Chapitre 5

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J'ai tout fait pour la revoir, j'me suis même lié d'amitié avec des gens qui n'avaient jamais compté pour moi. Simplement pour la revoir une fois, pour la croiser, au moins pour avoir plus de chance. Et puis c'est arrivé.

Elle était assise sur une chaise, à la terrasse d'un bar, lunettes de soleil sur le nez. C'est fou c'qu'elle était belle...

J'me suis installé, à peine à quelques tables d'elle. Ça m'faisait du bien d'être tout près, ça non plus j'pourrais pas l'expliquer. J'entendais ses rires, sa voix, ses p'tites expressions et ça m'faisait du bien au coeur, pour la toute première fois, ça m'apaisait. Ce jour-là, elle m'a vu, j'en suis certain. Elle a fait semblant de ne pas me voir mais j'sais très bien qu'elle m'a vu, j'sentais dans sa voix que quelque chose avait changé, quelques minutes après mon arrivée.. J'l'ai compris quand elle a commencé à rougir alors qu'il n'y avait aucune raison de le faire. Quand elle était de plus en plus gênée, qu'elle parlait de plus en plus doucement, qu'elle essayait de se fondre dans la masse.

Ça a duré comme ça quelque longues minutes et ça m'a suffit pour être amusé de la situation. Alors j'souriais bêtement assis à ma table. J'souriais dans le vide, sans raison apparente. J'étais toujours là quand elle s'y attendait pas, à son grand désespoir peut-être... J'étais là par surprise, constamment. Au bout de quelques temps, elle a réglé la note et s'est levée pour partir, encore une fois elle me glissait entre les doigts. Elle a fait glisser ses lunettes sur le bout de son nez, m'a jeté un regard comme je les aime, foudroyant, entre peur et colère. C'était histoire de me dire "je t'ai vu, je sais très bien qu't'es là depuis tout à l'heure, je t'ai ignoré volontairement" ou bien encore "je t'ai vu, ça m'a fait plaisir de te voir, mais tu m'fais flipper à être là", quelque chose dans ce genre... enfin j'en sais rien, c'est c'que j'imaginais.

En tout cas, mes yeux à moi voulaient clairement dire "arrête de me regarder avec des yeux pareils ou je risque de t'épouser". J'espérais juste qu'elle avait compris le message, même si c'était plutôt maladroit. J'lui ai souris mais elle n'a pas répondu.

Tous les week-ends, je l'attendais dans cette boite de nuit où je l'avais rencontré, mais elle n'est plus revenue pendant plusieurs semaines, alors j'l'attendais en vain, comme un con. Comme si elle m'avait promis de revenir, alors qu'elle ne l'a jamais fait. Et moi, j'buvais, j'buvais et j'buvais, toujours plus. J'passais mes soirées à fixer la porte d'entrée, espérant voir sa silhouette arriver. Mais elle n'était jamais là, elle ne me cherchait pas, elle ne voulait pas me voir.

J'ai commencé à reprendre soin de moi, sûrement pour lui plaire. J'étais en train de changer: j'allais de nouveau en ville, avec des "amis" que j'avais plus vu depuis longtemps. On passait nos journées d'été à se balader, à profiter du beau temps, à aller se baigner à la rivière d'à coté. C'était sympa cette ambiance, c'est cette vie là qui me correspondait, mais j'l'ai quitté depuis longtemps. J'ai rangé ma p'tite vie tranquille, pour cette vie de ghetto qui me pourrit de l'intérieur.

Puis j'ai recommencé le sport, recommencé à m'éclater, comme je l'avais plus fait depuis le départ de Nessim, comme quand j'avais 17 ans. A la maison, tout le monde avait remarqué le changement. C'est Jenna qui m'a fait la réflexion: un matin, elle m' a trouvé réveillé avant tout le monde, j'étais au salon, je déjeunais et puis j'ai vu du bonheur dans ses yeux, du bonheur comme rarement j'avais pu voir.

Elle m'a dit ..

"C'est la première fois que je te vois ici avant moi. T'as l'air heureux Djelil, c'est beau de te voir comme ça. J'crois même que ça m'rend heureuse aussi. Depuis toute petite je te vois triste, renfermé sur toi-même, sans sourire. Alors je ne dis pas que t'es pas un amour, parce que tu l'a toujours été, j'dis juste qu'aujourd'hui t'es différent..." Et elle a posé sa tête sur mon épaule.

Elle avait raison, Laura était en train de me changer, alors qu'elle faisait même pas partie de ma vie. C'est fou à quel point les femmes ont le pouvoir d'adoucir un homme. J'm'étais ouvert à la conversation, j'arrivais même à tenir une discussion sérieuse. La plupart du temps, j'étais pas d'accord, mais je parlais aux autres et ça, c'était un grand pas pour moi, un petit pas pour l'humanité.

Jenna avait le don de m'ouvrir le coeur et d'y glisser des morceaux d'amour. Chaque mots qu'elle prononçait était mesuré avant d'être dit, chaque conseil était doux, sincère, profond. Elle était bourrée de bonnes intentions. J'ai toujours dit que je voulais trouvé une femme comme elle, c'est sûrement ça qui m'a fait craquer chez Laura, elles avaient la même pureté d'âme, la même douceur dans leurs regards.

Et puis Jenna m'a dit quelque chose qui m'a mis face à mes responsabilité .. "La seule raison possible à ce sourire que je vois sur tes lèvres, c'est une femme. Il n'y a qu'une femme pour t'aider à guérir comme ça Djelil. Alors si c'est le cas.. j'veux dire que.. si j'fais pas fausse route, vas la chercher. Et dépêche toi, avant qu'elle s'envole loin de toi". Voilà ce qu'elle m'a chuchoté à l'oreille, c'était comme mon ange de droite.

Voilà comment me faire comprendre l'enjeu : il fallait que j'aille la chercher, que j'la garde près de moi. Ca ne s'expliquait pas ce que je ressentais et c'était justement pour ça que j'devais foncer, elle avait encore raison. Les femmes n'attendent pas, ne mendient pas l'amour, quand il leur tombe dessus, elle le garde à vie. Alors il fallait que j'lui dise, qu'elle m'avait transpercé le coeur, le jour où elle avait posé ses yeux sur moi.

Djelil, l'Amour aux deux visagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant