Chapitre 9 : L'Enfant

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L'air frais de l'aube qui pointait son nez me réveillait doucement. La brise matinale, provenant de la fenêtre légèrement entrouverte, me berçait de son doux parfum. Les premiers rayons du Soleil, illuminaient ma chambre et réchauffaient tout mon être. J'étais si bien sous ma couette, ni trop chaude, ni trop froide, tout simplement parfaite. Une matinée qui commençait ainsi, prédisait à coup sûr, une merveille journée. Enfin, c'est ce que je croyais ...

Aux alentours de midi, le temps se gâta. Un nuage noir passa devant le Soleil, et le cacha totalement. La clarté du jour, fit place à une obscurité profonde. L'air devint glacial tout à coup ; j'étais frigorifiée. Ce changement soudain m'inquiétait ; pour moi, il n'avait rien de naturel. Des éclairs transpercèrent l'horizon tandis que le tonnerre ne cessait de gronder. Au loin, un arbre s'écroula. J'étais face à la colère des dieux, si puissante qu'elle pourrait décimer toute l'humanité. Qu'avais-je fais pour que Zeus abatte, avec une telle fureur, sa foudre sur le monde ? Cette situation ressemblait étrangement à mon rêve de la nuit précédente, car comme dans celui-ci le temps avait brusquement changé, passant d'un ciel ensoleillé, à un ciel déchaîné.

À des kilomètres de là, un enfant pleurait. Il était seul, seul dans l'immensité du monde qui n'était plus qu'un tas de cendres et de décombres, les derniers vestiges d'une vie. Ses larmes se mêlaient au sang qui coulait de ses mains, du sang noir, du sang pourri, comme le haine, qui imprégnait, un peu plus, de jour en jour, le cœur de cet enfant. Je savais que je n'étais pas près de lui, pourtant, je voyais son ombre, j'entendais ses sanglots qui s'abattaient sur le monde, je sentais l'odeur putride qui se dégageait de lui. Soudain, il se retourna, et me fixa d'un air implorant ; ses yeux lançaient des éclairs. Il me regarda, et je découvris son visage pâle. C'était une fille, une fille qui ne sortait pas encore de la fleur de l'enfance, et qui, pourtant, avait vécu plus de choses que la Terre, enduré plus que le diable lui-même, et appris davantage que le plus sage des chêne. Elle m'observait, les yeux mouillés de larmes, tandis que moi, je l'observais, les yeux exorbités devant tant souffrance et de haine. Mon regard était comme envoûté par cette fille, sale, mais pourtant si attirante. Je me concentrais un peu plus sur son physique. Elle était maigre, extrêmement maigre, je pouvais clairement entrevoir ces côtes saillantes. Depuis combien de temps n'avait-elle pas mangé ? Elle possédait des cheveux noirs, semblables aux miens, qui ondulaient comme des milliers de serpents, prêts à mordre ceux qui oseraient approcher. Cependant ce qui était le plus troublant, restaient ses yeux : des yeux rouges, des yeux de loups assoiffés de sang qui semblaient pénétrer à l'intérieur de ma tête, des yeux vides de toute joie, seulement illuminés par un mélange de haine, de peur, et de désespoir. La souffrance infinie qui émanait de cette enfant, tout juste âgée d'une dizaine d'années, me touchait en plein cœur. J'étais comme paralysée, un froid intense s'empara de moi. Puis, mes pieds se détachèrent tout seuls du sol, et je commençai à avancer, d'un pas saccadé. Je ne contrôlais plus mes mouvements. La fillette me fixait toujours, quand elle s'écroula. Elle resta immobile, pendant plusieurs minutes, sans émettre aucun son, puis, soudain, elle poussa un rugissement à glacer le sang dans les veines. À ce moment précis, le ciel se voila, et la foudre s'abattit sur elle. Elle se saisit de l'éclair, et le serra contre son cœur. Ses vêtements commencèrent à se déchirer, de longs poils lui poussaient sur tout le corps excepté le dos. Ses bras devinrent tentacules, ses dents s'allongèrent, et ses yeux roulèrent hors de leurs orbites. Elle était maintenant nue. C'est alors que je remarquai, gravé sur son dos, un symbole : une spirale recouverte d'épines se terminant par une rose. Je fermai les yeux quelques secondes, pour tenter, en vain, d'effacer cette vision d'horreur de ma tête ; quand je les rouvris tout avait disparu, la fille, le ciel, et tout le reste ; j'étais de retour dans le monde réel.

À ce moment précis, l'orage s'arrêta, aussi subitement qu'il était apparu, et le ciel retrouva l'intense sérénité qui l'habitait le matin même. L'horloge qui affichait midi et demie, avant que je sois emportée aux côtés de la fille, donnait maintenant une heure totalement différente : il n'était pas loin de dix-sept heures trente. Ça signifiait donc que durant ce « voyage » vers un autre monde, qui semblait n'avoir duré que quelques minutes, en réalité presque cinq heures s'étaient écoulées. Je n'en revenais pas. Peut-être que c'était mes yeux qui me jouaient des tours ? Ou tout simplement, l'horloge était en panne ? Je pensais cela pour essayer de me persuader, pourtant je n'y croyais pas une seule seconde.
Le reste de la journée se déroula sans encombre ; c'est seulement, le lendemain, peu après cinq heures du matin, que la situation empira. Un bruit que je ne sus reconnaître m'arracha de mon sommeil. Puis, une voix criarde susurra à mon oreille :

« Viens à mooiiiiiii ... viens à moooiiiiiii ... Enolaaaaaa ... viens à moi ... »

Un froid glacial ankylosait tout mes muscles, j'étais tétanisée. La voix avait une influence sur mon corps, pire encore, que la souffrance de l'enfant. Une fois encore, je ne contrôlais plus mes mouvements. Je voulais crier, mais mes lèvres semblaient incapables d'extirper le moindre son. Je voulais courir, mais mes jambes refusaient de réagir. Tandis qu'une douce musique grondait dans l'air, je commençais à avancer, d'un pas mécanique. Puis, je m'approchai de la porte, saisis la poignée, et sortis de la pièce. Je progressais dans un couloir sans fin, dans l'obscurité totale, et perdue dans un silence inquiétant. Soudain, une lueur vint éclairer mon chemin ; prise d'un élan d'espoir, je me dirigeai vers elle. Devant moi, apparut un miroir, mon reflet semblait me dévisager comme pour montrer que mon corps ne m'appartenait plus. La voix retentit à nouveau, et m'ordonna de son timbre envoûtant :

« Déshabille-toi ! »

Je fus contrainte de le faire, ma volonté n'y pouvait plus rien. Une fois nue, je ne pus m'empêcher de regarder mon reflet, et c'est avec surprise que je remarquai, sur mon dos, un symbole, identique à celui de la fillette. Comment avais-je fais pour ne pas le voir plus tôt ? Et quel était le lien entre la fille et moi ? Je continuais à réfléchir quand je repris possession de mon corps. C'est alors que germa dans mon esprit, une ultime révélation : cet enfant, et moi, étions une seule et unique personne.

Mon sombre passé { En Pause et Réecriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant