Marcus et Eve : partie 1.

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Le soleil lui illuminait gracieusement son visage, rendant la blondeur de ses cheveux presque magique. Les parisiens, habituellement grincheux, se retournaient sur Eve Martinez, niçoise en week-end touristique dans la capitale. Son sourire, véritable rareté à Paris, attirait le regard des curieux, se demandant ce qui pouvait la rendre aussi heureuse. Pourtant, Eve ne l'était pas, elle cherchait désespérément à faire passer le temps, en ne pensant qu'à elle-même le temps d'un week-end. 

- La ville est tellement ... parisienne ! disait-elle, comme à elle-même. 

Malgré sa solitude, elle aimait discuter, rencontrer de nouvelles personnes. Cependant, les habitants de la capitale française ne semblaient pas réceptifs à sa bonne humeur. Eve continuait de suivre la carte de ses doigts, levant la tête de temps en temps pour s'inspirer le plus possible de cette ville. Elle trouva enfin ce qu'elle voulait : les rues de Montmartre et ses artistes. Ce qu'elle voyait dépassait ses attentes - des paysages réalistes sur de petites toiles à des portraits caricaturaux au fusain - Eve ne perdit aucune miette de cela. Mais ce qu'elle recherchait avant tout, c'était les travaux d'un certain artiste, souvent posté dans ces ruelles mythiques, à attendre que l'inspiration lui vienne. Secrètement, elle voulait devenir sa muse, son inspiration novatrice ; elle avait toujours rêvé de devenir modèle pour un peintre de renom. Elle ne pouvait rien y faire - ses parents, véritables adeptes de toute forme d'art, lui avaient donné leurs fibres artistiques.

Eve cherchait des yeux son peintre, dévisageant certains touristes au passage, la rendant presque « parisienne » le temps d'un instant. Elle trouva le regard de quelques peintres autour d'elle, lui proposant de poser ou juste d'acheter leurs œuvres. En se promenant, elle cru reconnaître la patte d'Afonso, l'artiste qu'elle espérait trouver. C'est alors qu'au détour d'un étroit passage quelqu'un attira son attention : un homme, presque invisible à cette distance, était en train de l'observer, et ce, depuis plus longtemps qu'elle ne le pensait. Elle se sentit tout de suite mal à l'aise, voulant courir le plus loin d'ici. Cependant, elle ne trouvait pas la force de bouger, comme paralysée des yeux de cet inconnu. Eve le regarda aussi intensément que possible, voulant défier ce regard perçant qui l'observait depuis tantôt.

- Que voulez vous ? disait-elle enfin, après une longue minute de silence.

Elle se sentait vulnérable, comme un vulgaire bout de viande. Habituellement, elle savait comment réagir face à ce genre de comportement, mais étrangement, elle ne savait plus comment le défier, le regarder, se faire passer pour une femme forte. Elle se sentait tellement ridicule, là, à essayer de distinguer ne serait-ce qu'une parcelle de visage de son interlocuteur. L'homme ne répondit pas, préférant faire défiler ses yeux sur le corps de la jeune niçoise, ce qui avait le don de l'énerver au plus haut point. Cependant, elle décida de garder son calme, enfin, d'apparence.

- Je ne le répéterai pas, qui êtes-vous et que voulez-vous ?

Eve détestait cela, mais sa curiosité prenait le dessus sur sa peur panique de la situation. Elle fit un pas, puis un autre, en direction de cet inconnu, voulant évaluer d'elle-même son visage. Son cœur battait à mille à l'heure, elle avait presque peur qu'il l'entende et qu'il prenne le dessus sur elle. Lorsqu'elle approchait, l'homme ne bougeait pas et continuait de fixer son regard sur Eve. Elle le trouvait étrangement familier, ce visage qui se découvrait plus nettement au fur et à mesure de ses pas.

- La fête foraine, demain soir, à Vincennes.

Ce fut les premiers et derniers mots de l'inconnu de la ruelle.

Sur le chemin du retour, Eve fut obnubilée par ce regard, par cette rencontre. Malgré elle, ses yeux défilaient sur toutes les têtes qu'elle croisait, dévisageant les touristes et les parisiens. Son « hystérie » naturelle avait disparue, laissant une jeune femme complètement vidée de toute émotion. Elle avait peur, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à ses mots : « La fête foraine, demain soir, à Vincennes ». Eve arriva devant les portes de son hôtel de luxe, au cœur de Paris. L'intérieur était comme indiqué dans les brochures reçues dans son courrier, à Nice : le lustre en cristal, orné de bougies allumées 24h sur 24 ; le reste faisant écho à l'époque des gentlemen, ou à Gatsby le Magnifique pour ceux qui n'auraient pas l'image.

Arrivée dans sa chambre, Eve se laissa tomber sur le lit, les draps fraîchement changés, elle écouta les messages qu'elle avait reçus sur son téléphone avec peu d'attention. Après une longue douche, elle commanda une pizza ainsi qu'une bouteille de vin au service de chambre. Malgré l'endroit quasi paradisiaque où elle se trouvait, elle ne pouvait arrêter de se morfondre par rapport à son après-midi. Elle ne comprenait toujours pas d'où pouvait venir cette sensation de « déjà vu », d'où elle pensait connaître cet homme mystérieux. Un appel la tira de sa réflexion. La photo qui s'affichait montrait un homme grand, métisse devant une mer bleue azur, un sourire franc aux lèvres. Elle regarda cet homme qu'elle avait rencontré sur Tinder sans rien éprouver, elle qui avait pensé que c'était lui l'homme de sa vie. Son téléphone cessa de sonner après 20 secondes de non-réponse, mais vibra directement après, montrant une notification de ce même homme sur l'application en question. Eve laissa son téléphone à côté d'elle, le mettant en mode avion pour ne pas être dérangée pendant la nuit. Malgré son irrésistible envie de dormir, elle ne pouvait s'arrêter de penser à son après-midi. Elle fut happée par ce regard, tellement qu'elle ne reconnu pas directement que cet homme avait une ressemblance avec quelqu'un qu'elle avait déjà vu. Mais d'où pouvait-elle le connaître ? Eve avait une mémoire photographique, elle se souvenait de tous les visages aperçus dans la journée, et restait gravé ceux qui avaient retenu son attention : celui de son sombre interlocuteur lui occupait l'esprit.

Les heures défilaient sans qu'elle s'en aperçoive, presque 03h du matin lorsqu'elle vérifia le niveau de batterie de son téléphone. Deux mauvaises nouvelles en une seule seconde : la batterie était presque à plat et elle avait oublié son chargeur chez elle, dans le Sud. Eve grommela et jeta son appareil à travers la pièce, sans regard vers lui et s'installant sous les draps. La jeune femme s'en voulait d'être aussi stupide, malgré cela, elle réussi à trouver le sommeil plus rapidement qu'elle ne le pensait.

Son sommeil fut long et réparateur, cependant, elle ne put vérifier l'heure de son réveil, son téléphone étant complètement à plat. Eve grommela de plus belle et commanda un petit déjeuner avec double ratio de café. Le garçon au bout du fil l'a prévint que l'heure des petits déjeuners étaient écoulée, mais Eve haussa le ton et proposa un pourboire conséquent à son interlocuteur avant de raccrocher. Le temps de prendre sa douche ainsi que de se préparer à affronter une nouvelle journée parisienne, le service de chambre arriva précipitamment, oubliant les règles d'usage. Lorsqu'elle finit son plateau repas, elle alluma la télé et hurla : il était déjà 15h et elle n'avait encore rien fait de sa journée ! De plus, si elle voulait arriver en avance à cette fête foraine, elle ne devait pas traîner. Elle fit son sac le plus rapidement possible, ferma la porte de sa chambre et couru jusqu'aux escaliers, Eve voulait revoir ce type, elle de devait. 

Recueil de pensées brouillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant