Médecine du Coeur

28/04

Qu'est-ce qui cloche chez moi ? Pourquoi je me sens grosse ? Pourquoi je gâche ces moments de tendresse ? Le ventre tendu, l'esprit noué, je ruine cet amour. L'angoisse qui me tord les entrailles m'empêche de profiter de la douceur. De sa douceur. De ses doux mots. De ses yeux amoureux. La maladie veut tout me voler. A peine parti, je régurgite le peu que j'ai réussi à avaler. Le manque d'estime de soi m'empoisonne la vie. Et le pire dans cette histoire est que j'y cède en vomissant. Alors, je me demande ce qui ne va plus très bien chez moi. Je me le demande comme l'énigme du siècle. Parce que tout le monde le dit : « Philippine, tu as tout pour plaire, tout pour être heureuse ». Et c'est certainement vrai. De longues jambes, des yeux bleus, une bonne mémoire, de la réussite dans les études, un petit ami aimant. Mais, il y a cette maladie. Cette maladie qui cache cette honte d'exister. Honte d'être celle que je suis.

J'ai dit hier que je me battrais. Mais l'envie de vomir a été plus forte ce soir. J'avais oublié ce que signifiait cette sensation après manger. Remplie, pleine comme si j'allais déborder. La sensation d'avoir du gras qui naît au fur et à mesure que mon pauvre appareil digestif essaye d'assimiler les aliments ingérés.

Il fallait vomir. C'était comme une évidence. Comme une habitude malsaine que l'on ne peut chasser. Vomir pour fuir. Vomir pour se cacher toujours plus dans cette maladie. Vomir pour se pelotonner contre le contrôle rassurant. Vomir pour ne pas grossir. Vomir pour se faire du mal.

Elle est là l'évidence : j'ai besoin de me punir.

Et c'est devenu viscéral. Il faut se faire du mal, se priver, se punir. Une tendance masochiste bien cachée.

On m'a demandée aujourd'hui de lister ce qui n'allait pas dans ma vie. J'ai répondu purement et simplement : « Les troubles du comportement alimentaire ».

Mais en vrai, la seule chose qui ne va pas, c'est moi. Toute entière. Chaque parcelle de mon être, chaque cellule, chaque nanomètre. Rien ne va.

Et parfois, comme ce soir, j'ai l'impression que c'est irréversible.