4 - 🌲

113 9 7
                                    

Mes mains tremblent.

J'attrape la bouteille et au lieu de me remplir un verre pour la énième fois, je bois ce qu'il en reste directement au goulot.

La tête me tourne, tout se brouille, les images s'effacent lorsque je ferme les yeux.

Je les rouvre, et trouve du regard le miroir le plus proche de moi. Mes yeux sont rouges, vitreux. Il n'y a rien qui vit à l'intérieur, rien qui n'empêche tout ce qui entre en moi de se noyer et crever.

- Maya, viens ici ! je hurle.

Elle se ramène. Ses yeux restent fixés au sol comme elle a l'habitude de le faire. Je ne vois même plus de larmes dans ses yeux au fil du temps. Je lui fais signe d'avancer, et lorsqu'elle s'exécute je tortille une mèche brune entre mes doigts. Elle a coupé ses longs cheveux épais l'année dernière, mais ça repousse déjà. Elle pensait peut-être que la douleur serait moins intense. Elle va être déçue.

Je tire doucement sur la mèche, et elle ne relève toujours pas la tête. Je la lâche, promène mes doigts au-dessus de son crâne, puis j'attrape brusquement une poignée de ses cheveux et tire.

Fort. Toujours plus fort.

Je retire ce que j'ai dit. Je vois des larmes poindre dans ses deux yeux.

Contrôle. Toujours plus de contrôle.

Et je la lâche à nouveau, pour venir la serrer dans mes bras. Elle se laisse faire comme chaque fois, et me serre même en retour.

- Maya... pourquoi tu sens le sel et la mer ? je demande.

Elle se raidit, et je me recule.

- Me dis pas que t'as raté des cours aujourd'hui pour voir la mer...

Je lui souris, et ses yeux restent perdus dans le vide. Elle murmure :

- J'y ai seulement fait une promenade ce midi.

Elle paraît à bout de souffle et sa main masse distraitement l'arrière de son crâne. Son joli visage à la peau d'un blanc laiteux rosit légèrement, et j'ai ma réponse.

- Regarde-moi, j'ordonne.

Ses yeux bleu vif se lèvent mais... elle fixe un point juste derrière moi. Et là, l'agacement me gagne. Elle avait le même air. Elle aussi, elle n'arrivait plus à me regarder dans les yeux avant que tout arrive. Ou plutôt finisse. Car oui, tout a une fin, qu'elle soit brutale ou douce, voulue ou involontaire, rapide ou lente. Et ce soir, la façon dont Maya se comporte aura une fin, j'en suis persuadé.

Mes doigts caressent tendrement sa joue, en contraste avec la colère noire qui tourbillonne en moi, qui prend possession de tout mon être. Et là, je la gifle.

- Désormais, tu me regarderas dans les yeux lorsque je te parle.

Une deuxième claque l'atteint en plein visage, et la force de celle-ci la fait chanceler et tomber au sol. Elle me regarde aussitôt, et je vois qu'elle se retient de pleurer. Elle n'a plus l'air de faire rentrer l'oxygène dans ses poumons, et sa joue gauche prend une couleur cramoisie.

- Et tu ne me mentiras plus, aussi. Retourne dans ta chambre.

Elle se lève et titube au premier pas qu'elle fait, et se ressaisit pour traverser la pièce en ayant un minimum de contrôle sur son corps. Mais pas de panique, la jolie couleur vermillon disparaîtra complètement dans la nuit.

***

Je regarde la télévision en me massant les tempes. A cette heure-là il n'y a toujours aucun programme intéressant à regarder, mais elle agit comme un baume sur le mal de crâne qui m'assaille presque tous les jours. Elle est un bruit blanc qui me distrait de cette putain de douleur.

Comme tous les matins, Maya se presse pour prendre son petit-déjeuner, avant d'enfiler une veste et d'attraper son sac. Elle se déplace sans aucun bruit, pour ne pas me donner une nouvelle raison de lui hurler dessus. Elle sait combien je déteste ce moment de la journée, quand il m'est difficile d'entendre des bruissements, des tintements... mais le bourdonnement de la télévision n'a aucun effet négatif sur mon état.

Son corps frêle est légèrement voûté et c'est comme si elle portait un poids invisible sur son dos. Son rythme reste tout de même rapide, et en l'espace de quelques minutes elle est prête, à l'heure pour aller en cours.

- A ce soir, papa, dit-elle tout bas.

Je me tourne et me fige. Ce n'est pas sa tenue simple composée de tons gris et bleu délavés, ni ses cheveux courts autour de son visage, ni ses tressaillements quand je change de position. Mais ce sont mes cinq doigts qui ornent sa jolie joue, et le rouge vif de la veille s'est mué en une couleur violâtre assez répugnante.

Elle me dégoûte.

Comme tous les matins, elle ferme la porte et j'entends ses pas se presser dans les escaliers. Maya sait que je ne tolérerais pas qu'elle arrive en retard, étant si près de son école.

Comme tous les matins, je me poste à la fenêtre pour la regarder prendre la direction du lycée. Enfin... il m'arrive que certains matins soient trop durs pour que je me lève et la surveille, comme hier. Aujourd'hui, elle sait que je la fixe et ne se retourne pas, comme à son habitude.

Et là, mes pensées s'alignent à nouveau et je cligne des yeux en revoyant l'image de sa joue. Merde.


................................


J'espère que ce chapitre vous a plu, les vacances commencent enfin pour moi donc vous aurez plusieurs chapitres par semaine ! ^^

Je ne pense pas faire de note en fin de chapitre à nouveau, mais aujourd'hui je voulais vous partager un petit truc qui m'a tracassée toute la journée. Hormis le fait d'être arrivée en retard à un examen (j'étais au bord de la crise de panique), j'ai été témoin d'un geste qui m'a choquée. {Vous n'êtes pas obligés de lire car je me rends compte que j'ai écrit + que ce que je voulais au départ !}

J'attendais mon bus et devant moi est passée une femme avec une poussette, suivie par un petit garçon qui a je pense aux alentours de 5 ans. La mère lui a donné un biscuit et son fils l'a fait tombé par mégarde. Il s'est récolté une gifle pour sa maladresse, et personne autour de moi n'a eu l'air d'être choqué. J'étais pas mal stressée avec mon examen en approche et mon retard, mais si ça avait été un autre jour, je ne serais certainement pas restée plantée là sans rien dire.

Le petit garçon avait la joue écarlate et ne disait plus rien. Je ne peux pas savoir si au quotidien elle est violente (l'est-elle + ? est-ce occasionnel ?), mais ce qui peut paraître comme une gifle banale est en fait de la maltraitance, même si les châtiments corporels ne sont pas interdits par la loi (oui, oui, vous lisez bien... je viens de faire des recherches et il n'y a aucune sanction. Même la fessée que je croyais sanctionnée... La loi anti-fessée est juste une loi "symbolique").

J'ai été influencée par ça pour écrire ce chapitre, car certains gestes ne doivent réellement pas être pris à la légère au risque de répercussions sur le comportement du petit garçon en grandissant, et de beaucoup d'autres choses. Bref, c'était un point que je trouvais important à vous raconter ♥

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Jun 29, 2019 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

DESTINS ENTREMÊLÉSWhere stories live. Discover now