Scène 21

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Vingt-et-unième Scène.

   Le bateau nous déposa, seuls au monde, dans un port perdu au milieu de la Bretagne. Mme Hillary était à deux doigts de nous faire une crise d'angoisse. La situation n'annonçait rien de bon pour notre survie, et pour le projet écologique du lycée. Antoine allait nous sermonner sévère. Quels genres de crétins balancent des déchets par-dessus bord, en plein milieu d'une zone protégée qui plus est ? Le capitaine aurait pu nous poursuivre pour ça.

Pour ajouter un aspect encore plus tragique à la situation, alors que nous nous trouvions déjà au milieu de ce port fantôme, la pluie commença à nous tomber sur la tête. Par chance, la crise d'angoisse de Mme Hillary n'eut pas lieu.

Aussi perdus que nous mais ne voulant pas l'admettre, nos quatre professeurs accompagnateurs nous proposèrent une heure de temps libre pour visiter la ville, chacun de notre côté. Je crois qu'en fait ils avaient besoin de calme afin de chercher un moyen de nous ramener à la ville où nous logions. Technique futée qui tomba malheureusement à l'eau pour eux : personne n'avait envie de visiter ce vieux village de pêcheurs sous l'orage.

— J'ai envie de mouriiir, gémit Gwendal en se tenant le ventre.

— Je n'en peux plus de lui, que quelqu'un le fasse taire ! supplia Thaïs en balayant du regard le monde autour de nous.

— On pourrait le bâillonner, proposa Eliott.

Nous trouvâmes une rue à moitié abritée de la pluie et nous nous y installâmes. Au bout d'une vingtaine de minutes d'ennui durant lesquelles nous n'entendîmes que les gémissements de Gwendal et le bruit de l'eau s'écrasant sur les pavés, Céleste se leva.

— Je vais faire un tour, nous annonça-t-elle.

— Je viens avec toi ! lui répondis-je précipitamment, trop heureux de pouvoir enfin m'occuper.

Je poussai délicatement la tête d'Eliott qui reposait sur mon épaule et suivis Céleste à travers les rues du village. Un petit chemin de terre sinueux grimpait jusqu'au sommet d'une falaise, surplombant la mer. Nous l'empruntâmes. Les conditions météo n'étaient pas en notre avantage et le sol glissait.

— Toute cette nature plairait à Antoine, remarquai-je alors que nous grimpions sous la pluie.

J'avais dit cette phrase pour taquiner Céleste et cela sembla plus que bien fonctionner, son teint devint rouge vif.

— Ange, il faut que je te dise quelque chose, me dit-elle en stoppant soudainement sa marche.

Ses cheveux blonds coulaient sous l'eau qui se déversait autour de nos corps. La lumière qui arrivait à percer les nuages était si faible que nous avions presque l'impression que la nuit tombait. Il n'était pourtant pas plus de seize heures.

Céleste enfonça ses yeux verts dans les miens.

— Je crois qu'Antoine me plait, m'avoua-t-elle comme ça.

Je me retins de rire.

— Sans blague !

Elle me lança un regard de travers.

— Comment ça ?

— Tu crois sérieusement que je n'avais pas remarqué ?

Nous continuâmes notre route jusqu'au sommet. Là, un grand plateau s'offrit à nous et lorsque nous nous penchâmes au bord de la falaise, nous pûmes discerner les grosses vagues qui se lançaient contre les roches. C'était impressionnant sous l'orage, l'océan se déchaînait.

Je dévisageai Céleste en souriant. Elle était rayonnante. Je n'arrivais pas à savoir ce que je pensais de tout ça, Antoine était quand même un peu plus âgé. Mais elle était vraiment mignonne et la voir si heureuse me faisait chaud au cœur. Céleste n'avait jamais eu de petit-ami alors le fait qu'Antoine soit son premier crush était tout à fait excitant. Il n'avait pas l'air d'être le genre de garçon à aimer faire du mal aux autres, et encore moins à Céleste.

Les Enfants de Molière - WATTYS 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant