Chapitre 4

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Il était une heure du matin et le tournage était fini pour aujourd'hui, mais la caravane de la taille d'un bus qui servait de loge à Regina était encore allumée. Emma frappa poliment à la porte et attendit.

Quelques instants plus tard, une ravissante jeune femme brune au corps menu et aux cheveux mi-longs bouclés vint lui ouvrir avec un regard interrogateur. Elle était pieds nus, vêtue d'un jean et d'un t-shirt de base-ball, et adorable avec ses yeux couleur chocolat, son menton bien dessiné, sa bouche généreuse d'un joli rose pâle et le discret grain de beauté qui en ornait le coin gauche. Emma qui n'était pas insensible au charme féminin en perdit la parole. Elle avait un faible pour les cheveux bouclés, et la délicieuse apparition était plus qu'à son goût.

La jeune femme à la porte donna un brusque coup de tête en arrière pour dégager de son visage la masse de boucles brunes qui venait de l'envahir, et Emma reconnut la cicatrice qui lui barrait la lèvre supérieure au moment même où Regina, l'air perplexe, lui demandait de sa voix grave un peu rauque, reconnaissable entre toutes :

― Eh bien mademoiselle Swan, que faites-vous encore ici à une heure pareille ?

Malgré elle, Emma rougit jusqu'aux oreilles, telle une gamine prise en faute. Zut, elle qui avait pour principe de toujours garder la tête froide face aux personnes qu'elle photographiait !

― Regina, balbutia-t-elle, confuse. Je ne vous ai pas reconnue tout de suite...

Regina laissa échapper un rire somptueux qui ne fit qu'ajouter à sa confusion.

― Cela arrive assez souvent ma chère, surtout à ceux qui ne m'ont jamais vue sans la tonne de maquillage et les costumes de drag-queen de mon personnage.

Elle esquissa un sourire moqueur. Emma se morigéna et s'intima l'ordre de cesser de la trouver si charmante. Qui eut cru que sans les costumes et la tonne de maquillage en question, Regina paraissait la moitié de son âge et si terriblement adorable ? Emma s'efforça de se ressaisir afin de lui exposer la raison de sa visite.

― J'ai fini d'éditer les photos d'aujourd'hui, finit-elle par expliquer. Je les ai envoyées par mail à toutes les personnes concernées sauf à vous – je n'ai trouvé nulle part votre adresse mail. J'ai tiré les photos sur papier, et je me demandais comment vous les faire parvenir quand j'ai vu qu'il y avait encore de la lumière ici...

― J'apprenais mon texte pour demain avant de rentrer chez moi, dit Regina en s'effaçant pour la laisser monter. Entrez et montrez-moi ça.

Emma travaillait sur format numérique mais aimait imprimer ses photos sur papier une fois le travail fini. C'était un peu rétro mais plus agréable à consulter. Elle avait glissé dans une grande enveloppe kraft les photos de plateau du jour, et dans une autre celles de la séance de pose. Elle tendit les deux enveloppes à Regina, qui lui fit signe de s'asseoir. Elle-même prit place sur une banquette qui occupait une partie de la vaste caravane. Emma se trouva une chaise un peu plus loin à la table tandis que Regina déballait le contenu des enveloppes et regardait les photos.

Il était intimidant de montrer son travail pour la première fois à un nouveau modèle – encore plus quand il avait la réputation de Regina, qui avait fait le désespoir de bien des confrères avant elle. Emma sentit grandir son anxiété en voyant un pli se creuser entre les sourcils de la star, qui observait les clichés avec attention et les classait en deux piles. Après avoir tout passé en revue avec soin, Regina remit la plus grosse pile dans l'une des enveloppes. L'autre n'était constituée que de quatre photos, qu'elle étala pensivement autour d'elle.

― D'accord pour celles-ci, dit-elle en regardant Emma bien en face.

Elle indiqua de la main celles qu'elle avait remises dans l'enveloppe.

― C'est non pour celles-là.

Le ton était sans appel. Emma interloquée n'en croyait pas ses oreilles.

― Tout ça ? Mais pourquoi ?

― Parce que je n'en veux pas, mademoiselle Swan. C'est de mon image qu'il s'agit, et vous savez que j'ai le pouvoir d'en décider. Elles sont ratées, voilà pourquoi.

Ratées ? Emma pâlit à l'idée qu'une star du calibre de Regina Mills venait de la traiter d'incompétente. Jamais elle ne lui aurait présenté la moindre photo ratée ! D'ailleurs, comme elle le pensait, il s'était avéré lors de la sélection que même sur les photos mal éclairées ou mal cadrées, Regina était ravissante. Cette femme était la photogénie incarnée, aucune photo d'elle n'était vraiment ratée.

― Je ne vous ai pas apporté de photos ratées ! protesta-t-elle. Laissez-moi les voir.

Elle se leva pour prendre l'enveloppe qui contenait à présent la plupart des clichés, et jeta un coup d'œil aux quatre rescapées étalées autour de Regina. Elle ne leur trouva rien de spécial. Elles étaient bonnes, mais guère plus que les autres. Elle feuilleta le tas de photos refusées et son front se plissa. Il s'y trouvait quelques clichés vraiment excellents dont elle n'était pas peu fière.

― Je ne comprends pas, dit-elle. Ces photos sont parfaitement réussies. Vous êtes magnifique sur toutes. Qu'est-ce que vous leur trouvez donc de raté ?

Ainsi sommée de se justifier, Regina sembla hésiter un instant entre l'envie de la jeter dehors et celle de lui hurler dessus, puis la gratifia d'un regard noir et lui prit brusquement les clichés des mains pour les étaler à leur tour sur la table de la caravane.

― Là, là, là, là et là ! martela-t-elle en les pointant du doigt tour à tour. Vous ne voyez donc pas, mademoiselle Swan ? Je ne peux pas croire que votre chère amie mademoiselle Arendelle ait oublié de vous faire part de cette précision !

― Quoi donc ? bégaya Emma, complètement perdue.

Regina s'empourpra, visiblement contrariée de devoir lui mettre les points sur les i.

― La cicatrice, mademoiselle Swan. Je refuserai tous les clichés sur lesquels elle sera visible.

Le fruit défenduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant