La longue soirée d'été

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CHAPITRE XI
Grey

Les sonots qui diffusent la musique rythmée brisent mes tympans et me compriment le ventre. La foule est compacte, ne forme presque qu'un. Ça m'angoisse. La proximité avec autrui me fait peur.

Parfois, une vague odeur de transpiration et d'alcool nous submerge, quand la foule saute au plafond et que la musique s'accélère. Nos corps sont serrés contre ceux d'inconnus. Je sens que le rosé avalé trop vite avant d'entrer me monte à la tête. Mais Lucy insiste « un shot tous ensemble, pour fêter les vacances».

Les shot servis, « santé », nos lèvres synchronisées touchent en même temps notre verre. Le liquide me brûle. La chaleur est agréable.

Lucy se déhanche déjà sur la musique et suivie par le rosé, ils s'engouffrent entre les corps en sueur. Moi, je reste adossé au bar, le regard rivé sur la masse dansante. Juvia est à côté. Elle ne parle pas. Nous restons quelques minutes à ne rien faire, à ne rien dire.

– Tu ne danses pas ?

Juvia me pose la question qui semble la turlupiner. Et sans le vouloir, mes yeux s'attardent un peu trop de temps sur la ligne de son nez et sur son regard bleuté qui survole la foule en délire. Son visage me fascine : trop précieux, trop délicat. On dirait une poupée.

– Pas vraiment mon truc.

Réponse honnête. Je déteste danser. Quand je le fais, je me sens observé. J'ai l'impression de perdre tout le contrôle de mon corps et de le donner en pâture aux yeux affamés des autres danseurs.

– Moi non plus. Chuchote-t-elle presque.

Sa voix est une douceur, comme un bonbon, je la savoure. La musique change, la foule est en délire, je me sens étouffer et propose :

– On va prendre l'air, alors ?

Elle me dit oui avec les yeux et se noie vers la sortie. J'aime le club de Magnolia pour sa terrasse et sa vue qui donne cette folle sensation de calme près de la tempête. Son corps frêle et musclé s'impose dans la foule et réussit à forcer le passage jusqu'à la terrasse ouverte. Je la suis.

Le nez passé dehors, je me détends. La brise d'été vient nous tenir compagnie tandis que le son se fait moins fort, plus loin.

– Je revis. Dit Juvia et elle m'ôte les mots de la bouche.

Je trouve ça amusant.

Juvia cale son dos contre la rambarde, en face de moi. Elle croise ses bras sur son top brillant qui m'éblouit et j'ai l'impression qu'il n'y a plus que nous deux.

– Alors, cette pêche ? Demandé-je d'une intonation que je ne me connais pas, comme si on se connaissait depuis toujours.

Elle me lance un regard amusé et je pense qu'elle l'est de savoir que je m'en rappelle.

– Zéro poisson mort au compteur. Une réussite.

Elle grimace quand elle annonce ironiquement sa victoire. Je souffle du nez, amusé par son comportement.

– T'es végétarienne depuis longtemps ?

Elle boit une gorgée de sa bière.

– Quelques années enfaite.

J'hoche la tête. Je ne demande pas si c'est pas trop dur. Je le pense. Mais je crois que lorsqu'on l'est on ne se pose pas la question. Que ce n'est pas un renoncement mais bien le premier pas et la consécration d'une prise de position.

Les vagues éphémères Où les histoires vivent. Découvrez maintenant