Chap. 3 : "Les Tuche" - Sylvester #3

2 0 0
                                    

Titre alternatif : Dans lequel les personnages regardent un chef-d'oeuvre du septième art

Ding, dong !

Sylvester vient d'arriver chez Francis. La porte de la maison s'ouvre sur les langues de Francis et Brenda, manifestement entrelacées hors de leur cavité buccale. Sylvester constate cet agencement d'organes gustatifs avec un étonnement léger : le jeune gay refoulé en lui qu'il était il y a encore une semaine a un léger pincement au coeur en voyant son ancien crush baver sauvagement sur quelqu'un d'autre que lui. Cependant, Sylvester sait que ce léger goût amer n'est rien comparé aux émotions vives et tendrement colorées que Juan-Lúis va lui procurer dans quelques instants quand il va l'apercevoir de nouveau. Sylvester est même heureux que Francis ait trouvé... peut-être pas l'amour mais au moins une personne à lécher sur son temps libre.

Francis détache sa langue de celle Brenda, passe sa main sur ses lèvres, sans doute pour les essuyer, puis adresse un grand sourire à son invité tout juste arrivé : "Hé ! Salut mon pote !" dit Francis (une goute de salive coule lentement dans le creux son cou tandis que Sylvester se demande si cette violente friend zone le heurte réellement).

Les trois jeunes se saluent et se dirigent ensuite vers le salon de Francis où une petite troupe est déjà rassemblée. Il y a, comme à l'accoutumée, Brigitte qui raconte avec un enthousiasme désespérant les péripéties sentimentalo-sexuelles de son amie Lolita à Lancelot. Lancelot arbore comme de coutume sa coiffure si caractéristique où ses mèches noir de jais sont ramenées en arrière avec une classe rare à l'échelle du salon de Francis. On peut d'ailleurs observer sous le bras de ce dernier un livre que Lancelot se destine certainement à ouvrir au moment où la conversation touchera un fond de non-intérêt trop éprouvant pour sa personne distinguée (il s'agit, pour les petit-es curieux-ses, du tome trente-deux de La Comédie Humaine, que Lancelot possède dans une édition pléiade assez rare).

Sylvester salue les deux autres convives avec sympathie et intérêt, s'intéressant tantôt aux problèmes de manucure de l'une, tantôt à l'émission radiophonique écoutée ce matin par l'autre, quand soudain retendit derrière lui un grand bruit de chasse-d'eau. Sylvester se retourne, et est alors happé par la magnificence de la scène qui s'offre à ses yeux. Cela fait deux jours qu'il l'attend, deux jours que son coeur ne pense qu'à ce moment ; il l'a rêvé, imaginé, dessiné dans ses songes ; il a rempli dans sa tête des pages infinies de suppositions, d'espoirs et sans doute d'illusions. Et maintenant qu'il arrive, enfin, il lui semble encore plus beau, encore plus majestueux que tout ce qu'il a pu imaginé : en face de lui une porte en acacia s'ouvre sur Juan-Lúis.

Le temps alors s'étire, s'arrête, se détend pour laisser à cet instant plus d'espace et plus de langueur. Tout est étouffé dans un silence intime et chaleureux. Au ralenti, comme dans une comédie romantique, Juan-Lúis lâche la poignée des toilettes et essuie dans un geste très classe ses grosses paluches humides sur son bermuda en jean sale et délavé. En cet instant, Sylvester se régale de chaque infime détail de la scène qui a lieu sous ses yeux émerveillés. Tout lui semble minuscule mais infini, distordu dans l'espace-temps, enfermé dans une spirale qui ne fait que grandir. Avec sensualité, Juan-Lúis passe cette même main qui lui a servi à ouvrir la porte (et qui est encore légèrement trempée) dans ses cheveux mi-longs satinés couleur noisette. Sylvester savoure chaque mouvement de celui qu'il a attendu de revoir pendant si longtemps en pourtant si peu de temps. Il a l'impression de flotter dans un bain de coton parfumé, où tout est beau, lent et étouffé.

Puis, Juan-Lúis lève ses doux yeux et croise le regard du timide Sylvester. Le temps reprend alors subitement sa course habituelle. Tout revient brutalement dans l'ordre : le bla-bla incessant de Brigitte reprend, le bruit de salive à sa gauche réapparait, la porte des toilettes claque et Sylvester cligne hâtivement des yeux pour reprendre ses esprits, tandis que ses oreilles virent au cramoisi. Il décroche avec beaucoup d'efforts son regard de celui du beau Juan-Lúis à la peau hâlée. Sylvester hoquette : "Salut, sa va ?" Le visage fin et bien dessiné de Juan-Lúis se fend alors d'un grand sourire où l'on perçoit de magnifiques dents blanches dignes de la pub mensongère de Colgate 100% Blancheur en seulement 4 jours.

Sylvester comprend alors que son coeur ne répondra jamais plus d'autre chose que de ce sourire éclatant. La voix grave et terriblement sensuelle de Juan-Lúis parvient alors jusqu'aux jolies petites oreilles de Sylvester - qui ont continué de rougir sous l'émotion - : "Salut Sycie, j'avais vraiment très envie de te revoir..." 

JuanvesterWhere stories live. Discover now