Chapitre 6

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Ce jour-là, j'ai décidé qu'un jour elle serait mienne, j'ai décidé qu'un jour elle m'appartiendrait. Mais la vérité c'est que je n'avais rien d'attachant, j'étais plutôt froid et distant. Elle devait même penser que j'étais bizarre, à la suivre un peu partout. J'étais hésitant, parce que j'avais toujours mes vieux démons qui marchaient à mes côtés, j'avais toujours cette petite voix qui me poussait à faire du mal, à ne pas me mélanger, à me protéger.

Peu à peu, je délaissais le deal, j'étais moins disponible. J'étais super occupé à la chercher dans tous les coins de la ville.

Puis il y a eu Yassin. C'est grâce à lui que j'ai volé son coeur, c'est de sa faute aussi. J'ai repris contact avec Yassin, alors que j'l'avais pas fait depuis des années, koulchi bel mektoub comme on dit. J'suis revenu vers lui en me disant que j'étais passé à côté d'une belle amitié. J'l'avais connu étant gosse, mais j'avais arrêté de le fréquenter quand je m'étais enfermé dans ma bulle avec Nessim, parce que rien d'autre ne comptait à part lui et qu'il était plus que mon frère.

Vous savez, je considère que lorsqu'on a un frère qui compte plus que les autres, on ne peux pas partager équitablement son amour. Ceux qui disent le contraire sont des menteurs. Je n'aurais jamais pu aimer un autre frère comme je l'aimais lui. Mais finalement, l'amour s'estompe alors... J'étais tellement occupé à prendre soin de mon p'tit frère que j'ai oublié les autres.

Pourtant Yassin avait toujours été réglo avec moi, plusieurs fois il m'a même dépanné quand j'avais besoin. Je l'avais négligé et j'voulais me rattraper, je voulais rattraper le temps perdu et tout c'que j'avais foutu en l'air. Et contrairement à c'que je pensais, il a été content de me retrouver, content de me revoir à la porte de chez lui.

Pour une fois, j'ai été très honnête, j'lui ai dis que j'm'en voulais, sans forcément présenter des excuses et calmement il m'a dit qu'il comprenait. C'est comme ça que notre amitié à revu le jour, comme ça qu'on a de nouveau marché ensemble, jusqu'à ce qu'il vienne peu à peu combler l'absence de Nessim. "Combler" est un grand mot, j'veux juste dire que lorsque j'étais avec Yassin, j'souffrais moins de son absence.

Ce qui me bouffait avec Nessim c'est qu'il avait disparu de la circulation. Il ne donnait plus aucune nouvelle à personne, depuis plusieurs mois. Personne ne savait où il était, ce qu'il faisait et s'il était toujours en vie. Tout le monde l'avait oublié, sauf moi, sauf Yassin.

Un soir, garé sur cette colline, Yassin m'a dit :

"Au fait Djelil, je sais que ma question va te faire souffrir, mais est-ce que toi au moins, tu as des nouvelles de Nessim?"

- J'ai plus de ses nouvelles depuis presque 16 mois. Il a disparu. J'ai essayé d'appeler sur son téléphone mais le numéro n'est plus attribué. J'ai essayé de joindre sa mère, mais apparemment elle m'aime toujours pas, puisqu'elle a jamais décroché à un seul de mes appels. J'sais pas c'qu'il s'est passé Yassin.. J'me suis fait des dizaines de scénarios dans ma tête, j'me pose des milliers de questions, mais j'ai jamais eu de réponses..

- J'ai entendu dire que tu l'avais aidé après son déménagement. Pour être honnête j'ai entendu dire que tu l'aidais financièrement à commencer une nouvelle vie... c'est vrai tout ça ?

- Oui c'est vrai. Depuis son départ je l'ai aidé financièrement. Au départ, j'recevais constamment un message pour dire "merci", mais les messages se sont fait de plus en plus rare et puis un jour ... plus rien.

Les yeux dans le vide, Yassin a arrêté de parler du sujet qui fâche. Il a posé sa main sur mon épaule et m'a simplement dit "Tout va bien, j'en suis sûr. Fais lui confiance".

J'aurais dû me taire à ce moment-là, j'aurais dû garder ça pour moi, mais j'avais jamais eu l'occasion d'en parler à quelqu'un. Personne ne m'a jamais demandé s'il me manquait, tout le monde l'avait vu mais personne ne m'en avait parlé. Alors j'lui ai tout déballé..

"C'était mon p'tit frère.... Yassin, tu comprends ? Est-ce que c'est normal de faire ça à son frère ? Peut-être que c'est moi qui vois tout de travers j'en sais rien, dis-moi est-ce que toi t'aurais agi comme ça ? J'suis certain que non. Et puis là, zéro nouvelle. Moi j'passe des nuits blanches à m'inquiéter, ça fait longtemps que j'dors plus sereinement. J'ai l'impression que le monde tourne à l'envers putin. Personne ne le cherche. Tout le monde me dit qu'il à refait sa vie loin de moi et qu'il veut passer à autre chose mais si c'était vraiment le cas, il me l'aurait dit. J'le connais trop pour me tromper j't'assure.

Lui c'était différent. Il était comme toi : sincère. C'est pas un menteur, pas un profiteur non plus. Ca fait des mois que mes virements sont refusés par sa banque. J'sais même pas s'il a de quoi vivre. J'espère juste qu'il va bien parce que j'te jure que ça m'bouffe le moral, ça m'bousille le coeur toutes ces conneries.

J'me suis coupé du monde pour lui, pour lui donner tout c'que j'avais à donner et regardes-moi aujourd'hui... j'ai plus rien, j'suis plus rien."

Il a serré fort ma nuque.. comme un grand-frère... la voix tremblante il m'a dit "T'es toujours le même, t'es toujours le même Djelil que j'ai connu étant gosse... sauf qu'aujourd'hui t'es malheureux. C'est la seule chose qui a changé. Mais c'est pas trop tard pour revivre, regardes autour de toi : le soleil continue d'se lever, le vent souffle toujours aussi fort et les lumières de la ville éclairent toujours autant nos yeux. Ca s'passe à l'intérieur de toi, à l'intérieur de ta tête. Mais tu vas t'en sortir, t'es plus bien plus fort que tout ça. Depuis son départ, t'as arrêté de vivre, t'as survécu Djelil... J'suis là maintenant, j't'en veux pas du tout, Li Fet Met (ce qui est passé est mort).

Et merde, il avait un coeur gros comme les océans du monde. On s'est sourit, on a démarré la voiture et on a roulé toute la nuit, sans parler. C'était notre façon à nous de nous retrouver...

Djelil, l'Amour aux deux visagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant