⨯ Chapitre 3 • Un long chemin à parcourir ⨯

7 0 0
                                    

Long fut le chemin qui séparait les deux mir'aels de la ville la plus proche. Plusieurs jours de marche intensives, suivies de nuits de gardes alternées entre les deux hommes afin de s'assurer qu'aucun danger ne risquait de les atteindre. Vael était plein de ressource malgré le manque de provisions. Il trouva vite ses repères dans un endroit pourtant inconnu quelque minutes auparavant, et s'occupa de trouver de la nourriture pendant que Tsaal surveillait les environs.

Bien que Tsaal avait une dette envers Vael, il semblait qu'un lien, une relation basée sur le respect et l'expérience de l'autre était en train de se tisser. Une démonstration vaut mieux que mille mots, et Tsaal fut suffisamment impressionné par celle que lui offrit Vael au campement pour ne pas avoir besoin d'en voir une autre. De l'autre côté, Vael savait très bien que Tsaal était encore jeune -et de ce fait, impulsif-. C'était propre à son âge, celui durant lequel les rites devaient être fait pour pouvoir faire grandir les adolescents et les changer en adultes. Rites normalement effectués par la famille...

Les deux mir'aels parlaient peu. Ils échangeaient le nombre de mots nécessaire au partage d'information ainsi qu'aux courtoisies, mais cela s'arrêtait bien souvent là. Vael savait pertinemment que Tsaal ne lui révèlerait rien de lui-même, ou en tout cas sans qu'il le demande. C'était un poids lourd que devait déjà porter le jeune homme sur ses épaules. Celle de la perte d'êtres aimés. De la perte de repères, de lieu connus. La perte de tout, presque. Tout ce qui peut former l'identité d'un simple adolescent.

Pourtant, ce soir, les langues allaient lentement se délier. Alors que la lune se montrait au travers des feuillages épais des arbres de Tra'koa qui entouraient l'endroit où ils avaient installé leur campement de fortune, les flammes dansaient devant le regard de Tsaal.

- Tu sais, on ne pourra pas toujours éviter cette discussion. Vael sorti le jeune mir'ael de ses pensées, s'installant à côté de lui avec un petit paquetage de branches mortes. De quoi raviver le feu durant la nuit. Tsaal soupira. Il se laissa tomber sur le dos de son lit improvisé. Les feuilles de Tra'koa étaient grandes et assez douces au toucher, si bien qu'on pouvait les utiliser pour se construire un tas qui sert de lit de fortune. C'est son père qui lui avait appris cela.

- Je n'ai pas envie, Vael. Je n'ai pas envie de me souvenir... La voix de Tsaal tremblait alors qu'il prononça ces mots. L'émotion gagnait le jeune homme, venant le frapper directement au cœur, et à la raison de sa rancœur... On a tué mes parents, Vael... dit-il, à moitié en larme, et je n'ai rien pu faire ! Je ne me souviens même pas d'où j'étais, de ce que je faisais ! Ils sont morts ! Ils sont morts parce que je ne les ai pas protégés !

Le jeune homme éclata en sanglot, les larmes coulants le long de ses joues jusqu'à imbibés les feuilles de Tra'koa. Il se cachait les yeux, ne semblant pas vouloir voir le visage du mir'ael qui l'avait sauvé. Il se sentait indigne. Indigne de cette vie, de sa survie. Rien ne semblait aller dans ce monde qui tournait rond pour lui il y a encore une semaine.

Vael écouta Tsaal pendant de longues minutes se lamenter sur son sort, avant de pousser un long et profond soupir. Il posa sa main sur l'épaule du jeune homme, lui retirant les mains des yeux pour le forcer à le voir, et à l'écouter. Tsaal avait les yeux rouges, ses larmes continuaient de couler et de tâcher ses vêtements en plus de son lit de fortune.

- Tu ne peux pas changer le passé, mon garçon. Par contre, tu peux te construire ton propre futur. Je vais te dire une chose, une chose très importante, et qu'il va falloir que tu assimiles. Le monde n'est pas notre ami.

Il marqua une pause avant de continuer d'une voix emplie de mélancolie.

- Le monde que tu connaissais a disparue, Tsaal. Le monde tel qu'il est maintenant nous tient pour responsable de ce que nos ancêtres lui ont fait. C'est la fin d'un règne, et même si nous n'avons rien demandé, nous allons devoir faire avec et survivre comme nous pouvons.

Tsaal était assez confus. Quel règne ? Et pourquoi le haïr ? Ce n'est pas comme s'il était un criminel, il n'avait jamais rien fait ! Ni sa famille ! Tant de questions se bousculaient dans sa tête, il ne savait tout simplement plus quoi demander alors que Vael continuer ses explications.

- La plupart des mir'aels sont dotés de pouvoirs magiques, qu'ils obtiennent de la nature même. De failles présentes dans le sol, tu le sais n'est-ce pas ? Il marqua une pause, le temps de voir Tsaal acquiescer. Et bien... ces failles sont en train de se refermer, et les autres peuples sont occupés de se rebeller contre nous, y voyant une raison divine de nous combattre comme ils ont combattus autrefois pour leur liberté. Il n'y a plus d'endroits sûrs pour nous maintenant. Et il est hors de question que je te laisse mourir pour une quelconque affaire de vengeance.

Tsaal ne répondit pas à ce qu'annonça Vael. Il n'y croyait tout simplement pas. Comment cela pourrait-il être possible ? De toute façon, il quitterait Vael à la prochaine ville, comme conclut. Il trouvera les responsables de la mort de ses parents, ainsi que de la perte de son village, quoi qu'il en coûte. Vael pourra bien le surveiller autant qu'il veut, rien ne l'empêchera d'accomplir son objectif.

Alors que le feu commençait à baisser en intensité, Tsaal se posa à nouveau contre le sol. Vael pris une poignée de feuille qu'il lança dans le feu, avant d'y ajouter quelques brindilles. Il se posa sur un arbre abattu. Probablement par la pluie, pensa-t-il. Son regard fût absorbé vers le feu tandis que ses pensées se dirigeaient vers des moments plus lointains, plus anciens. Alors que lui et ses compagnons parcourait le monde comme aventurier. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'il remarqua la ressemblance entre ces deux moments.

- Aventurier, hein... murmura-t-il à lui-même. Eh bien, on dirait que tu as finalement réussi à me convaincre, Eliel.

Whisperia - Le dernier Mir'aelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant