Chapitre 8

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Et le sourire m'est revenu ..

- J'crois que tu lui plais .. j'l'ai jamais vu comme ça, toute gênée, toute timide, le regard dans le vide. Vous vous connaissez ?

- De qui tu parles Yassin ? J't'ai pas suivi là ?

- Je parle de Laura, tu sais très bien que j'te parle d'elle non ? Pourquoi tu fais semblant ?

Bien sûr que je faisais semblant, comment j'aurais pu lui avouer que j'avais eu un coup de coeur pour elle alors qu'apparemment.. lui aussi. J'me voyais mal faire de la peine à mon frère, j'voulais pas lui procurer une once de tristesse. Alors j'ai menti, j'ai nié haut et fort et ça a duré un long moment.

- Non, même pas. Jamais vue. Jamais aperçue.

J'ai bien vu dans sa façon d'être que Yassin ne m'avait pas cru et pour autant, il n'a pas cherché à me contredire. Heureusement, parce que j'essayais d'être convainquant et que j'étais moi-même perdu dans tout ce que je pouvais ressentir pour elle.

J'ai donc pris volontairement de la distance avec Laura. Avant, je faisais tout pour la revoir, tout pour la croiser au détour d'une rue. Et puis, depuis cette rencontre aux côtés de Yassin, je n'avais plus cherché à la revoir.  De toute façon ma vie a toujours été comme ça: bourrée de mauvaises ondes, de rencontres inutiles, de sentiments confus. A chaque fois que je me fixais un objectif, il était inaccessible ; je m'engageais dans un projet, qui finissait par tomber à l'eau, faute de motivation, faute de véritables efforts, j'en sais trop rien.

Enfin voilà, Laura était une déception de plus, un échec, un chagrin en trop. Pendant quelques jours, j'ai esquivé Yassin. Parce que j'm'en voulais à moi-même d'avoir eu des sentiments pour la femme qu'il aimait, c'était un interdit que j'm'étais juré de ne jamais transgresser. Et pourtant j'l'avais fait, j'étais un traître moi aussi, un vrai de vrai. Et le pire dans cette histoire de coeur, c'est qu'elle me hantait, cette scène me bouffait de l'intérieur. J'la voyais avancer vers ma voiture, accompagné de mon frérot et mon petit espoir de la conquérir a été dévasté.

Il n'y a qu'à Jenna que je pouvais en parler, elle était la seule à pouvoir comprendre. Et c'est elle-même qui est venu réconforter le coeur de son grand-frère..

- Qu'est ce qu'il se passe Djelil ? T'as pas vraiment le moral en ce moment hein...

- Rien d'important, une petite histoire de coeur..

- Une histoire de coeur ? Le grand Djelil connaît des histoires de coeur alors ? Ce n'est donc pas une rumeur, même les hommes les plus durs finissent par tomber amoureux...

- Hé ! J't'ai jamais dit que j'étais tombé amoureux, arrête d'inventer... les femmes et leur exagération, stop. J'ai dis "histoire de coeur" pourquoi tu rajoutes ?

- Allez, racontes.

"J'sais même pas ce que je peux te dire. J'me suis emballé pour rien. J'ai rencontré une femme magnifique Mâ shâa Allah... elle m'fait penser à toi d'ailleurs, vous avez la même pureté sur votre visage.. Enfin bref, j'pensais pouvoir engager quelque chose, parce que j'avais l'impression qu'elle me regardait avec amour... je te jure, j'en étais persuadé Jenna! Mais j'me suis trompé, elle fait tout pour m'esquiver. J'l'ai croisé il y a quelques jours, mais elle était avec Yassin. J'pense même qu'ils sont ensemble. Ils avaient l'air bien tous les deux, ils souriaient, se taquinaient comme des enfants etc... bref t'inquiètes. Ca va passer, c'était rien d'important." Voilà ce que je lui ai dit, j'aurais pu continuer à parler pendant des heures, parler d'elle, parler de ce que j'ai ressenti le jour où j'l'ai rencontré, le jour où j'l'ai vu avec le seul allié qu'il me restait, tout c'qui se cachait à l'intérieur de moi.

Mais il fallait que je m'arrête parce que j'la voyais déjà sourire, je savais qu'elle allait rire de tout ça, parce que j'étais le premier à rire quand ça arrivait à un de mes potes. J'étais le premier à me foutre d'eux, comme si j'étais intouchable, comme si ça n'allait jamais m'arriver ce genre de chose. Regardez-moi, quelques années après, me voilà dans la même galère.

La vérité, c'est que tout le monde finit par y passer. L'amour, c'est quelque chose qu'on ne peut pas esquiver, quand il veut s'imposer, il le fait. N'importe où, n'importe quand et avec n'importe qui. Il faut l'accepter. Et combattre l'amour est bien trop destructeur pour le coeur et l'esprit. Ca faisait à peine quelques jours que j'étais tombé amoureux de ses yeux que j'prenais déjà un bon coup de machette dans le coeur.

Et puis finalement, heureusement que j'en ai parlé à Jenna, sinon j'aurais pu croire toute ma vie à cette connerie et passer à côté de tout c'que j'ai vécu avec elle. Sourire jusqu'aux oreilles, elle m'a répondu ..

"Yassin ? En couple ? Je pense que tu fais fausse route Djelil. Tout le monde a voulu un jour avoir son amour, mais aucune femme n'a réussi à le faire tomber. Yassin est trop occupé à être un homme bien, il s'occupe de sa famille, ses petites soeurs, son petit frère. Il a d'autres projets en tête. Tout le monde sait que Yassin a clôturé son coeur par des fils barbelés, alors j'pense que tu t'es trompé. Demande-lui toi-même et tu en auras le coeur net, mais crois-moi, Yassin n'est pas amoureux. Ça, c'est bien des choses que nous les femmes, savons ressentir. Alors fais-moi confiance, tu n'es pas le traître que tu crois, tu n'as pas trahis ton frère."

  Elle m'a fait un clin d'oeil et a rejoint sa chambre en toute discrétion. Il fallait que je vois Yassin au plus vite, il fallait que j'sois sûr de moi, sûr d'eux, sûr de ce qu'il pouvait se passer.

Djelil, l'Amour aux deux visagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant