(m.) parfois, oublier est la meilleure des choses à faire.
La tablée était pour la première fois depuis bien longtemps remplie chez les Kimber. Mélanie était aux côtés de son frère, et monsieur Kimber se trouvait en face de ses deux enfants. Ils avaient bien entendu l'habitude à présent que Karol manque à l'appel, mais lorsque le matin se levait et que les réveils sonnaient en cœur, Marc était déjà partit pour qui sait quelle raison et Mathieu jouait à ses jeux vidéo. Mélanie se retrouvait donc souvent seule posée à cette table, à tartiner ses toasts de beurre jusqu'à qu'il ne reste plus un côté sec, au bon milieu de ses œufs fraies que les poulaillers des champs de Stafford ramenaient.
Ce matin, elle avait la joie d'admirer son frère avec son casque coinçant ses oreilles, et d'écouter les grésillements qui en sortaient en observant son père, la tête dans son journal. Malgré ça, elle s'obstinait à gratiner ses tartines et à fixer le lait de PriceMarket qui débordait presque de son verre.
– Vous avez bien dormi, demanda-t-elle afin de leur montrer qu'elle était là.
Son père baissa son journal et ses lunettes qui lui tombèrent sur le nez, il lui jeta un regard furtif et elle devina qu'il se demandait si tout se passait bien pour oser le déranger dans sa lecture du matin. Marc Kimber était un père sympathique, avec encore une âme de jeune adulte et non d'adulte à part entière, mais quand il s'agissait de ce genre de détail, il ne rigolait pas. Puis de son côté, Mathieu n'avait pas même entendu et continuait à faire bouger sa tête de bas en haut au rythme de sa musique.
Exaspérée de ne pas avoir de vie de famille, de conversation, et énervée d'être la maman de cette maison sous prétexte qu'elle était la seule fille, Mélanie lâcha sa tartine des mains puis décala son verre de lait. Elle prit un air énervé et fronça les sourcils pour faire plus crédible, même si un sourire illuminait son for intérieur. Elle serra les points puis frappa des deux mains la table. Un bruit sourd résonna dans la salle à manger. La table venait de trembloter et des gouttes de lait s'étaient échappées de son verre. Mathieu avait stoppé tout mouvement et son père venait de poser son journal sur ses genoux : son café s'était renversé devant lui. Rude, mais efficace.
– Qu'est ce qui te prend voyons ? grogna son père.
– Est-ce qu'on pourrait avoir une discussion ?
– Une discussion, reprit Mathieu, dubitatif.
– D'accord, tu veux parler de quoi ? fit Marc en croisant les bras puis remontant sa paire de lunettes.
La lumière se jeta sur son visage, ses rides se prononcèrent et Mélanie le remarqua pour la première fois. Un sourire vint se nicher sur son visage voyant qu'elle avait enfin l'attention des deux hommes.
– Bin, je ne sais pas trop. Papa, par exemple, où est-ce que tu vas tous les jours, quand tu pars avant Mathieu et moi, étant donné que tu n'as plus de travail ?
– Qu'est-ce que...pesta-t-il. Cela ne te regarde pas, jeune fille.
– Mais oui papa, que fais-tu ? dit Mathieu en s'intéressant particulièrement à ce sujet.
– Je...ça va être comme ça alors, maintenant ? Persécuté par ses propres enfants, bougonna-t-il en secouant la tête. Je ne vous dirais rien. En tout cas, pas pour l'instant.
Il se leva en posant le journal sur le buffet et regarda sa montre. Il attrapa une veste sur le porte-manteau du salon.
– Bon je...j'y vais, passez une bonne journée les enfants, reprit-il.
Il se baissa pour embrasser chastement le front de ses deux enfants et se dirigea vers la porte, les mains le long du corps.
– Mélanie, nettoie-moi ton bordel s'il te plait.
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Inconnu
ChickLit(m.) parce que nous sommes qui nous sommes quand personne ne regarde. Vous demandez aux gens de vous parler de l'amour et ils vous parlent de l'immense chagrin. C'est ça qu'est devenu ce mot pourtant si puissant auparavant. Mélanie montrera au petit...