Euphoria n°10

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Je marchais lentement vers la maison, il faisait nuit, mais il n'était pas tard, les rues étaient encore bondées. Je n'avais même pas mis mes écouteurs, trop occupé à penser.

Je me sens vide.

Comme une coquille vide.

Est-ce que je lui en veux ? Pfff, évidemment. Il ne sait pas ce que ça fait de se faire abandonner lâchement comme ça, c'est horrible, pendant des semaines j'ai pensé que c'était de ma faute. Que je lui avait fait trop de mal, que j'insistais peut-être trop...

Mais non, c'est juste lui, il n'avait simplement plus envie d'entendre parler de moi alors il a agit. Il a dit tout ce que je voulais entendre pour mieux me laisser après.

Taehyung...

Avant, rien que de dire son nom me remplissait d'un sentiment de tristesse et de regret. 

Taehyung...

Je pensais que lui dire ce que je pensais m'allègerais, mais pas du tout, je me sens encore plus accablé qu'avant. Je prend mon téléphone dans ma poche et appuie sur le contact de Jimin.

-Allô ? 

-Jimin, est-ce que je peux te demander un service ?

-Dit toujours.

-Je peux rester chez toi quelques jours ?

Il soupira, je l'imagine lever les yeux au ciel.

-Tu ne pourras pas toujours fuir tu sais... Mais bon, je préfère que tu fuis chez moi que tout seul dans la rue ! 

-Merci Chimchim...

-Mais non ce n'est pas la peine, mais puisque t'insistes, prend des chips en passant.

Et il raccrocha. Il ne perd jamais une occasion pour m'extorquer de la bouffe.

Je me baladais encore un peu dans le centre-ville, je n'ai pas envie de rentrer, ce n'est plus chez moi. Il n'est revenu que depuis 3/4 jours, et j'ai l'impression que l'équilibre fragile sur lequel ma vie reposait est en train de s'effondrer, morceaux par morceaux.



-Dit, tu compte vraiment pas lui parler ?

-Non.

-Ca fait deux semaines qu'il est revenu, il me harcèle au téléphone pour que tu le laisse te voir, que vous puissiez... tu sais, discutez... Bref comme des gens civilisés. -me dit Jimin en zappant pour la énième fois.

-Il a pas tort, arrête d'être aussi buté. -me dit Yoongi en levant le nez de sa partition.

-Mais j'ai pas envie de lui parler, c'est pas compliqué, si ?

-Va bien falloir que tu lui parles, vous aller faire parti de la même famille.

-Ce qui est compliqué, c'est que tu fuis la discussion. -continua Yoongi en griffonnant des notes sur son morceau de papier- T'a peur de lui pardonner ou quoi ?

-Evidemment que j'ai peur de lui pardonner... -dis-je tout bas.

-Bon, c'est bien de l'admettre. Nous on vas y aller hein Yoongi ?

-Ouep, Jin nous attend. -dit Yoongi en se levant et en prenant son sac posé sur le canapé à côté de moi.

-Ah bon ? Il nous attend au café ? -dis-je en me levant à mon tour.

-Non pas toi, -continua Jimin- toi tu dois avoir une conversation sérieuse avec Taehyung.

-Qu- Mais-

Puis j'entendit quelqu'un toquer à la porte. Jimin se précipita pour aller ouvrir alors que j'étais en train de dévisager Yoongi qui me regardait avec un demi sourire. Qu'est-ce qu'ils ont fait ?

-Vas-y, entre, enlève tes chaussures. 

La silhouette de Jimin laissa passer celle de Taehyung. Il s'inclina timidement et salua Yoongi d'un geste de la main que ce dernier lui rendit. Oh les traitres !

Il s'approcha de moi, en chaussettes. Mais putain de merde, ils m'ont tendu un piège là je rêve pas ?!  Jimin me fit un pouce en l'air en souriant alors que Yoongi se contenta d'un doigt et de sa face habituelle avant que les deux ne quittent l'appartement de Jimin dans lequel je squatte depuis un petit peu plus d'une semaine.

Toujours assis sur le canapé, mes feuilles de dessins sur le genoux, des crayons éparpillés et des restes de gomme sur le sol, je ne savais pas quoi faire. 

C'est la première fois que je le revois depuis son irruption dans l'atelier à la fac.

-Ta mère s'inquiète tu sais... -finit-il par dire.

Et voilà, la culpabilité revient aussitôt sa bouche fermée. Elle s'inquiète, ça ne m'étonne pas, elle est trop protectrice avec moi et parfois ça m'étouffe, mais je sens que cette fois-ci c'est différent. 

-Ils vont finir par se marier tu le sais n'est-ce-pas ?

Je ne répondit pas. Oui, je le sais. 

-Est-ce qu'ils sont heureux au moins ensemble ? -finis-je par demander.

-Oui. Tu le verrais si tu rentrais chez toi. -dit-il en s'asseyant à mes côtés sur le canapé- J'ai bien compris que le problème c'était moi, tu me l'a bien fait comprendre... -dit-il d'une voix triste, je me tournais vers lui, il avait la tête baissée- Mais on devrait au moins bien s'entendre, juste le temps que le mariage se fasse, après, si tu ne souhaite plus entendre parler de moi, je m'en irais.

A cet instant, j'ai senti ma gorge se resserrer, mais je n'y prête pas attention.

-C'est dans combien de temps ? -demandais-je.

-Un mois et demi.

Un mois et demi, six semaines... Ca devrait être jouable.

-Tu veux regarder un film ? -demandais-je.

J'ai beau être expressif, je ne suis vraiment pas doué pour parler de ce que je ressens et les choses comme ça, je prend la télécommande en ignorant ses yeux braqués sur moi. Il comprit que j'étais d'accord. Pendant une seconde, j'ai cru que tout étais comme avant, quand il me comprenait sans que je n'ai besoin de parler.

-Ok !

Je l'entendit sourire et réprima le mien, par fierté mal placée je suppose. Je mis le film qu'on regardait tout le temps, à force, on connaissait même les dialogues. Je me cale contre le dossier mou du canapé mou de Jimin et laisse glisser mes yeux sur lui.

Il a changé, je m'en suis rendu compte immédiatement, ce n'est plus l'adolescent que j'ai connu, c'est un homme maintenant, il est plus grand, son visage plus fin, sa voix plus grave... il est bien plus beau aussi. Mais je vois ses lèvres remuer en même temps que les bruits du film que je ne regarde pas. Il y est quand même certaines choses qui ne changent pas, il se souvient des dialogues...

Puis je me concentrait à nouveau sur le film dont j'avais raté dix minutes à force de le contempler.

Puis à un moment, alors que c'était presque la scène décisive, je senti une main sur la mienne. Je me tournais vers Taehyung, il avait ses yeux plongés dans les miens et un air triste sur le visage.

-Tu m'a manqué pendant tout ce temps.

Je déglutis et je senti mon cœur accélérer, ma gorge se nouer et l'air se faisait plus rare également.

-Toi aussi...

On ne reparlera jamais de ça, n'est-ce pas ?

Let goOù les histoires vivent. Découvrez maintenant