"Everything is blue
His pills, his hands, his jeans
And now I'm covered in the colors pull apart at the seams"
colors, halseyLa transition est imperceptible, comme souvent, et peut-être un peu rapide.
On a tendance à juger un bon film d'amour par la longueur que mettent les protagonistes à se mettre ensemble. Plus le temps de gestation de leurs sentiments naissants est long, plus le film a des chances d'être apprécié. Nous autres spectateurs n'apprécions pas quand les personnages principaux se jettent dans les bras l'un de l'autres au bout de cinq minutes. C'est une question de réalisme, enfin, ils ne peuvent pas tomber amoureux l'un de l'autre si rapidement ! Il faut que l'amour mette du temps à grandir, comme une plante qu'on arrose régulièrement, et là, peut-être que nous accepterons de considérer le film comme une oeuvre appréciable et réaliste.
Jeongguk, perfectionniste comme il est, fait partie de la majeure partie du public, celle qui n'apprécie pas les mises en couple rapides. Il n'a jamais été sûr de grand chose, au cours de sa vie - enfin, la plupart de ses certitudes se sont effondrées - mais il y a bien une pensée qui lui semblait immuable, c'était celle qu'on ne pouvait pas se réveiller avec des sentiments amoureux un bon matin. Il a toujours usé de ses expériences passées, des choses qu'il avait entendues, pour se conforter dans l'idée que l'amour était quelque chose de sacré mais quasiment inaccessible, comme le sommet d'une montagne. L'amour, c'est beau, mais surtout dans les livres et les films, et puis surtout, l'amour, il n'apparaît pas. Peut-être qu'il se crée, a toujours songé Jeongguk, mais ça ne peut pas être autre chose.
Alors quand, un matin, Jeongguk se lève avec une envie terrible de quitter New-York et de voir Taehyung, il se dit qu'il est dans un mauvais film romantique auquel lui même n'attribuerait que deux étoiles sur cinq. Il ne s'agit plus d'un manque raisonnable, une pensée de petite taille, non, c'est un cri dans sa tête, une douleur presque lancinante. Il fait quelques pas dans sa chambre d'hôtel, tourne sur lui même, ouvre les rideaux, observe la ville en contrebas. Ses pensées ne sont nullement perturbées par ses mouvements, et naturellement, restent en place. Il songe à Taehyung, imagine le bonheur qu'il pourrait ressentir s'il le revoyait, à cet instant précis. Comme un barrage qui céderait, une résistance s'est brisée et un flot bouillonnant de sentiment s'est déversé dans sa tête et dans son coeur. La partie abîmée et rationnelle de Jeongguk tente tant bien que mal de combattre cette souffrance et ce bonheur soudains, y oppose des pensées qui se veulent plus neutres, des doutes. Mais le stage de danse semble soudainement bien moins intéressant, et New-York est grise par la fenêtre de la chambre d'hôtel, comme pour l'encourager à faire ses valises et retourner dans son appartement, chez lui. Non, il n'y a que Taehyung qui semble compter, ce matin là. C'est une impression étrange et nouvelle pour lui, pour qui l'amour n'a jamais été qu'un poids.
Jeongguk se demande si on lui a jeté un sort, la veille. Il s'est couché le coeur presque léger, si fatigué qu'il avait du mal à formuler une phrase cohérente. La danse a bien des vertus, notamment celle d'occuper son corps et son esprit, si bien qu'il peine à penser à autre chose que les mouvements qu'il doit effectuer. Il y a la danse, il y a ses amis d'enfance qui sont réapparus, surgissants des méandres de ses souvenirs, et il y a sa famille. Une nouvelle routine qui n'est qu'éphémère mais le consume totalement, qui absorbe son énergie et sa capacité à se concentrer sur un sujet autre que ses occupations quotidiennes. Seulement, le voilà debout devant sa fenêtre, les bras ballants, et vibrant d'une toute nouvelle énergie. S'il devait la nommer, ce serait le manque, ou le désir, mais sous des formes étrangères. Jeongguk connaît le manque, l'avantage d'avoir voulu recoller les éclats brisés de son coeur avec des substances illégales, et il connaît le désir, mais celui auquel quasiment tout le monde a accès, le désir d'un corps pour un autre corps. Ces deux émotions inédites sont tout simplement basées sur l'envie violente de revoir Taehyung, l'envie d'entendre sa voix, l'envie de s'asseoir à côté de lui et de sentir la chaleur de son corps appuyé contre le sien. C'est quand Jeongguk se rend compte que ce manque n'a rien de charnel qu'il prend conscience de l'ampleur de la chose.

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room 27 - jjk; kth
General FictionTaehyung était un peu (trop) colérique, et Jeongguk était un peu (trop) rancunier. (where fire met gasoline) 2018-2021