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Taehyung sort de son dernier partiel, la tête embrumée, la démarche rendue hésitante par la fatigue, quand Momo l'aborde. Elle s'élance vers lui, le bras tendu et les yeux brillants d'une drôle de lueur, trop intense pour être ignorée, trop forte pour être traduite par des mots. Taehyung l'aperçoit, elle s'avance d'un pas résolu, et lui jette quelques mots à la va vite, avant de s'éloigner à grands pas.

"Tu devrais aller voir Jeongguk. Il est dans la petite salle de danse."

Laissé perplexe par l'empressement de la danseuse, Taehyung reste debout là dans le couloir, les bras ballants. Il s'interroge. Heureusement, il agit souvent avant de réfléchir, et bientôt il s'élance vers le couloir des salles de danse. Pourquoi tant de hâte ? Un mélange asphyxiant d'inquiétude et d'envie, qui n'est pas encore identifiable, malheureusement, par notre cher protagoniste.

C'est la fin d'après midi et il n'y a plus personne dans le bâtiment. Les partiels ont fait des ravages et les étudiants préfèrent sortir s'amuser, prendre l'air, que de s'enchaîner dans leurs salles de cours. Taehyung se demande pourquoi Jeongguk n'a pas fait comme eux. Mais Jeongguk n'est pas vraiment le genre à suivre la masse, alors ce n'est pas si étonnant.

Des notes de piano, mélancoliques et légères, résonnent dans le couloir. Taehyung sait qu'elles le mènent à Jeongguk. Il avance d'un pas léger, les yeux écarquillés par la fatigue et l'anticipation, et d'un geste tremblant, pousse la porte de la petite salle de danse. Au début, il ne voit rien. La petite salle de danse est un désordre de plancher vernis, d'immenses miroirs, de vestes, de fiches de chorégraphies, de vieux appareils à musique. Mais là, au fond de la pièce, sur un gros matelas bleu de sport rembourré, est assis Jeongguk.

Taehyung agit comme dans un rêve, avec des gestes brumeux et hésitants, et avance alors vers Jeongguk. Ce dernier l'a vu arriver, bien sûr, et l'observe avec une drôle d'expression, des yeux que Taehyung n'avait encore jamais vus. Un regard triste, mélancolique, empreint d'une certaine douceur. Et pour la première fois, ce regard lui est entièrement destiné. Il n'y a plus de lueurs sarcastiques, ironiques, agacées, Jeongguk l'observe comme on observe un ami proche, un amant, quelque chose d'attendrissant, mais il y a autre chose. Il y a aussi la tristesse sous-jacente, celle qu'on ressent en voyant une photo d'un disparu, un vieux souvenir heureux, celle qui naît à la fin d'une ère joyeuse. Jeongguk observe Taehyung comme quelque chose qu'il ne pourra jamais avoir.

Malheureusement, Taehyung est bien trop étourdi et fatigué pour détecter la complexité, et le véritable sens de ce regard. Il marche jusqu'au matelas, et d'un geste peu élégant, s'effondre juste à côté de Jeongguk. Et là, se passe l'inattendu, qui parvient même à tirer Taehyung de sa léthargie.

Jeongguk s'allonge à côté de lui, et presque timidement, se colle contre lui. Taehyung écarquille les yeux, le corps soudainement tendu, ayant un peu de mal à se rendre compte de la situation. C'est son colocataire qui vient d'agir comme ça, de le câliner volontairement, et ce n'est pas normal. Il le sait. Ce n'est même plus une question d'alcool, d'assumer ou pas ce que l'on dit, ce que l'on fait. Cette fois ci, Taehyung comprend que Jeongguk est triste, et que c'est en lui qu'il cherche du réconfort. Cette étrange demande d'intimité le met presque mal à l'aise, lui qui est si habitué aux remarques méchantes de son colocataire. Pourquoi le choisir lui ? Mais ce n'est pas le moment de se poser des questions, surtout dans une situation comme celle ci. Taehyung se détend, sans oser être audacieux pour autant. Toucher Jeongguk d'une quelconque manière serait tout à fait déplacé, alors il le bouge pas. Se contente de se demander ce qu'il a bien pu arriver à son colocataire pour qu'il paraisse si abattu.

Jeongguk tend la main et prend une des mèches de cheveux de Taehyung entre ses doigts. Entre les partiels, les occupations de fin d'année, et ce stupide pari, ce dernier n'a pas vraiment eu le temps de les couper, et en plus d'avoir déteint en un gris plus pâle, elles lui tombent maintenant sur les yeux. Jeongguk ne fait heureusement aucun commentaire et semble même relativement satisfait car il se cale un peu plus contre lui, posant sa tête dans le creux de son épaule. Cela déclenche un frisson chez Taehyung, qui sent le souffle de Jeongguk contre sa peau. Il s'attend à une remarque moqueuse, un rire, quelque chose, mais rien ne vient. Et ce jour là, Taehyung n'a droit à rien d'autre que le silence, et ce regard triste.

(Bientôt, Taehyung saura ce qu'il s'est passé. Les circonstances, les raisons de cette mélancolie. Les faits seront là, tous. Mais rien n'expliquera que Jeongguk ait choisi de demander à Momo de chercher Taehyung, de passer ce temps avec lui. )

Le temps passe, les minutes s'écoulent et s'étirent, et Taehyung est étourdi par le sommeil, bercé par les bras de Jeongguk autour de lui et sa chaleur. À ce moment précis, pendant quelques instants, Taehyung s'autorise à se demander si ce rapport qu'il a avec son colocataire est normal, s'il n'y a pas quelque chose d'autre que ce dédain réciproque qu'ils s'épuisent à afficher. De son côté, en tout cas, Taehyung doute énormément. Il se rend compte que passer du temps avec Jeongguk, même quand ce dernier lui fait des remarques, même quand il se moque de lui, même quand il lui vole son jus de fruit, est devenu bien trop confortable. Il ne rechigne plus à aller le voir, commence à avoir moins de difficultés avec les contacts physiques. Alors, pourquoi ce changement ? Qu'est ce qui a bien pu se modifier, en l'espace de quelques mois ? Taehyung se demande, son inquiétude étouffée par la fatigue, s'il n'aurait pas, par hasard, commencé à développer des sentiments.

Quand il se réveille, sur le matelas de la petite salle de danse, Taehyung est seul. La veste de survêtement de Jeongguk est posée sur lui, et les notes de piano résonnent encore, mais sonnent bien différemment.

j'aime trop ce chapitre en vrai ugh
un peu de soft (et de sad oops) pour vous mes bb et enfin ça avance un peu pour ces deux cons

room 27 - jjk; kthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant