Partie sans titre 5

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NANCY se redressa sur le canapé, le regard fixé droit devant elle. Ray avait allumé un feu dans la

cheminée et les flammes commençaient à lécher les petites branches et les brindilles de bois. Hier.

Ce n'était donc qu'hier?

Elle avait ratissé la pelouse avec Michael.

«Nous ne le ferons plus avant l'année prochaine, Mike, avait-elle dit. Je pense que toutes les feuilles

sont tombées maintenant. »

Il avait hoché la tête d'un air grave. Puis, de lui-même, il avait ramassé les plus gros morceaux de

bois et les bran-chettes dans le tas de feuilles. « Ça servira pour le feu », avait-il dit. Il avait lâché le

râteau en fer qui était tombé les dents vers le haut. Mais il s'était empressé de le retourner en

voyant Missy courir vers eux dans l'allée, s'excu-sant avec un petit sourire : «Papa dit toujours que

c'est dangereux de laisser un râteau dans cette position.»

Il veillait toujours si bien sur Missy. Il était si gentil.

Il ressemblait tant à Ray. Contre toute raison, Nancy éprouvait une sorte de réconfort à savoir Mike

auprès de Missy. Il prendrait soin d'elle dans la mesure de ses moyens. C'était un petit garçon

débrouillard. S'ils se trouvaient dehors en ce moment, il s'assurerait que la veste de sa soeur était

bien fermée. Il essayerait de lui tenir chaud. II...

«Oh, mon Dieu ! »

Elle s'aperçut qu'elle avait parlé à voix haute en 156

voyant Ray la regarder d'un air surpris. Il était assis dans son grand fauteuil. Il avait les traits

affreusement tirés.

Il semblait avoir deviné qu'elle préférait ne pas le sentir trop près d'elle en ce moment, qu'elle avait

besoin de se concentrer, de réfléchir. Elle ne devait pas croire que les enfants étaient morts. Ils ne

pouvaient pas être morts. Mais il fallait les retrouver avant qu'il ne leur arrivât quelque chose.

Dorothy la regardait elle aussi. Dorothy, qui paraissait soudain vieille, désemparée. Nancy avait

accepté son affection et son amour sans rien donner en retour. Elle l'avait tenue à l'écart, lui laissant

clairement comprendre qu'elle ne devait pas s'introduire dans le cercle étroit de la famille. Elle ne

voulait pas que les enfants aient une autre grand-mère. Elle refusait que quiconque prît la place de

sa mère.

Je me suis montrée égoïste, se dit Nancy. Je n 'ai pas tenu compte de son désir à elle. Comme c'était

étrange que cela lui parût si clair à présent. Étrange de penser à cela en ce moment, alors qu'ils

étaient tous assis dans cette pièce, impuissants, désarmés. Alors, pourquoi se sentait-elle soudain

rassurée ? Alors, pourquoi ce semblant d'espoir? D'où lui venait cette impression de réconfort ?

« Rob Legler, dit-elle. J'ai bien dit que j'avais vu Rob Legler ce matin ?

- Oui, fit Ray.

- Est-ce que je rêvais ? Le docteur croit-il que je l'aie vraiment vu - que je disais la vérité ? »

la maison du guetWhere stories live. Discover now