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Je remonte la fermeture éclaire de ma veste lorsque qu'une bourrasque me transperce. Je déteste l'hiver, surtout à Paris. Tout est gris, la ville semble fonctionner au ralenti, comme à contre-coeur. Ou peut-être est-ce seulement moi. Je suis épuisé par les cours interminables et le stage qui occupe mon esprit à plein-temps. Pourtant, je ne prends pas un seul jour de congé. Je ne raterai pour rien au monde ces après-midi au cabinet, les conseils de Castelli, les rendez-vous avec Ariane, les rencontres inopinées avec ses amies. Je me plonge corps et âme dans cette affaire, sacrifiant chaque recoins mon esprit pour elle. Au-delà de l'intérêt capital que cela représente pour ma carrière, Ariane m'enseigne une quantité infinie de leçons. Elle a une façon si particulière de voir le monde et de traiter les gens, y compris elle-même.

- T'as jamais eu envie de tout lâcher pour te venger ? Lui avais-je demandé un soir en sortant d'un café.

Nous marchions côte à côte sur le bitume humide. L'air froid nous mordait chaque parcelle de peau, mais pour ma part je m'en fichais. Je voulais savoir, je voulais comprendre.

- Si, bien-sûr. J'ai voulu qu'il souffre autant que moi, a-t-elle admis après un silence.

- Alors pourquoi tu n'as jamais rien fait ?

Elle me lance un regard noir et je me rattrape.

- Non, je veux dire : qu'est-ce qui t'as retenue ?

Elle soupire, plongeant ses mains dans les poches de sa fameuse parka. Le nez enfoncé dans son écharpe, elle mit une éternité à répondre, si bien que j'ai cru qu'elle ne le ferait pas.

- Parce que je ne souhaite à personne sur cette Terre de souffrir autant que moi. Personne ne mérite la douleur d'un viol, Achille. Physique et morale. Ça... ça ne devrait même pas exister.

J'assimilais ses phrases, frappé par leur force. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres tandis que je demeurais pensif.

- C'est pas pour me la raconter mais... Winston Churchill a dit un jour : si vous traversez l'Enfer, continuez d'avancer. Et bien, c'est ce que je fais. Je continue d'avancer, dans l'espoir de sortir de là.

J'hoche la tête avant de répondre :

- Est-ce que tu penses que c'est plus simple de ne pas le connaître ?

Elle fronça les sourcils.

- Quoi ?

- Et bien, celui qui t'as fait ça, c'est plus simple de ne pas le connaître pour t'éviter la tentation de te venger, non ?

Elle me dévisagea, la bouche ouverte, avant de secouer la tête. Une lueur de panique traversa ses yeux, elle était soudainement figée. Nous avions arrêté de marcher, debout en haut d'un escalier en pierre. Les lumières de la nuit caressaient son visage, déposant ça et là des ombres. Je redoutais les mots qui se formaient déjà dans sa bouche, franchissant douloureusement ses lèvres tremblantes.

- Achille, je... je sais qui il est. Je connais très bien mon agresseur. 

RésilienceWhere stories live. Discover now