Chapitre 3 : Le déclic

14 1 0
                                    

Serais-je réellement heureuse un jour ?

Je me posais cette question alors que j'étais allongée sur l'un des sedaris de ma tante Salya, les yeux rivés au plafond. J'en explorais tous les détails en me disant que j'avais de la chance qu'elle ait pu m'accueillir dans cette grande maison.

Cette villa avait bercée mon enfance, son portail vert m'était plus familier que la chambre que je n'avais jamais eu chez moi. Sa disposition si particulière en U autour d'une cours m'a permis, toute ma jeunesse, d'en faire mon terrain de jeux.

En pensant à ce semblant d'enfance je me demandais si un jour mon frère Zakarya reparlerait avec ma mère et si tout redeviendrait comme avant. Je me demandais aussi si viendrait un jour où je ne penserai plus à tous les événements qui ont bouleversés ma vie, si je retrouverais des repères.

C'était dur sans mon frère. Je me répétais sans arrêt : pourquoi Zakarya, même s'il ne voulait plus entendre parler de ma mère,  m'avait-il aussi bannit de sa vie ? N'étais-je pas sa sœur ?

Après tout, non. Je n'étais que sa demi sœur donc il ne devait m'aimer qu'à moitié. Je ne pouvais pas exiger de lui un amour sans faille sachant qu'on ne partageais pas à 100% le même sang.

J'avais l'impression d'être une orpheline, toujours à quémander l'amour.

Pourtant moi, lorsqu'on me demandais si je préférais Zakarya ou Sabri je répondais toujours :
« Zakarya bien-sûr » alors que Sabri était ce qui se rapprochait le plus d'un frère pour moi.

J'étais chez ma tante et je pensais à ma mère. Pensait-elle à moi ?
La situation était devenue tellement invivable à la maison, qu'elle aurait été prête à accepter n'importe quel emploi. Quitte à me laisser à la charge de ma tante. Les placards étaient tellement vide que mon repas pouvait parfois se limiter à quelques encas sucrés qui restaient dans un tiroir. Mais dans la pauvreté on était en quelque sorte unis. C'était notre routine. Je vivais avec une mère pauvre et dépressive. Ça nous appartenait.

Désormais, elle habitait à une vingtaine de kilomètres et un monde nous séparait. Elle vivait une maison en bord de mer. Maintenant, c'était la belle vie pour elle. Elle s'occupait d'une dame handicapée et en échange elle était nourrit, logée, payée et blanchis. C'est ce qui lui permettait d'ailleurs de s'offrir le luxe de me donner quelques billets de temps en temps, pensant que ça suffirait à mon bonheur.

Pour autant, quand on y réfléchit, j'étais seule. Ni père, ni mère, ni frères, je n'avais rien. Comment aurais-je pu être heureuse ? Grâce à mon petit porte monnaie violet converse qui devenait un peu plus gros ? Je ne savais même pas comment dépenser cet argent, je n'avais personne à qui faire plaisir et j'ignorais comment me faire plaisir. L'argent pouvait-il remplacer l'amour ? La stabilité ? Les repères ? 

La seule personne que j'avais dans ma vie, c'était Salya ma tante, qui faisait de mon quotidien une douleur moins difficile à supporter.
Ses journées étaient toujours les mêmes et elle ne s'en plaignait jamais. Ses petites routines qui ont rythmée mon enfance m'apaisaient d'une certaine manière.

Sasa se réveillait instinctivement pour la prière d'Al Fajr et allumait soigneusement la radio sur un faible volume qui laissait à peine entendre l'Adhan dans le salon. Elle priait, levant ses mains au ciel afin de demander je ne sais quelles faveurs à Allah.
Ensuite elle s'en allait vers la cuisine pour se faire un premier café, qu'elle engloutissait en regardant la télévision sans son, afin de ne pas réveiller ses enfants. Elle se rendormait parfois et se levait vers 7:30 ou 8h00, regardait une émission sur France 2 qui était suivit de
« Amour, Gloire et Beauté ». Il paraît que ce sont les trois mots qui font rêver.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jun 03, 2019 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

- Craindre n'est pas le pire -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant