Destinée à la mort

Chapitre 6 :

Cela faisait maintenant quelques jours que ma fête d'anniversaire était passée. Elle s'était terminée au petit matin et sans le moindre encombre. Bien sur Noham avait fini la soirée, allongé sur le sol, les jambes et bras écartés comparable à une étoile de mer, l'alcool ayant eu raison de lui. Evie et moi avions ensuite du le porter à bout de bras et je souriais en repensant au cri d'Evie lorsque Noham avait manifesté son envie pressante de vomir, alors que nous étions sur le chemin de la maison.
Je bus une grande gorgée de mon lait au chocolat et regardai Noham qui s'affairait au fond de la cuisine. Il était en train de se préparer des tartines grillées qu'il tartinait de beurre. Il vint s'assoir à côté de moi tout en fredonnant et posa son petit déjeuner sur la table.

— Alors comment tu sens cette journée ? Me questionna-t-il.

— Plutôt bien, dis-je la bouche pleine après lui avoir piqué une de ses tartines. J'espère juste ne pas être dans ta classe cette année.

Il arqua un de ses sourcils et m'adressa un sourire mutin

— Je ne comprend vraiment pas pourquoi.

— Peut-être à cause de toutes les heures de colle que nous avons eu l'an passé par ta faute ? Mais surement aussi parce qu'après que tu aies glissé dans le t-shirt de Stéphie la grenouille que nous étions en train de disséquer en biologie, elle et ses sbires se sont mises à me détester plus qu'elles ne le faisaient déjà avant. 

Il se mit à rire à l'évocation de ce souvenir.

— Oh allez, avoues que c'était drôle ! 

Je souris. Qu'est-ce qu'il pouvait être agaçant par moment.
Mes pensées se dirigèrent vers Stéphie et un nœud se forma dans mon estomac perdant tout appétit. Je n'étais pas pressée de retrouver la collègue de travail d'Evie qui était aussi la grande teigne du lycée et qui prenait un malin plaisir à m'ennuyer.

— T'en fais pas cousine on se retrouvera bien assez vite en heure de colle toi et moi, renchérit Noham tout en tapant son bol contre le mien comme pour trinquer.

Je levai les yeux au ciel exaspérée. L'année risquait d'être longue.

✽✽✽

Le flux d'étudiant se dispersait dans les couloirs tandis que j'essayai de me frayer un chemin jusqu'à ma salle de classe. Passés deux mois que je n'avais pas retrouvé la familiarité des murs de ce lycée. J'étais partagée entre l'appréhension et la hâte de découvrir ce que cette année me réservait. Je tournai à l'intersection d'un couloir et arrivai devant ma salle. J'inspirai une grande bouffée d'air frais et m'engageai dans celle-ci. La première personne que j'aperçus fut Stéphie. Difficile de ne pas la remarquer, elle était assise sur une table dans le milieu de la salle et portait une jupe provocante qui remontait sur ses cuisses. Elle jacassait comme à son habitude, flanquée de trois de ses amies. Je soufflais quelques peu déçu et m'asseyais à une table dans le fond de la classe. Elle ne m'avait pas encore remarqué et ce n'était pas pour me déplaire. Les bras croisés, j'observais les visages de mes autres camarades ; quelque uns m'étaient familiers mais ne m'évoquaient rien de plus. Une fille assise dans ma rangée attira mon attention, elle était brune avec de jolies yeux bleus cachés par une grosse paire de lunettes rondes qui lui mangeait tout le visage. Elle gigotait sur sa chaise et semblait anxieuse, surement parce que c'était le premier jour de cours. Des rires parvinrent depuis le couloir et plusieurs garçons rentrèrent dans la salle, j'en reconnus deux d'entre eux pour avoir été au collège avec eux ; Ryan Peterson et Polo Mayer. Je ne fus pas la seule à remarquer leur entrer, Stéphie avait les yeux rivés sur le groupe de garçon, on pouvait presque voir flotter des étoiles dans ses yeux comme si c'était le plus beau jour de sa vie. Le soulagement s'empara de moi quand j'aperçus Lowen dans la masse, je ne l'avais pas remarqué jusqu'à présent. Je pouvais compter un de mes meilleures amis dans ma classe et j'étais quelque peu rassurer. Mon enthousiasme fut pourtant de courte durée, il parlait avec deux garçons et l'un d'eux n'était autre qu'Azaël. Comme s'il avait senti ma présence ce dernier tourna les yeux dans ma direction à ce moment-là. Je repensai alors à ma soirée d'anniversaire, à la brève conversation que nous avions eue, au regard perturbant qu'il avait posé sur moi et un frisson me parcourut. Il me sourit mystérieusement et comme pour couper court à l'instant je m'empressai de sortir ma trousse et des cahiers de mon sac.

— Iris ! S'exclama Lowen qui m'avait remarqué depuis le devant de la salle et qui s'avançait désormais vers moi.

De nombreux regards se posèrent alors sur moi. Stéphie me fixait d'ailleurs ébahit faisant les gros yeux, elle devait surement réaliser que nous allions devoir passer une année de plus à se supporter mutuellement. Une fois la surprise passée celle-ci m'adressa un sourire mesquin avant de se retourner en coup de vent vers le tableau. J'inspirai et reportai mon attention sur Lowen qui s'était posté devant ma table. Pour mon plus grand plaisir Azaël était resté discuter avec d'autres garçons et s'était abstenu de suivre Lowen. J'en venais à être exaspérée par mon comportement, il ne m'avait rien fait et je me retrouvais à l'épier et à craindre sa présence. Il avait beau me foutre la frousse je devais sérieusement me calmer.

— Comment tu vas Lowen ? Je m'enquis en souriant.

Il commença à me raconter ce qu'il avait fait de ses derniers jours de vacances. On ne l'avait pas revu depuis le jour de mon anniversaire, il était le plus indépendant de la bande et il lui arrivait de partir plusieurs jours sans donner de nouvelles. Ca avait l'art de mettre en rogne Evie mais elle finissait toujours par lui pardonner. Pour ma part ça faisait la moyenne avec Noham qui était le pot de colle du groupe alors ça ne me dérangeait pas vraiment. Pour cette fois il était parti s'exiler à la plage et il regrettait de ne pas avoir pu profiter des vagues plus longtemps étant un grand adepte du surf.
Un vieux monsieur entra dans la salle coupant court aux discussions qui fusaient dans la classe. Il était petit et moustachu, ses sourcils broussailleux lui donnaient un air colérique parce qu'ils semblaient constamment froncés. Il se racla la gorge et posa une mallette sur le bureau avant de se présenter. Il se prénommait Monsieur Jiminy et était notre professeur d'histoire.

— On se retrouve tout à l'heure ?

J'acquiesçai et Lowen retourna s'assoir près d'Azaël qui était assis nonchalamment sur sa chaise.


✽✽✽

— Alors cette rentrée ? S'impatienta Evie tout sourire.

Elle avait l'air vraiment heureuse. Je regardai mon assiette et du bout de ma fourchette m'amusai avec les petits poids. La matinée avait été longue et fatigante, et ça ne se déroulait pas vraiment comme je l'avais imaginé. J'haussai les épaules pour toute réponse ne voulant pas gâcher sa bonne humeur.

— Lowen m'a dit que vous étiez dans la même classe que Stéphie. Quelle vipère celle-là.

Je me mis à rire. De nous deux Evie était la plus à plaindre ; Stéphie et elle travaillant dans le même café, elle subissait ses sautes d'humeur et caprices au quotidien.
Je vis Noham au loin qui arrivait dans notre direction. Evie l'avait vue également ce qui lui fit lever les yeux au ciel.

— Salut les filles je vous ai manqué ?

Mon cousin posa son plateau à côté d'Evie, cette dernière avait délibérément placé son sac à main sur la chaise voisine pour qu'il ne puisse pas s'assoir à côté d'elle. Bien sûr il en fallait plus pour stopper Noham qui prit le sac et le posa par terre sans ménagement.

— Ou est Lowen ? Demanda cette dernière pour toute réponse en regardant autour d'elle.

Mon cousin se renfrogna et commença à manger en silence. Ces deux là s'envoyaient régulièrement des piques mais il n'en était pas moins qu'ils s'adoraient. J'étais persuadée qu'il s'était passé quelque chose cet été pour qu'Evie soit aussi tendue avec lui ses derniers temps. Je devrais surement en parler plus tard avec eux.

— Je ne sais pas si vous savez mais je suis dans la classe d'Azaël, déclarais-je voulant mettre un terme à la tension qui subsistait dans l'air.

Je n'avais pas l'intention de parler de lui, mais ça eu l'effet escompté. Evie avait failli faire tomber son repas, trop excitée par mon annonce et Noham s'était empressé de le rattraper irrité.

— Je n'arrive pas à croire que Lowen ai omit de me dire qu'il était dans votre classe. S'outragea ma meilleure amie.

— Qu'est-ce que ça peut bien te faire...Marmonna Noham.

— Lowen et lui ont l'air de bien s'entendre, dis-je en ignorant mon cousin.
Mon cousin grogna quelque chose du style « qui se ressemble s'assemble » et l'instant d'après il levait les yeux derrière moi visiblement consterné.

— Quand on parle des loups.

Les chaises reculèrent de part et d'autre de la table et je me retrouvai prise en tenaille entre les deux garçons. Lowen s'était assis en face de Noham et Azaël en diagonal d'Evie et par conséquent à côté de moi. Cette dernière était littéralement en train d'avoir une syncope. La jambe de Monsieur ténèbres me frôlait sous la table et je m'empressai de me coller à Lowen. Ca n'échappa à Azaël qui ne tenta pas de camoufler son sourire. Il n'était pas en train de me regarder et pourtant il savait très bien qu'il me déstabilisait. Les autres se mirent à discuter de comment s'était passé leur rentrée. Evie posait des questions à Azaël avec entrain le mode séduction activé.  J'essayais de l'ignorer du mieux que je pouvais. Il commençait à devenir très intrusif, comme s'il n'était pas déjà assez présent dans mes pensées, il fallait que Lowen l'invite dans notre groupe d'ami.

— On a prévu d'aller au cinéma samedi soir tu devrais venir ! Proposa ma meilleure amie a Azaël.

Lowen et Noham se tournèrent vers Evie qui affichait un grand sourire l'air de rien. Nous n'avions rien prévu de tel et elle venait clairement de l'inventer de toute pièce.

— Ça dépend, tu seras la Iris ? Répondit-il.

Je me glaçais sur place. Pourquoi me demandait-il ça, Evie était clairement en train de tout déployer pour le séduire et lui ne lui montrait aucun intérêt. Evie avait d'ailleurs perdu un peu de son sourire mais ne laissait rien paraitre. Je décidais de l'ignorer et enfournai une grosse bouchée de petit poids en manquant de m'étouffer.

— Elle viendra ! S'exclama Evie à ma place tout sourire.

Cette fois ci je m'étouffai vraiment. Azaël éclata de rire devant ma face rouge pivoine, je n'arrivai plus à respirer et la situation avait l'air de beaucoup l'amuser le saligaud. Lowen me tendis un verre d'eau alors que Noham capturait l'instant avec son téléphone. J'étais en train de bouillonner mais le cachais tant bien que mal. J'avalai une gorgée d'eau et contenance.

— Bon il est bientôt l'heure je retourne en cours, déclarais-je en me levant.

Je ne leur laissais pas le temps de répondre que j'étais déjà partie. J'entendis des chaises grincer à ma suite mais je ne me retournais qu'une fois sortie de la cafeteria. L'air vint remplir mes poumons et je respirai pleinement. Le sentiment d'oppression que j'avais ressenti à l'intérieure s'estompa quelque peu. Je me sentais épuisée et pourtant ce n'était que le premier jour.