7 - Retrouvailles

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   De petites bulles commençaient à se former sous la chair blanchie.
Les flammes, qui chauffaient la pierre aplatie, crépitaient joyeusement en lâchant dans l'atmosphère sylvestre des petites escarbilles qui s'envolaient aussitôt.

L'enfant blond délaissa la racine qu'il était en train d'éplucher se rapprocha de son fourneau improvisé.
Il détacha l'œuf de la pierre sur laquelle il cuisait et l'engloutit d'un coup dans un bruit très peu appétissant.

Quelle chance d'être tombé sur un poulailler qui ferme mal, se dit Dan en savourant son petit-déjeuner.

   Il retourna près de la racine à moitié épluchée qui gisait sur le sol et finit son ouvrage. Une fois coupée en rondelles grossières, il enfouit le tout dans la cendre de la veille encore chaudes.

Ce n'était pas par inspiration culinaire qu'il faisait ça, mais parce que c'était le seul moyen de rendre ces racines mangeables.
Non, vraiment, c'était absolument infâme !

En attendant que la cuisson se termine, il décida de partir ramasser des brindilles pour alimenter son feu.

Mais, alors qu'il partait, entre les piaillements des oiseaux et les bruissements des aiguilles de pin, il entendit des bruits de sabots.

Un cheval, sans doute monté par un cavalier, qui se trouvait a encore une bonne distance.

Il était encore loin, mais semblait se rapprocher de plus en plus.

Personne ne venait jamais par ici, et encore moins dans cette partie précise de l'immense forêt.

D'un coup de pied, il étouffa son feu et retourna la cendre pour piéger la fumée, puis il ordonna à sa monture de fuir.
Il sortit le revolver de sa ceinture et se cacha derrière un buisson.

Malheureusement, la dernière balle du barillet avait fini sa vie dans le cœur d'un truand, et maintenant il était vide...

Pourquoi j'ai pas pensé à reprendre des balles, se maudit-il, je vais devoir la jouer au bluff...

   Il s'accroupit, caché, attendant le nouvel arrivant.

Il se rapprochait de plus en plus, comme les doigts du blondinet se serreraient sur son arme.

   Je t'en prie, va-t'en ! La forêt n'est pas assez grande ?

Enfin, une silhouette se détacha dans la lumière de la clairière.

Tous les muscles du blond se détendirent de concert.
Il émit un soupir soulagé, et se montra au cavalier.

— Josh !

Il sortit de sa cachette et courut vers son ami.

— Je suis si content de te voir, j'ai vraiment cru que quelqu'un voulait me faire la peau.

Joshua mît pied à terre et commença à décharger les sacs que portaient sa
monture.
Il devait y en avoir pour au moins cinquante kilos, au bruit qu'ils faisaient lorsqu'ils touchaient le sol.

Dan jeta un œil à ce qu'ils contenaient. Il y avait de tout : nourriture, vêtements, munitions, sacs de couchage, tentes, allumettes, cafetière, casseroles, lanternes, et même une canne à pêche.
Joshua sortit ensuite deux fusils de la selle de sa monture, et les posa à côté du tas.

Devant les yeux écarquillés de son ami, il essaya de se justifier.

— C'était en soldes, un article acheté un offert...

Le blondinet secoua la tête.

— Non, c'est pas ça qui me tracasse. C'est juste : ou as-tu trouvé l'argent ? Il y en a pour au moins cinq cent balles là dedans !

— J'ai vendu la ferme, répondit simplement l'autre.

Il lui raconta ensuite toute l'histoire : l'huissier, les dettes, la fourche, et enfin pourquoi il était venu.

— Tu sais, au début je voulais juste passer la nuit au saloon.
Et puis je les ai entendu parler. De toi.
Enfin, comme la moitié de la ville après tes exploits, tu vois ? Attention, c'est pas un reproche hein, mais tu vois on parle beaucoup de toi donc ça m'avait paru assez normal...

— Abrège, s'il te plaît.

Joshua hocha la tête et poursuivit :

— En fait, ce qui m'a frappé, c'est le ton avec lequel ils parlaient de toi. Comme si ils te connaissaient.
Ils n'avaient pas l'air nets...

— Continue, le pressa Dan. Qu'est-ce qu'ils ont dit d'autre ?

— Ben... c'est tout !? Ils n'ont rien dit d'autre d'intéressant.

— Pourquoi tu es venu alors, le pressa le blond, il y a forcément un détail qui t'a mis la puce à l'oreille !

   Joshua sa gratta le menton. Il réfléchissait.

— Ils avaient un accent italien... Et ils connaissaient le nom de celui que tu as... enfin, tu vois...

— Tué ? C'est intéressant... Ce seraient donc des complices.
Quoi d'autre ?

— Ils parlaient aussi d'un certain... comment c'était déjà ? Luigi je crois... ou peut être Linguini, enfin un truc dans le genre...

Dan acquiesça. Il semblait réfléchir.

— A quoi tu penses, s'enquit son ami. Tu semble ailleurs...

Le blond secoua la tête et réfléchit à voix basse.

— Non, ça ne peut pas être possible... Quelles sont les chances ? Non, c'est définitivement impossible...

Il se tourna vers son ami.

— Je ne pense pas que ces gars-la représentent une menace, mais tu as bien fait de venir, j'allais partir vers le sud pour l'hiver.

Le brun leva la tête et sentit un petit filet d'air frais.

— Tu as raison, passer Décembre ici, ce ne serait pas raisonnable... Tu pensais aller jusqu'où ? Pourquoi ne pas juste passer l'hiver bien au chaud dans une ville ?

— Il y a des gens qui savent qui je suis, et si tu as réussi à me retrouver, alors eux aussi ! Et je refuse de rester terré dans un trou à ne rien faire en attendant qu'ils me mettent le grappin dessus...
A mon avis, il faut carrément quitter l'Iowa, jusqu'à un endroit où on pourrait passer l'hiver et qui serait suffisamment loin pour ne plus être inquiétés.

— Tu... Tu veux dire quitter nos bons vieux Hearthlands ? Pour aller chez ces coyotes de sudistes ?

Dan secoua la tête.

— Non, pas jusque là, on s'arrêterait au Missouri je pense. Et d'ailleurs, ces coyotes de sudistes comme tu dis, on leur a flanqué une bonne raclée il y a plus de dix ans donc à mon avis ils se sont calmés...

Joshua se leva et ouvrit un sac parmi ceux qu'il avait rapportés, et sortit une grande carte.
Il posa son doigt dessus et dit :

— Nous, on est là. Et le Missouri c'est... Ici. Ça me parait bien...

Puis il regarda l'échelle au bas de la carte.

— Attends un peu, c'est vachement loin ! Ma pauvre Hortense ne supportera jamais le poids de notre équipement jusque là-bas...

L'intéressée émit un hennissement désapprobateur et racla le sol du sabot.

Le blondinet secoua la tête.

— C'est bon, vous avez gagné, on ira en bateau...

Wild WestOù les histoires vivent. Découvrez maintenant