2 - 🌹ILAN🌹

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Je hume mon oreiller. Son odeur est partout autour de moi : sur les tissus de mon lit, de mes vêtements ; sur ma peau, sur mes bras ; et dans l'air ambiant l'effluve de son odeur fleurie me rend dingue.

Je tourne la tête, les yeux tellement gonflés par la fatigue que je ne peux m'empêcher de les plisser très fort. Mon réveil affiche 6h15 du matin, et je soupire. Elle est partie il y a seulement une dizaine de minutes, lorsque le soleil commençait à peine à se lever en ce mois de Juin. Elle était complètement paniquée et je n'ai pas réussi à dire un seul mot face à son air terrifié. La pointe de regret qui sculptait la dureté de son regard forme une image que je n'arrive pas à me retirer de la tête.

Je me lève précautionneusement et m'étire. Je suis toujours sonné par ce réveil inédit, d'être passé d'une joie profonde à une inquiétude marquée. Ce n'est pourtant pas l'assurance qu'il me manque, loin de là. En revanche l'angoisse d'avoir laissé Maya partir dans un tel état émotionnel ne me quitte pas.

Soudain, alors que j'étais perdu dans mes pensées, mon regard est attiré par un éclat de lumière sur le sol. Je me penche et ramasse une bague, composée d'un anneau en argent lui-même surmonté d'une petite pierre au violet profond. C'est alors que je la revois à l'index gauche de Maya hier soir, lorsque sa main tremblait sous le poids de ses émotions. Elle a dû l'égarer en retirant ses habits cette nuit...

Mais alors, cet anneau fait naître une pensée en moi, et je souris.

Maya n'aura aucune raison de m'ignorer lors de notre prochaine rencontre, puisque j'ai quelque chose qui lui appartient...

*****

Et j'attends.

Je tourne l'anneau entre mes doigts encore et encore, les yeux rivés sur la porte de son immeuble. Je suis à-demi caché derrière une haie, en attendant que Maya sorte de chez elle pour se rendre en cours comme chaque jour. Mais aujourd'hui c'est un jour particulier après ce qu'il s'est passé la nuit dernière, et le matin-même.

C'est aux alentours d'une heure du matin que j'avais été alerté par des coups pressants à ma porte d'entrée. J'étais toujours debout, mais aussitôt j'ai accouru pour ouvrir, me demandant qui pouvait bien venir à cette heure-là. Peu de personnes savent où j'habite dont Léo, mais il était en week-end avec ses parents. J'ai donc déverrouillé la serrure et tourné la poignée, pour me retrouver face à Maya Adam, l'objet de mon obsession et tous mes désirs depuis le début de l'année. Certainement pas ce à quoi je m'attendais.

- Salut. Alors comme ça, tu te décides enfin au bout de plusieurs mois à m'adresser la parole ? je lance d'un ton léger mais surpris.

Mais je m'arrête aussitôt lorsque je vois la lueur dans ses yeux. Tout ce qui émane d'elle semble être un appel au secours. Ses yeux bleus sont cernés d'une couleur bien trop sombre pour son jeune âge, ses cheveux bruns courts sont emmêlés et pendent de chaque côté de son visage. Ses lèvres sont d'un rouge vif sûrement causé par une morsure répétée, et son visage est d'un pâle préoccupant.

Je ne savais pas à quoi je m'attendais en la voyant, mais sûrement pas à ce qu'elle me saute dans les bras, enfouissant aussitôt la tête dans le creux de mon épaule. De toute l'année je n'ai vu d'elle que son apparente introversion, et j'ai eu beau essayer d'engager la conversation de multiples fois avec elle, jamais elle n'a répondu. C'est en sentant les larmes couler sur ma peau que j'ai refermé la porte, l'emmenant ensuite dans ma chambre. Je n'avais plus du tout envie de plaisanter. Mille questions me passaient par la tête, sur sa venue, sur la raison pour laquelle elle s'est pointée chez moi, qu'elle a toujours évité en cours.

Maintenant je patiente sur le chemin à côté du bahut, que je la vois tous les jours emprunter pour rentrer chez elle. Je regarde à nouveau ma montre quand j'entends enfin une porte s'ouvrir.

Je la vois sortir et se diriger... dans une direction totalement opposée au lycée ?

Mais où est-ce qu'elle va ?

Comprenez bien... j'ai eu le temps de l'observer. Et elle n'est pas du tout du genre à manquer un cours. C'est plutôt mon genre à moi, même si cette année les règles ont changé. J'ai dû m'occuper de plus de choses en quelques mois que durant les 17 dernières années de ma vie, et empirer ma situation est la dernière de mes envies.

Elle n'a pas le temps de faire quelques pas que déjà mes jambes prennent une impulsion pour la suivre, à défaut de suivre la voix de la raison, qui me dicte d'aller au lycée.

Et merde. Ça peut bien attendre que je m'assure que Maya va bien, ce qui n'a pourtant pas l'air d'être le cas.

DESTINS ENTREMÊLÉSWhere stories live. Discover now