2- Nyxan

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Ses longs cheveux raides et noirs recouvraient les côtés de son visage dont les grands yeux sombres luisaient sous les néons. Sous la veste de son tailleur, elle n'avait pas de chemisier mais son décolleté se cachait derrière la multitude de colliers, de chaînes et de breloques en cuivre. Leur nombre faisait froid dans le dos. Elle aussi était une registrée. Relâchée en liberté conditionnelle autant de fois qu'elle n'avait de colliers.

- C'est moi qui te fait peur à ce point ?

Peut être voyait-elle une aura se dessiner autour de lui, ou bien elle entendait les battements de son cœur, mais peu importe comment, elle avait senti sa peur.

Il aurait voulu la détruire, la fracasser contre le plancher mais dans sa grande sagesse de repenti, il se retint, et de son éternel flegme, resta impassible.

- Je suis venue t'aider, déclara-t-elle lorsqu'elle comprit qu'il ne répondrait pas. Je sais que ce n'est pas facile de sortir du trou et de se retrouver seul.

"Aider" était un mot qu'elle ne connaissait pas. Nyxan n'aidait pas, jamais. Elle vengeait, elle manipulait, elle profitait. Alors oui, elle était belle, mais d'une beauté fatale et obscure qui n'accordait aucun répit, aucune seconde chance, quelque soit le ou la malheureuse pris dans ses filets. Aimer Nyxan, c'était mourir.  Il y avait avait presque cédé, une fois, et voilà où il en était. Elle savait amadouer par la parole. De sa voix suave, elle promettait monts et merveilles, et les plus faibles capitulaient. Sa grâce, ses lèvres brillantes, ses grands yeux noirs et sa chevelure de jais ne laissaient personne indifférent. Maître en l'omission, elle trouvait toujours un moyen de tirer parti d'une situation et ce, au dépend des autres.

Il jeta un coup d'oeil au papier chiffonné qu'elle lui tendit. 

« 33 Rue des Colombes, à 3h00 la nuit du dimanche au lundi. »

Il ignorait de quel genre de rendez vous il s'agissait, mais une chose était sûre: il s'y rendrait. S'il avait apprit à se méfier depuis la dernière fois, sa curiosité, elle, n'avait pas tarit. Que pouvait-elle bien préparer ? En 12 ans rien n'avait donc changé ? Elle continuait à débarquer chez les gens, sortie de nulle part, pour leur proposer un travail ou je-ne-sais quel accord. Mais pourquoi lui?  Il se croyait obsolète, rouillé et surtout il la haïssait... alors par la Lune, que pouvait-elle bien lui vouloir ?

La soirée fut longue, ponctuée de crises de larmes et de phases d'apathie. L'idée de Nyxan s'effaça vite le plongeant dans la triste réalité: il était sorti.

Il était dehors.

Non pas que le cachot eut été une partie de plaisir, mais tout de même, ça avait été sa maison. Pendant douze ans, le petit lit de la cellule X214 avait été le sien et pendant douze ans, il y avait observé les étoiles. A la cantine, il avait sa table, parmi les incarcérés, il avait son groupe. Des gens cruels dehors mais ses meilleurs amis dedans.

Maintenant il était sorti, il était tout seul, il n'avait rien à faire si ce n'était songer à cette garce de Nyxan qui avait eu le culot de revenir comme si de rien n'était.  Ce monstre de Nyxan qui l'avait séparé de...Zoë.

Avant de s'endormir, il avait contemplé les étoiles qui scintillaient à travers la crasse de sa fenêtre et se dit que depuis sa cellule, elles auraient été plus éclatantes. Ses yeux bouffis et lourds lui indiquèrent qu'il était l'heure de s'abandonner et rapidement, il sombra.

Son rêve lui fit revivre la journée qu'il venait de quitter, de la bouillie de poissons et de pain servie au petit déjeuner au matin de sa libération. Son périple avait été épuisant: les geôliers lui avaient remis ses minces affaires puis jeté sur la côte sans plus de considération. Heureusement les nuages avaient quitté le ciel, lui offrant le répit de la chaleur. Il s'était retrouvé seul, comme un chien à errer sur la côte déserte en attendant le ferry qui amenait les ravitaillement sur l'ile et ramenait les ex-détenus au pays. Sans argent et sans contact, la seule solution avait été de marcher jusqu'à son misérable appartement, à quatre heures de la côte.

Ses pieds nus rougis et gonflés s'étaient couverts de cloques et d'égratignures. En rentrant il voulu y mettre de l'onguent mais n'en trouva pas, alors il laissa ses larmes apaiser la chaire à vif de ses pieds.

REPENTI [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant