Journal d'un survivant [DIARY]

29 Décembre - 10h43

Pas de problèmes majeurs sur la route, j'ai mis environ le temps prévu après mon second calcul de la durée du trajet, et j'ai même roulé un peu plus vite que ce dont je me pensais capable.
En roulant à travers champs et pâturages, je me suis dit qu'il serait bien utile que je ramène au Manoir quelques animaux de bétail et quelques volailles diverses. Bien sûr, je vais avoir besoin avant cela de construire un enclos et un poulailler décents. Voilà un projet qui s'annonce chronophage...
Mais ce n'est pas ma priorité du moment !

Je me suis arrêté en vue de la centrale.
Durant la dernière demi-heure de route, j'apercevais la "cheminée" que les gens prennent souvent pour le bâtiment principal, alors que ce n'est en fait qu'un très grand tube de béton, appelé aéroréfrigérant. C'est de là que sortent les nuages de vapeur caractéristiques de ce type d'installation.
Comme toutes les centrales nucléaires françaises, la centrale de Bondouis-Bordesouls a besoin d'un apport en eau important. En effet, toute cette eau qui s'évapore doit bien provenir de quelque part ! Voilà pourquoi elle se trouve dans une vallée: pour l'eau !

Je dois expliquer que, si je connais bien le fonctionnement des centrales nucléaires, c'est parce qu'à l'âge où les garçons de ma classe avaient pour projet de devenir policier, chevalier, pompier, boulanger ou joueur de foot, moi, Jonas le bizarre, je me passionnais pour les réacteurs nucléaires à eau pressurisée et j'apprenais à placer sur la carte de France les différents sites nucléaires en activité. Cela seul pourrait expliquer le surnom que l'on me donnait: le bizarre.
Il faut dire que nous avions dû faire dans le courant de notre année de CP un exposé sur le thème de notre choix, et que j'étais passé après Manon ("S'occuper d'un poney") et Arthur ("Le violon") avec mon sujet: "Les avantages du REP sur le REB".
Comprenez par là Réacteur à Eau Pressurisée et Réacteur à Eau Bouillante.
J'y avais expliqué que le REP comprenait trois circuits indépendants alimentés en eau, qu'afin de produire de la vapeur dans le circuit secondaire, on refroidissait le circuit primaire, ce qui évitait dans le même temps au coeur du réacteur de surchauffer, que la vapeur du circuit secondaire irait ensuite entraîner la turbine et produire de l'électricité, puis serait refroidie par l'eau du troisième circuit dans un condensateur, et que c'était l'eau de ce circuit qui était refroidie dans l'aéroréfrigérant, qui n'était pas une "usine à nuage" comme l'avait pourtant expliqué Noé ("Les voitures de course") d'un air connaisseur.
Le REB, quant à lui, ne comporte qu'un seul circuit, où l'eau qui devient vapeur et alimente la turbine est aussi en contact direct avec le cœur et donc l'élément radioactif. Son fonctionnement est cependant moins simple que le REP.
Je me souviens encore que la maîtresse m'avait remercié pour cet exposé "original" tandis que les élèves avaient applaudi, sauf Étienne ("Les cartes Pokémon") qui avait fait semblant de s'être endormi pour faire rire ses copains.

Revenons à notre centrale: son besoin important en eau explique qu'elle fut construite à proximité de la rivière qui coulait dans cette vallée, et dont le débit avait dû être jugé suffisant pour garantir le respect des règles de sécurité imposées à l'installation nucléaire.

La centrale se trouve donc dans une petite cuvette, et je peux de mon point de chute en observer l'activité.
Ou plutôt...
La non-activitée.

Le réacteur doit être en marche, puisque l'aéroréfrigérant laisse échapper des nuages de vapeur d'eau à cadence soutenue. Mais d'une façon assez incompréhensible, pas un mouvement autre que celui de ces blanches masses cotonneuses n'est visible. Pas une voiture en marche, pas un homme sur les trottoirs, pas un vélo sur les chaussées.

Pourtant, il faut bien du monde pour faire tourner une centrale !

Comment expliquer ce mystère ?