« Tu es nulle. «
Une simple phrase mais une phrase qui résonne. Phrase qui trouve écho dans chacun de mes actes, chacune de mes paroles. Des mots qui font mal. Mal à cet ego déjà meurtri. Ces mots qui apparaissent comme une évidence. Ces mots ancrés dans mon esprit et bien plus loin encore. Ils sont fondus, tissés, enchevêtrés dans tout mon corps, des systèmes anatomiques à la simple cellule. Mon propre cerveau me hurle cette nullité, me rappelle le caractère monstrueux de ma propre personne.
« Fais-toi du mal. »
Un ordre. Impossible de tergiverser face à cet esprit qui s'impose. Esprit qui s'impose devant la faible volonté de sortir de ce pétrin. L'esprit qui éteint cette petite flamme qui essaye de revivre. Alors, le corps s'actionne, le corps se lève. Le mécanisme se remet en place, la porte de la salle de bains se ferme et le repas tout juste avalé est régurgité. Encore un échec, encore un vomissement, encore un repas de gaspillé, encore de l'énergie qui s'envole. Encore une fois j'ai écouté cet esprit malade qui me pousse toujours à repousser les limites. Je suis hantée par une maladie psychique que beaucoup connaissent simplement de nom. Bien connue en surface mais en profondeur, peu connaissent les véritables systèmes. Peu comprennent la douleur, l'enfer que l'on se fait vivre.
« Tu te gâches. «
Phrase que l'on me répète à chaque rechute. Comme si je ne le savais pas. Comme si je ne savais pas que jeûner, vomir sont des choses à bannir. Tout cela, je le sais mais vous voyez, « c'est plus fort que moi ». L'énergie du désespoir qui me pousse toujours plus loin dans la maltraitance de mon corps. Vomir, vomir, vomir, ne pas grossir mais surtout, maigrir, maigrir et contrôler. Parce qu'il le faut mais que cela me semble impossible : lâcher prise. Lâcher prise sur mon poids, lâcher prise sur la destruction. On me demande de lâcher prise sur ce passé qui m'a détruite et qui continue à me fragiliser. Ce passé qui me fracture et qui me broie. Je sens qu'au plus profond de moi, il existe cette force qui m'a fait déplacer des montagnes mais cela voudrait dire mettre en suspens la maladie. Cela voudrait se faire du bien : chose inconcevable.
La maladie est présente. Bien trop présente. La dysmorphophobie me dévore. Elle dévore mes rêves, elle dévore mon présent. Elle finira par tout ravager si je n'arrive pas à la faire plier. Parce qu'elle est comme cela l'anorexie : jamais satisfaite, jamais rassasiée. Refuser la nourriture mais accepter le mal qu'elle nous inflige.
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Médecine du Coeur
Non-FictionOn se cherche parfois. On cherche parfois nos rêves. Et parfois, on les trouve. On les trouve au détour d'une rencontre. Et parfois, ça nous explose en plein la face. On échoue, on s'en veut longtemps et pourtant, il y a de belles occasions que l'o...