On avait secrètement commencé ces expériences sur des condamnés à mort. Au début, l'objectif était seulement de déterminer si les criminels qui avaient pris perpétuité devaient nécessairement être humanisés. Le problème, c'est que quand on sait qu'on va mourir, les pires souffrances ne nous atteignent plus. On pouvait pas non plus s'en prendre à des prisonniers originaires. Ils ont en vu d'autres, ils auraient pas eu peur de parler et merde, on allait pas les tuer. Il a fallu trouver autre chose, un autre profil pour continuer. Au lieu de s'en prendre à des connards, on a cherché les exclus de la société : les intellos, les associables, ce genre de conneries. On les suivaient des mois pour leur faire croire que leur vie était merveilleuse, puis on les emmenait au bloc. C'était la descente aux enfers. On a perdu de vue pourquoi on faisait ça. La vérité c'est qu'il faut être grand malade pour faire un boulot comme ça. On peut pas vivre ce genre de trucs avec la conscience tranquille. Certains disent que la culpabilité est ce qui nous différencie des sociopathes mais la vérité c'est que la culpabilité est ce qui nous enchaîne. Quand on fait un truc comme nous, on peut parler à personne, on devient un monstre et c'est mieux comme ça. Le monde serait horrifié d'entendre ces erreurs mais nous on remercie juste le ciel chaque jour d'avoir perdu notre âme. Au final, on est devenus nos propres bourreaux. Cette histoire de torture pour faire ressortir la partie sombre de l'âme, c'était une descente aux enfers pour nous aussi. Les isolés qu'on relachait étaient détruits. Certains sont devenus encore plus isolés qu'avant, genre gothiques ou malades mentaux. Il y en a bien quelques uns qui ont essayé de parler mais personne les a cru. La triste vérité c'est qu'on vit dans une société où sans image on ne croit rien. Aux yeux du monde, c'était juste des adolescents instables de retour de fugue. Les croire, ça aurait été une catastrophe : le vice n'existe pas tant qu'on le nie. Nous, on a fait que révéler nos vices et ceux de nos victimes. Au fond, c'est seulement l'apothéose du genre humain. Les gens sombrent sans même s'en rendre compte. Briser une âme, c'est pas si difficile. Enfin, c'était le cas jusqu'à ce qu'on trouve numéro 7. Elle a abandonné ses espoirs et elle fait plus que subir son sort. D'habitude, ils renoncent jamais vraiment. Elle s'est débarrassé de la seule chose qui l'empêchait de vivre ça libre : l'espoir. C'est encore une connerie du système. L'espoir c'est la pire chose qui puisse vous arriver. Si vous espérez, vous êtes foutu, vous attendez que la situation se résolve d'elle même. Il y a que la rage du désespoir qui donne la force nécessaire pour se battre. C'est quand on est sûr de perdre qu'on peut réussir éventuellement. Numéro 7, je sais pas encore si c'était une erreur ou si avec elle qu'on a finalement réussi.