La séparation

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    Il était là, dans mes bras, je sentais son souffle dans mon cou. Nous traversions la foule déchénée depuis au moins cent mètres. Je me demandais ce qu'il pouvait bien penser en ce moment même, était-il inquiet, triste ? Il n'avait que huit ans et il était si innocent, mais je devais le leur confier, il serait plus en sécurité là-bas. Alors que je croyais ne jamais atteindre le bout de cette interminable file sombre et bruyante, j'aperçus une lueur blanche, comme les portes du paradis, qui s'ouvraient devant nous. Tout ce que je souhaitais c'était offrir un monde meilleur à Thomas. En arrivant devant les barrières, des gardes me firent signe de dire adieu à mon fils, alors je le pausa par terre. Il se tenait debout, la tête baissée, regardant ses pieds.
«  Thomas...
- Oui ?
-Regarde moi, je voudrais te dire une dernière chose.

Thomas leva la tête, son visage exprimait la tristesse et l'incompréhension. On aurait dit qu'il était vide de sentiments, qu'il n'était plus vraiment là, comme si son esprit se morfondait.

- Quoi ?
- Tu sais que t'aime et que ça ne changera jamais hein ? Et je m'en veux de devoir t'abandonner ici, mais je le fais pour toi et pour personne d'autre. Car je veux que tu es une vie meilleure, loin de tous les dangers, des éruptions solaires, de toutes ces terres brûlées invivables.
- Tu crois que papa est là-bas ?
- Je n'en sais rien mon chéri, mais une chose est sûre, je serai toujours avec toi, dans ta tête et dans ton cœur.
- Est-ce-que je te reverrai un jour ?
- Il faut y aller maintenant, les voitures vont partir d'ici quelques instants, ce sera tanpis pour vous après. A soudainement dit un garde.
- Oui monsieur, juste quelques secondes.
- Maman tu sais, je ne t'en veux pas, parce que je t'aime et que je sais que tu as toujours une bonne raison de faire quelque chose...
- Moi aussi je t'aime mon fils...pour toujours. Sois courageux, je crois en toi. Tu seras le plus fort de tous, j'en suis certaine, et maman sera toujours là pour toi.

Et dans un élan de vitesse, le garde robuste pris Thomas par les épaules, il le passa par dessus les barrières et l'emmena à la sortie, près du nouveau monde.

- Maman !!!!!
- Thomas... »

Ça y est, il était parti pour de bon. Je me souviendrais toujours de son visage, en pleurs, hurlant mon nom, si fort que je l'entendais encore une fois parti. Je voyais dans ses yeux tout le désespoir de l'abandon, de se retrouver seul face à quelque chose qu'il ne savait même pas quoi. Comme si son cœur se déchirait soudainement d'un côté, avec le mien de l'autre. Comme si nos vies seraient à jamais séparées. « J'espère qu'il se souviendra de moi... »

Là, devant ce chemin lumineux menant à une sortie inconnue, je me suis effondrée. Je venais d'abandonner tout ce qui m'était le plus cher au monde, mais aussi tout ce qu'il me restait. Je suis restée plantée là bien dix minutes, au milieu de la foule de gens, certains complètements hystériques, d'autres dans le même cas que moi, complètement dévastés. Comment ferait-il pour survivre sans sa maman, entouré de gens totalement inconnus ? Et puis même si je croyais en Wicked, je savais qu'il ne fallait pas leur faire totalement confiance car ils avaient l'air assez mystérieux, limitant les informations données. En fait il fallait leur faire confiance sans vraiment savoir ce qu'ils faisaient, dans quelles conditions ils travaillaient. Je savais qu'ils faisaient des recherches sur des adolescents, des sortes de prises de sang pour trouver chez certains d'entre eux un certain remède, peut-être un espoir pour l'avenir. Mais les informations s'arrêtaient là, ils promettaient juste de mettre en sécurité nos enfants, de les éloigner de tous dangers. Mais pour nous, enfin je dis "nous" parce que je pense que c'était pareil pour tous les autres parents. Donc, pour nous c'est ce qui comptait le plus, la sécurité et le bien-être de nos enfants. Et puis j'étais sûre que Thomas se ferait des amis là où il allait, il n'était pas très timide, mais plutôt leader, pleins de bonnes idées et de bonne volonté. Il s'intégrerait facilement au groupe, j'en étais persuadée. Après ce long moment de réflexion, je me suis relevée, sans avoir le choix de faire avec. En rebroussant chemin, j'observais tout autour de moi, cet endroit lugubre et froid, ces petits rayons de lumière venants de la sortie que Thomas avait emprunté, perçants l'obscurité. L'air était glacial et tout paraissait si triste. Je regardais tous ces visages derrière d'autres barrières tout le long de l'allée, tous ces gens qui pleuraient le désespoir, malades, brisés, ou tous ces gens qui s'acharnaient sur les gardes, qui leur lançaient des choses à la figure. On aurait dit une sorte de guerre, avec d'un côté le peuple survivant, triste et rancunier, et de l'autre une communauté presque inconnue, qui essayait de repousser tous ces pauvres gens. Certains gardes perdaient patience et se mettaient à tabasser les colériques, devenus sans pitié. En réalité, je n'avais pas peur, j'avais plus de la peine pour ce pauvre monde devenu fou, n'ayant pas su comme faire face ni comment réagir à ces éruptions solaires qui ont détruits notre monde. A cette période, tout n'était que mort et malheur, mais là j'avais plus l'impression que nous étions dans une phase de survie, de fuite, livrés à nous mêmes. Chaque jour entre la vie et la mort.

WICKED isn't goodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant