon celle qui est de tour) présentions des bols de bouillie de maïs, le fondé mbok et du tauh, la pâte de manioc accompagnée de la sauce d'arachide. C'était justement mon tour de cuisiner ce mardi là. Je préparais avec amour les deux mets comme j'aime et avant même la fin de la cuisson, toute la boutique était embaumée par sauce. Je terminais une demie heure avant la rupture, allais prendre une douche et portais mon pagne, le grand voile dessus pour ne pas changer. Je trouvais Marliyatou ma coépouse baissée sur mes repas à faire je ne sais quoi. Je raclais ma gorge pour lui signifier ma présence. Elle se retourne me regarde avec narquois avant de soulever son pied et avec elle renverse les deux bols. Je restais scotchée sur place quelques secondes tellement j'étais surprise. Elle souriait avec fierté ce qui me réveilla de ma transe. Et là sans que je ne comprenne quoi que ce soit, comme si le diable Maimouna m'avait possédée, je bondis sur elle et la rouais aussitôt de coups jusqu'à qu'elle se retrouve par terre sur la sauce chaude qu'elle a auparavant renversée. Elle essayait de se défendre mais comme je le disais ce jour là, elle ne pouvait rien contre moi, une force surnaturelle m'habitait. Comprenant cela, elle se mit alors à crier appelant à l'aide et quelques instants après Kaw, notre mari accourut comme d'habitude. Cette scène me rappella beaucoup une autre, quand elle m'avait mordu sauvagement sauf que là c'est moi qui lui cassait la gueule. Kaw me pousse violamment avant de la saisir pour essayer de la calmer car elle augmentait encore plus ses cris comme si elle allait mourir d'une minute à l'autre, du cinéma.

-Ayyy a sounimoooo. Tu as vu ? Tu l'as brûlée. Hurle notre mari à mon encontre.

J'ouvre grandement les yeux et oui le voile de la colère qui me couvrait les yeux se levait enfin, elle ne faisait pas du cinéma, elle gémissait pour de vrai. Je reculais à tâtons jusqu'à la chambre, la mine horrifiée. Une fois dedans, je me rendis compte de ce qui venait réellement de se passer, le diable avait quitté mon corps on dirait et j'avais l'impression de revenir d'une autre planète de guerre. Je me laisse tomber par terre et pleurais de panique. J'avais peur, je regrettais, je ne comprenais pas ce qui m'avait prise. Ce n'était pas moi. Non je refusais.

Je restais ainsi des heures, le coeur battant à vive allure telle une voiture folle de course attendant mon châtiment. Les pas et gémissement me font sursauter et ma coépouse soutenue par kaw entra dans la chambre. Ils ne m'adressèrent aucun regard et lentement Marli se coucha sur le lit avec des plaintes à en plus finir. Mon mari pose le sachet de médicaments qu'il avait sur un banc et se tourne enfin vers moi. Sans un regard il me demanda de sortir. À pas de loup je marchais devant lui tremblotante et m'attendais déjà au pire. Je sais déjà qu'il va me renvoyer en Guinée, c'est la punition mais avec mon père là-bas je préfère rester ici même s'il me frappe tous les jours.
Il me dépasse vu que je traînais et entre dans la boutique pour s'asseoir derrière le comptoir. Je restais debout la tête baissée toujours en tremblant.

-Kon khondu wadi on Ray? Qu'est ce qui c'est passé entre vous? Tonna t-il d'une voix autoritaire.

Cette question me pris au dépourvu. Je m'attendais à ce qu'il me frappe comme d'habitude sans me demander ma version et maintenant qu'il me la demande je suis prise de cours et ne sais même pas quoi répondre. Il tapa de son pied au sol pour signifier son impatience ce qui me fait réagir aussitôt. Et en pleurs, je lui racontais tout avant de me confondre en excuses. Il ne dit rien à part m'intimer l'ordre de quitter la boutique et de l'aider à couper son jeûn. Je me suis direct souvenu que même moi j'étais toujours en état de jeûn. Je m'attelais à la préparation rapide d'un café et du pain que je nous servis. Mais moi je ne mangeais pas trop et me contentais juste de couper, j'avais le coeur lourd, le silence de Kaw est désarçonnant. Je priais ensuite derrière lui et restais longtemps sur mon tapis de prières pour demander pardon à Dieu d'avoir agi comme une mécréante et cherchais refuge auprès de lui contre satan le maudit.




Cher journal,

Des jours s'écoulèrent, et malgré l'attente de mon retour en Guinée, rien ne se fit. Kaw n'a rien dit à ce sujet à mon plus grand étonnement. Marli allait beaucoup mieux, les brûlures n'étaient pas si graves en fin de compte. Je l'évitais au maximum car je n'avais guère envie de renouveler l'expérience de l'autre jour. Le diable en moi? Plus jamais. Et donc j'essaye tant bien que mal de ne pas rester seule avec elle dans la même pièce et m'arrangeais toujours pour cacher les objets tranchants à vue d'oeil. Tous les moyens étaient bon pour me sauver, sauver ma peau. Cependant ce que j'ignorais c'est que ma coépouse n'était pas du genre à lâcher le morceau si vite, derrière son ignorance à mon égard, elle ruminant sa colère et nourrissait une énorme envie de se venger. Et une chose est, c'est que malheureusement l'envie est plus irréconciliable que la haine. Cela devait être vital pour elle.

Elle a fini par jouir de sa vengeance.

Elle a détruit en même temps ma vie.

Je n'oublierai jamais ce jour cher journal car ce fut le début de ma longue descente en enfer, ce jour marqua la fin de tout.

J'étais baissée à faire le ménage. Kaw était parti en ville pour récupérer des marchandises, Marli cuisinait et je surveillais en même temps la boutique. Je repensais à la discussion que j'ai eu la veille avec mon père au télé centre. Il voulait que mon petit frère Dioguo aille en Sierra Leonne pour faire fortune mais j'étais un peu réticente car il venait juste de fêter ses onze ans. Je me suis gardée de donner mon avis, il s'agit de Baba, les décisions l'appartenaient et elles étaient incontestables malheureusement. Ma mère allait encore plus se sentir seule, j'aurais aimé être à ses côtés. Mais bon..... Un bruit attira mon attention, je me retournais pour voir Marliyatou derrière moi avec une casserole bouillante d'eau. Je n'eus pas le temps de comprendre qu'elle me versa le contenu. L'eau bouillante se répandu le long de ma peau. Je hurlais de douleurs tel un fauve blessé et plus encore. Ce jour là, je ne saurais expliquer la douleur que je ressentais. Plusieurs fois j'ai cru voir l'ange de la mort, des instants où moi même je voulais juste trépasser. Ma peau se décollait petit à petit et je continuais à hurler aveuglée. Nulle douleur physique que j'avais auparavant ressenti n'égalait celle ci. Après ce qui me semblait suffisant pour rejoindre le royaume des morts, j'entendis des éclats de voix, ensuite je me suis sentie soulevée puis rien.

Sensations et douleurs se sont multipliées à mon réveil et qu'il m'a fallu deux jours pour retrouver ma vue.

Amertumes et dégoûts m'ont habitée quand j'ai constaté l'horreur que j'étais devenue.

En effet, c'est Diss, Idrissa qui m'a secourue sinon j'y serais restée, morte ébouillantée.

Toutefois Mon bébé est mort.

Je ne savais pas que j'étais enceinte et il est mort sans voir le jour, sans que je ne sois au courant de son existence. Cette nouvelle a suffit pour déclencher une hystérie en moi. J'ai passé des semaines à crier, à pleurer, à essayer de me tuer, de me vider, de me déchirer les poumons, d'exploser mes phalanges en vain. Je voulais mourir, renaître dans une autre vie, être une nouvelle personne, naître dans une autre famille, qu'une autre âme m'habite. Je suis passée de la souffrance à la colère puis de la colère à l'incompréhension totale !!

Je ne voulais voir ni Kaw ni personne d'autres. Je criais à chaque fois qu'un autre que le médecin entre dans la chambre.

Je voulais mourir.

Je voulais mourir.

Je voulais trépasser.

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Fantoumata.

05 Mai 2019/ 12h19mn

Les Soubresauts d'une Mémoire...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant