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"I can see my baby swinging
His Parliament's on fire and his hands are up
On the balcony and I'm singing
Ooh baby, ooh baby, I'm in love"
west coast, lana del rey

Quand Seokjin revoit Taehyung, il comprend pourquoi son frère était impatient de rentrer.

Il a pris la décision de raccompagner Jeongguk et de le déposer à son appartement. Officiellement, parce qu'ils ont encore quelques papiers à signer, quelques détails à régler. Officieusement, parce qu'il n'a pas envie de laisser partir son petit frère qu'il vient à peine de retrouver.

Ce n'est pas facile de réaliser que le temps a passé si vite. Jeongguk est un adulte, à présent. Il est indépendant, sait plus ou moins gérer ses finances, et s'organise déjà pour ce qui viendra après l'université. C'est étrange pour Seokjin, qui a beau n'avoir quelques années de plus que lui, s'est toujours positionné comme le protecteur, le grand frère fort. Réaliser qu'à présent, après ces quelques mois compliqués, Jeongguk n'a plus besoin de lui, est plus compliqué qu'il ne pensait. Alors, il grappille quelques heures de plus, invente des prétextes pour tenter de redécouvrir ce qu'est devenu son petit frère pendant ces longs mois.

Il est à la fois agréable et douloureux pour lui de constater que Jeongguk ressemble beaucoup à leur père. C'est sûrement une sorte de projection, songe Seokjin quand il lui jette des regards à la dérobée, le deuil qui me fait penser cela. Mais il ne peut s'empêcher de remarquer les ressemblances ; l'humour pince sans rire, la façon d'être prévenant sans envahir l'espace personnel, même sa posture est similaire. Seokjin sait qu'exprimer cette pensée serait peut-être douloureux pour Jeongguk, lui qui a tant peiné à se remettre de la disparition de ses parents. Il se promet de lui faire la remarque, plus tard, quand ils seront tous les deux plus grands et plus forts. Mais sûrement pas ce jour là, où ils s'apprêtent à vivre un grand moment entre frères, un trajet sur l'autoroute.

Garé devant les locaux du stage de danse, Seokjin attend. Il se doute que l'horaire indiqué gracieusement par Jeongguk ne sera sûrement pas respecté. Après tout, c'est une séance spéciale : il est temps pour tout le monde de se séparer, de se dire au revoir. Ce n'est pas un événement facile, surtout pour les plus jeunes. Seokjin, le malheureux, se distingue des autres personnes de son âge pour sa facilité à le faire. Dire au revoir, ce n'est devenu qu'une routine, quelque chose d'habituel, des mots qui à force d'être prononcés ont perdu leur sens d'origine. C'est ce qu'il pense, jusqu'à ce que Jeongguk sorte de l'immeuble et se dirige vers la voiture d'un pas joyeux. Il arbore ce genre de sourires que l'on ne peut avoir qu'après une séance de sport, le rictus fatigué et satisfait. Son expression reprend de la vigueur quand il croise le regard de son frère assis au siège conducteur. En le contemplant traverser la route, Seokjin se rend compte que l'au revoir qu'il va devoir prononcer aujourd'hui sera sincère, et bien plus difficile que d'habitude.

Jeongguk s'engouffre dans la voiture et jette son sac de sport sur les sièges arrières. Il a la décence de se retourner pour vérifier qu'il n'a rien fait tomber, et jette un regard faussement désolé au conducteur. Seokjin prend cela comme un signal pour démarrer.

Le trajet se passe en silence. Jeongguk a l'air de somnoler, enfin, il ne ressent pas le besoin d'émettre des remarques sarcastiques sur la conduite de son frère, ce qui est assez révélateur de son état. En effet, Seokjin a eu le malheur d'éprouver des difficultés à passer le permis, quand ils vivaient encore ensemble et que tout allait bien, particulièrement angoissé par la circulation à New-York. Jeongguk, à cette époque, avait beau être une version plus rangée de lui-même, il n'en restait pas moins casse cou, et conduisait déjà la mercedes de leur père avec une décontraction très agaçante. Ce genre d'activités ne lui a jamais posé de problèmes. C'est là qu'ils se distinguaient beaucoup ; Seokjin excellait dans les matières scientifiques, et Jeongguk avait un talent inné pour le sport, plus particulièrement la danse. (Et la conduite, surtout quand elle dépassait les limitations de vitesses. C'est pour cela que l'état comateux du danseur est une aubaine.)

room 27 - jjk; kthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant