Chapitre 1 :

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12 ans plus tôt,

Je n'aimais pas beaucoup la ruelle dans laquelle Papa nous avait emmenés, elle était étroite et il y faisait très sombre, mais le regard que Papa me lançait en cet instant était bien plus terrifiant. Papa était énervé une fois de plus. Aujourd'hui, j'avais refusé de faire sport avec le reste de ma classe, m'opposant à l'idée de me changer dans les vestiaires communs en présence d'autres filles. Mme. Mary était une femme très belle et délicate, parfois elle me faisait penser à ma Maman même si le souvenir de celle-ci commençait à s'évanouir. Elle était restée à mes côtés pendant le cours de basket me parlant de temps à autres quand elle n'était pas occupée avec mes camarades. Un ballon dévié de sa trajectoire avait surgi de nulle part et était arrivé dans ma direction. J'aurais dû agir mais comme paralysé, mon corps n'avait pas bougé. Mme. Mary était intervenue me tirant subitement par le bras. J'avais alors crié de douleur, non pas parce que le ballon m'avait touché, non, Mme. Mary m'avait protégé, mais parce que la main qu'elle avait posé sur mon bras était bien plus douloureuse que n'importe quel ballon que j'aurais pu recevoir. Plus tôt, ma professeure n'avait pas cherché à connaitre les raisons qui me repoussaient à faire du sport, m'évitant bien des soucis. Mais après cela, et au vu de la douleur apparente que je ressentais, c'était totalement impuissante que j'avais laissé Mme. Mary retirer ma veste et observer mes bras. J'avais lu l'horreur dans ses yeux, alors qu'elle comprenait la situation à la vue des bleus qui parsemaient mon corps. Suite à cela, les cours du reste de la journée avaient été anormalement annulés. Nous avions donc passé l'après-midi à jouer mes amis et moi dans la cour de récréation. Mme. Mary quant à elle, était restée assise durant des heures. A l'écart dans un coin de la salle de classe, elle avait passé nombre d'appels sans cesser de me jeter des coups d'œil inquiets. Je comprenais désormais d'où provenait la fureur de mon père et qu'il avait eu vent de mes bêtises, j'étais pourtant persuadée de ne rien avoir fait de mal.
Papa accroupi à ma hauteur, se tenait devant moi cachant les quelques rayons de lumières qui subsistaient dans cette ruelle sinistre. Il gardait mes petits poignets dans ses mains et refermait sa prise un peu plus à chacun de mes mouvements me dissuadant de bouger.

— Tu as une nouvelle fois cherché à faire l'intéressante Iris.

Je baissais les yeux sur les jointures des mains de Papa qui étaient râpées et où quelques perles de sang coulaient. Le mur avait servi de substitut, mais ses mains ne tarderaient pas à rencontrer de nouveau ma chair. Mes yeux déviaient vers mes poignets ou quelques bleus et contusions étaient visibles à la commissure des manches de mon t-shirt. Je m'en voulais désormais de ne pas avoir été plus discrète. Je m'en voulais d'être aussi faible et que mon corps ne soit pas assez robuste pour supporter ses coups. J'avais promis de garder le secret, un secret que seul mon père et moi partagions. Son regard endurci par la haine, me transperçait, sa rage me consumait et j'avais peur. Mes lèvres esquissèrent un sourire, une tentative désespérée de le calmer mais à mon grand malheur il fut le déclencheur du premier coup. Il me frappa violemment au visage, envoyant ma tête valdinguer contre le mur qui se trouvait derrière moi.

— Je t'ai dit de ne plus jamais arborer ce sourire, dit-il appuyant chaque mot qu'il prononçait par des coups qu'il me portait au visage. La vie est cruelle de t'avoir donné le même sourire que celui de ta mère.

J'encaissais chaque coup, ma tête oscillant dans tous les côtés. Ca faisait mal. Je sentis mon corps m'élancer et ce que je pensais être des larmes étaient en fait des gouttes de sang roulant le long de ma tempe jusque sur mes joues. Mes yeux, eux, étaient secs. Je tombais à genoux et il s'arrêta enfin, la main en suspens au-dessus de ma tête. Étonnamment, lorsqu'il approcha sa main de mon visage, il écarta de celui-ci des mèches de cheveux restés collé dans du sang séché, et de sa main releva ma tête face à la sienne. Il me scruta d'un air sauvage, toute rationalité l'ayant abandonné.

— Ça me rend triste, d'en arriver là. Dit-il finalement sans la moindre expression. Sincèrement Iris.

Il écrasa dans ses doigts mon menton, déformant mes traits. Un gémissement s'échappa de mes lèvres.

— Je suis conscient de toute la douleur que tu endure, mais je fais tout ça pour ton bien. Pour y mettre un terme, poursuivit-il.

À ces mots il resta immobile pendant quelques instants, puis il se redressa lâchant mon visage par la même occasion. Le soulagement s'empara de moi et ma première pensée fut qu'il en avait fini pour aujourd'hui, mais le tintement d'un objet que mon Papa venait de sortir de la poche de son pantalon attira mon attention, et à travers mes yeux bouffis je pus reconnaitre la stylique de son couteau suisse. Le canif était en bois, taillé à la main, la lame en acier inoxydable était étincelante et ne semblait avoir aucuns défauts. Papa approchait férocement de moi, la lame pointée dans ma direction, et comprenant le danger, l'incompréhension laissa place à l'effroi. Mon instinct de survie ayant pris le contrôle, je me relevais sur mes deux pieds et me mis à courir sans tenir compte des tremblements de mes jambes. J'étais petite et frêle, c'est sans difficultés que mon père suivait ma trace dans les ruelles, j'avais beau courir mes petites jambes n'étaient pas assez rapide pour lui échapper. J'arrivais à une impasse, je ne pouvais aller nulle part, j'étais prise au piège. Je me tournais en direction de Papa qui arrivait derrière moi et je me collais au mur, apeurée. Il se trouvait désormais devant moi, il me regardait un sourire aux lèvres, prit d'une hilarité sans fin.

— Ne fais pas cette tête, dit-il entre deux ricanements. Ce sera rapide.

Les larmes se mirent alors à couler. Il m'attrapa par les cheveux et me souleva de façon à ce que mes pieds ne touchent plus le sol. Le couteau posé sur ma joue, des plaintes dont il ne tint pas compte franchirent mes lèvres et je le suppliais d'arrêter. Il fit glissé l'arme le long de mon cou jusque sur mon épaule ou il fit pression, le vêtement se déchira laissant place à ma peau nue. Sans hésitations, il enfonça profondément le canif, arrachant un rictus de plaisir à ses lèvres. J'étai horrifiée par l'expression de son visage et le bonheur que lui procurait ma souffrance. J'appelais à l'aide, mais le son de ma voix s'amoindrit, mes forces me quittant peu à peu. Je ne voulais pas mourir ici et d'une telle façon, je voulais retrouver Nana mon ours en peluche adoré que j'avais laissé à la maison, mes amis à l'école et Mme. Mary. Il continuait d'entailler ma peau, le sang coulait à flot je ne discernais plus la couleur de mes habits, bien qu'il n'en restât plus grand-chose, ces derniers étant complètement déchiquetés. Papa ou le monstre devant moi me lança un dernier regard carnassier avant de me porter le coup fatal. C'est avec lenteur qu'il prit plaisir à enfoncer le couteau dans mon ventre, et alors que la douleur parcourait tout mon corps comme si j'allais exploser, la sensation de l'objet métallique s'insérant sous ma peau, disparu progressivement. Je me sentis partir. Mes yeux lourds, commençaient à se fermer, et dans leur plissement j'aperçus une grande masse sombre apparaitre dans le dos de mon père. Je crus d'abord à une hallucination, pourtant mon père avait cessé de me poignarder et je gisais désormais sur le sol. J'essayais par tous les moyens de maintenir mes yeux ouverts et observais la scène, sans réellement prendre conscience de ce qui était en train de se passer. Je parvins à discerner les traits d'une personne ; un homme, il était grand et musclé. Ma vision bien que vague et imprécise, je fus persuadée que l'homme arborait des yeux rouge sang, et ses dents... de longues canines aiguisées. Ma vue déclina, et de mes paupières closent, je pus entendre les cris tiraillés de douleur de mon père, juste avant de sombrer dans les ténèbres.

•••

Je sentis des bras fermes envelopper tout mon être et me porter, je n'avais plus mal. Ce fut la voix d'un jeune homme que j'entendis.

— Tu es un petit être des plus troublant marmonna-t-il. L'heure de ta mort n'est pas encore venue rassures toi.

La sensation de ses bras disparu alors qu'il me déposait sur le parvis d'une maison et fut remplacée par la dureté du sol qui m'était que trop familière. Le bruit des pas du jeune homme s'éloignant emplirent mes oreilles puis fuirent remplacer par le cliquetis d'une porte qu'on ouvre. Des cris d'affolement bourdonnaient dans mes oreilles, ceux d'une femme : ma tante. Mais les pas du jeune homme raisonnèrent dans ma tête encore longtemps après son départ, ne prêtant plus attention au reste. Il m'avait sauvé.

Destinée à la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant