⨯ Chapitre 4 • Aventurier ⨯

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Eliel se tenait sur l'un des rebords de la Cité-Reine, le regard porté au loin, comme à son habitude. Même si elle était coincée dans cette ville à l'ampleur immense, rien ne pouvait l'empêcher d'imaginer ce que cela serait que de quitter cette ville et ses murailles. Se levant pour se tenir au plus haut des remparts, les pieds à quelques centimètres du vide, elle déplia ses bras dans un long geste, admirant le ciel d'un azur parfait et sentant le vent l'envelopper. Il y avait bien peu de choses qui la retenaient ici. Cette sensation en faisait partie. Mais c'est lors de ses brefs instants qu'elle réalisait qu'il y avait tant à ressentir et à voir qu'elle ne pourrait sans doute jamais se résilier à rester dans cette ville, si chère à son cœur et à son peuple. Le vent se mit à souffle de plus belle, emportant avec lui quelques mèches dorées tandis qu'Eliel replaçait ses cheveux derrières ses oreilles négligemment. Comme elle aimerait pouvoir partir d'un simple coup de vent de cette ville... Elle avait tant à faire, tant à voir ! Jour après jour les rues étroites l'étouffait, la contraignait dans un rôle qui n'était pas le sien.

En tant que fille du chef de la Cité-Reine, c'était à elle de prendre soin de son peuple, et de leur garantir sécurité et nourriture. Une tâche qui lui semblait bien plus appropriée à n'importe quel habitant de la cité qu'elle... Elle fût cependant arrachée à ses pensées vagabondes par un appel des plus familiers.

- Eliel ! Viens ! Ton père t'attend !

C'était Vael. Elle pouvait reconnaître sa voix à force de l'avoir entendu lui crier dessus pour un rien. Elle poussa un léger soupir, un sourire tout de même présent sur ses lèvres alors qu'elle se tourne vers le jeune mir'ael. Elle se souvient de l'époque où il était plus petit qu'elle, ce qui lui permettait de pouvoir se moquer de lui. Ils avaient cependant tout deux atteint un âge plus mature désormais, et les rituels avaient été effectués... Ils n'étaient plus des enfants, et Vael la dépassait d'une bonne tête et demie désormais.

- Toujours en train de rêvasser à ce que je vois, soupira Vael.

Il portait une armure de cuir clouté, avec les symboles de la Cité parsemés à différents endroits. Elle semblait un peu trop grande pour lui. Il devra s'y faire. Eliel sourit en le voyant ainsi, il avait réalisé une partie de son rêve : protéger la ville. Protéger les habitants de la Cité-Reine a toujours été une de ses préoccupations, depuis tout petit. Là où Eliel était toujours occupé à vagabonder, Vael faisait de son mieux pour aider chaque personne qu'il croisait.

Un sourire mélancolique apparu sur les lèvres de la mir'ael alors qu'elle descendait finalement pour rejoindre son ami d'enfance. Après cet événement, après ce qu'il allait se passer aujourd'hui... Rien ne serait plus jamais pareil, et plus jamais elle ne pourra rêver de cette liberté tant désirée.

Vael reprit conscience de son environnement vers l'aube, le feu vacillant devant son regard alors que le soleil commençait son inarrêtable course avant que la lune ne lui succède. Durant quelques instants, qui parurent bien plus, il se remémora les paroles de son amie, avant qu'ils ne se quittent. Un léger sourire inhabituel se créa sur son visage, mélange singulier de mélancolie et de tristesse. Enfin il allait pouvoir commencer la tâche qu'on lui avait confié il y a de cela de nombreux printemps. Il regarde en direction de Tsaal. Le jeune homme était endormi, le soleil ne l'ayant pas réveillé. Vael s'approcha de lui, faisant de son mieux pour le laisser dormir.

Lentement, il sortit son épée de son fourreau, sans un bruit. Un talent qu'il avait mis bien des années à acquérir. La lame vacillait légèrement dans sa main alors que le moment tant attendu arrivait. Il se souvenait de tout. N'avait rien oublié. Il leva son épée à la verticale, avant de l'abattre au niveau du coup de Tsaal, venant lui trancher la tête, comme une guillotine. Le sang coula le long de sa lame alors que la tête de Tsaal roula durant une seconde. Du sang maculait le visage de Vael, ravi qu'au moins le jeune garçon n'ait pas eu le temps de souffrir. Il utilisa le corps pour pouvoir enduire sa lame de sang, avant de tracer avec la pointe de l'épée un pentacle, plantant la lame en son centre sans dire un mot. Il expira lentement avant de prendre une grande inspiration. Il ne pouvait pas se rater maintenant, ou tout cela n'aurait servi à rien. Il se positionna jambes croisées au centre du pentacle, épée devant lui, et commença à entonner un chant propre aux anciens mir'aels, et aux éléments eux-mêmes.

Il n'était pas naturel pour un mir'ael d'utiliser une telle sorte de magie. En temps normal, les mages utilisaient les courants magiques parcourant le dessus de la terre, les Canaux, pour puiser la quantité magique nécessaire pour pouvoir lancer leurs sortilèges. C'est ce qui donnait l'avantage à certaines races, et c'est la raison pour laquelle les Dragons, une race plus ancienne que le monde, contrôlait le monde de Whisperia d'une main de fer. Les dragons avaient réduit des peuples en esclavages, forcés des personnes à quitter leurs terres, et d'une façon ou d'une autre, avait empiré la vie déjà bien difficile de cette terre.

Mais les choses allaient changer. Dès à présent, Vael avait entre les mains le potentiel d'une magie encore jamais utilisée auparavant, un potentiel qui leur serait d'une grande utilité, à n'en point douter. Le mir'ael commença un discours dans une langue ancienne, perdue depuis bien longtemps.

<<Ô puissance terrestre, accorde-moi la Force,

Ô puissance céleste, accorde-moi la Voix,

Ô puissance élémentaire, accorde-moi le Savoir,

Ô puissance sanguinaire, apporte à ce monde un dénouement favorable.

Je baigne ma lame dans le Sang d'un innocent,

Incapable de voir la Force baignant en lui,

Impossible pour lui de contenir sa Rage,

Que ces désirs ardents enflamment ma lame, qu'ils deviennent symboles de la Colère.

Par ce sacrifice, j'en appelle aux Anciens, qu'ils me bannissent pour mon péché.

Par ce sacrifice, j'en appelle aux Nouveaux, qu'ils ne me voient pas comme un martyr.

Par ce sacrifice, j'en appelle à Eliel, que ta vision se réalise.

Un Banni possédant la lame de la Colère. Un Maudit depuis des générations. Un Savant loin du monde.

Le Banni créera la Lame, et rencontrera le Maudit. Le Savant reviendra sur Whisperia, et trouvera la voie.

La Lame seule pourra tous les guider.>>

Le sang rougeoyait autour de Vael alors qu'il incantait son rituel, comme si le sang de Tsaal répondait à son appel. Sa lame, toujours enfoncée, prit une teinte rougeâtre. Le sang coagula à la surface, rendant la lame de l'épée plus brillante, reflétant l'acte de son possesseur.

Sur le sol, les marques finirent par disparaître alors que Vael prononçait ses derniers mots, un regard vers le lointain. Une simple larme coula sur sa joue alors que son voyage allait commencer après tout ce temps. Une fois que toute trace de magie avait disparue de l'air, il se releva et se dirigea vers l'épée. Elle lui était familière, mais une aura malsaine coulait de sa lame désormais. Il l'a pris, et sentit directement dans ses mains une colère noire et profonde l'envahir, quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti.

Des images apparurent devant lui, comme des souvenirs. Eliel, Liaal. Tsaal. Des compagnons de route de l'infortune qu'il a pu croiser, puis cela sembla se poser sur une dernière personne, quelqu'un qu'il n'avait jamais vu. Cette personne pourtant lui semblait familière. Il s'agissait d'une femme, une hum'ani. Un léger souvenir lui parvint quant à la ville où elle devait se trouver. Vael éteignit les quelques cendres encore ardentes du feu allumé la veille et prit ses affaires, ne touchant pas au sac de Tsaal. Il se mit en route avec une idée bien précise du lieu où aller : Cartadil.

Whisperia - Le dernier Mir'aelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant