Le lendemain et pendant les semaines qui suivent, Maxime respecte la promesse qu'il a fait à Arthur. Il l'emmène tous les deux jours chez le psychologue sans demander son reste. Sans chercher à savoir le pourquoi. Il sait que Arthur finira par lui dire. Ce jour-là, il attend dans la salle prévue à cet effet.
Pendant ce temps au bout du couloir, Arthur parle avec le psychologue. Il revit inlassablement le même jour dans son esprit, le jour de la fusillade qui a eu lieu deux ans auparavant. Cette journée le ronge de l'intérieur depuis tout ce temps. Le seul qui puisse le comprendre c'est Tony, c'est d'ailleurs pour cela qu'il l'accompagne jusque chez le psy et qu'il reste avec lui lors des discussions avec le psy. Arthur a expliqué au psy la présence de son ami. Et encore une fois, ils essayent de le faire parler. Alors il se replonge dans cette journée horrible qui a terni sa vie d'une façon qu'il n'avait pas prévu. Cependant, des bouts manquent et il a beau rejouer la scène ces bouts ne reviennent pas.
Le psy lui explique que son cerveau agit comme un bouclier, qu'il tente de le protéger de la vérité. Cette protection est surement due au choc de la fusillade. A défaut de pouvoir se rappeler de ce qu'il s'est passé, il a les témoignages des autres personnes présentes. Il sait que Tony et lui sont tous deux tombés à terre. Il sait qu'il a vu son meilleur ami mourir. Il sait que celui-ci lui a parlé avant de mourir. Mais personne ne sait quels mots ils se sont échangés.
Depuis Tony ne le quitte jamais, toujours quelque part pas loin, toujours dans le coin de son œil. Aujourd'hui, il décide de s'ouvrir un peu plus à ce sujet avec son psy, après plusieurs semaines, il a acquis une confiance en lui et se sent près à parler de cela.
"Je ne n'est encore jamais vécu avec quelqu'un hormis mes parents jusqu'à ma majorité, mais depuis la fusillade, Tony est toujours avec moi comme si nous vivions ensemble. J'imagine que dans un sens c'est ce que l'on fait, on vit tous deux dans ma tête. Qu'il ne soit pas vivant ne change rien au fait que je me suis habitué à sa présence et je ne sais pas ce que je ferais si jamais il n'était plus à mes côtés. Ce qui devrait finir par arriver même si je n'ai pas l'impression de la moindre progression depuis le début de nos séances.
- Si je résume, vous ne vous sentez pas prêt à laisser Tony partir. Vous avez peur de vous retrouver seul. C'est intéressant car depuis le début de nos séances, vous n'avez fait que me parler de la fusillade et de vos échanges avec Tony, mais maintenant vous semblez devenir enclin à guérir.
- Mais je veux guérir, c'est juste que je ne sais pas si j'aurai la force de surmonter ce qui me permet d'y arriver.
- Concentrez-vous sur les raisons qui font que vous ne voulez pas voir Tony partir de votre vie.
- Il me tient compagnie, sans lui, je me sentirai bien seul
- Est-ce que sans lui, vous ne tenteriez pas de rencontrer des gens afin d'être moins seul ?
- Peut-être, mais aussi, il se souvient de chose que j'oublie, par exemple la recette de ce que je suis en train de préparer lorsque je ne sais plus quelle quantité de beurre mettre.
- Tony n'existe que dans votre subconscient, ce sont donc vos propres souvenirs qu'il raconte. Cela signifie que lorsqu'il vous rappelle quelque chose, c'est vous qui vous rappelez cette chose.
- Je peux lui parler de tout ce que je veux. Je peux lui parler pendant des heures. On peut rester allongé sur mon lit à se raconter nos souvenirs passés. Il me soutient dans tout ce que j'entreprends.
- Que ressentez-vous pour lui, n'est-ce pas un peu plus fort que de l'amitié ?
- Bien sûr que c'est plus fort, c'est mon meilleur ami.
- Je veux dire encore plus fort, ne seriez-vous pas amoureux de lui par hasard.
- Je... Je..."
Les yeux d'Arthur s'humidifient, sa vision se brouille. Il n'arrive pas à s'exprimer, les mots ne veulent pas sortir. Le psy reste silencieux et le laisse exprimer sa douleur au travers de bruits inintelligibles et de râles de douleurs. Arthur voit se rejouer devant ses yeux, la même scène qu'il voit régulièrement depuis des années, mais cette fois-ci, la fin change, il voit Tony lui parler. En se concentrant il finit même par entendre ses paroles. Il se retrouve plongé dans la scène. Immergé dans le brouhaha, il entend Tony lui avouer son amour. Il se remet à pleurer, plus qu'auparavant. Il murmure "Je t'aime aussi Tony", mais lorsque sa vision revient, il est de nouveau chez le psy, allongé. Il cherche du regard dans la pièce, mais seul le psy est présent. Son ami, son amour a disparu.
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Le coeur dans l'âme
Short StoryC'est l'histoire d'une amitié qui doit être protégée malgré des complications