Une invitation formelle, s'il vous plaît !

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Vers le début de l'automne, alors que les arbres perdaient leurs feuilles, chaque habitant noble reçu une invitation officielle. C'était une invitation au palais royal, dont toutes les jeunes filles du royaume rêvaient depuis des lustres.

Alors que l'on annonçait, dans la sublime demeure de la comtesse de Banville, l'arrivée d'un messager royal, la comtesse était encore sagement dans son lit. Contrairement aux autres femmes, elle n'avait pas spécialement prêté attention à cette réception.

Mais tout de même, en apprenant la venue du messager et de cette fameuse invitation, celle-ci sauta en dehors de son lit, en robe de nuit. Elle manqua de tomber dans les escaliers plusieurs fois avec sa précipitation. Il n'y avait pas à dire, cette demoiselle était bien différente des autres.

La comtesse avait une longue chevelure brune, avec des yeux bleus, un ravissant visage enjoué mais sérieux, avec un sourire charmant.

–   Bien le bonjour, Monsieur le messager. Que me vaut l'honneur de votre visite ? demanda la comtesse pour engager poliment la conversation, sans lui arracher d'un air démoniaque cette invitation.

– Bonjour Madame de Banville...

– C'est « mademoiselle ». rectifia-t-elle.

–   Pardonnez-moi, Mademoiselle de Banville. Eh bien... Je... le regard du messager insista particulièrement sur la tenue de la comtesse. Je ne sais quoi dire sur votre accoutrement... Vous êtes en robe de nuit !!

Contrariée, la comtesse regarda de travers le messager. Elle n'avait pas prévu qu'il lui fasse ce genre de remarque. Des servantes vinrent néanmoins revêtir la comtesse d'une cape en fourrure.

–   Merci. Maintenant, dites-moi quel message êtes-vous venu me transmettre ! reprit la comtesse.

–   Le roi vous invite à une réception tenue au palais royal demain soir. J'espère que vous pourrez y venir !

–   Oui, bien sûr. Mais donnez-moi l'invitation formelle, s'il vous plaît.

–   L'invitation formelle vous dites ? demanda le messager, perdu.

–   Il n'y a pas d'invitation formelle ? s'exclama la comtesse. Servantes, préparez-moi un thé et des biscuits que vous déposerez dans ma chambre. J'ai encore besoin de repos, surtout après la visite d'un messager ignorant.

–   Je vous en prie, comtesse, je ne suis pas quelqu'un d'ignorant !

–   À peine, en effet... Donnez-moi l'invitation formelle maintenant.

–   Mais une invitation orale ne vous suffit-elle pas ?

–   Non voyons ! J'ai le besoin d'avoir une lettre, avec le sceau royal !

–   Je suis terriblement désolé mais nous n'avons pas d'invitation formelle à vous transmettre.

–   Je suis absolument sûre que les duchesses, les marquises, les princesses et baronnes auront des invitations formelles ! Fichez-moi le camp, maintenant.

La comtesse ferma la porte au nez du messager. Elle enleva sa cape de fourrure, et monta dans sa chambre où l'attendait son petit-déjeuner.

–   Une réception au palais royal ? C'est tout à fait splendide. Mais il est temps qu'une comtesse se fasse respecter. Les autres nobles n'auront qu'à bien se tenir, car demain je serai éblouissante !

   On toqua à la porte, sortant la comtesse de ses pensées.

–   Entrez ! dit la comtesse.

–   Pardonnez ma présence mais le messager a laissé ce bout de papier après votre départ.

–   Oh, mais regardez-moi ça... C'est clairement un morceau de papier récupéré dans une poubelle... Il est tout sale, et l'écriture est très grossière. C'est vraiment indigne ! Que dit-il en plus ce message ?

–   C'est vrai que cette écriture n'est pas très belle... Je vais vous laisser...

–   Très bien. Dites à Mademoiselle Rose que demain soir je décline son invitation. Je suis invitée à une réception royale. Je peux lui proposer ce soir si elle est disponible.

–   Je vais m'en occuper.

–   Merci, vous êtes bien aimable ma petite Susanne.
Susanne s'éclipsa de la chambre de la comtesse.

La comtesse leva les yeux au ciel.

–   Il a osé, cet ignorant de messager, m'écrire l'invitation formelle ? Il n'y a pas de sceau royal, ni de beau papier blanc avec une écriture tellement belle... Quel ingratitude ! s'exclama la comtesse.

La tragédie du miroir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant