Ridley était accoudée à la fenêtre du Capharnaüm et buvait son thé, tout en soulevant le rideau blanc par moment, surveillant l'arrivée de Violet.
Suzie vint se planter devant elle.- Tu sais à quel point tu as l'air ridicule Rid ?
La jeune brune, souffla sur une mèche courte qui lui tombait sur les yeux. Avec ses dix-sept ans tout juste, cette coupe à la garçonne, sa petite taille et des tenues masculines en permanence, elle était des plus comiques de la bande.
Suzie eut un petit sourire en coin.- Alors avoue, elle est si belle que ça Violet ? Elle donna un coup de coude à son amie.
Ridley rouspèta en riant, défroissa sa salopette de lin blanc et remis correctement son pull bleu pervenche.
Ses yeux verts se plantèrent dans ceux de Suzie qui reculait dans le corridor avec un air rusé dans le regard.- Oui. Violet est la fille la plus incroyable que je n'ai jamais rencontré ; elle se mit à courir après Suzie en la chatouillant et lui criant; Eh, mais j'te vois venir toi, ne t'avises même pas de me la piquer.
Les deux amies se chamaillaient toujours férocement alors que Violet passait la porte.
Prenant en compte ses cheveux ébouriffés, Ridley y passa la main et se débarrassa comme elle le pu de Suzie. Elle eut un rire gêné alors que Suzie dévalait à toutes jambes le couloir. Dans le corridor à l'odeur de bois, de crayons de couleurs et d'herbes aromatiques, les deux jeunes femmes se détaillaient l'une et l'autre sous toutes les coutures, l'une avec un air farouche, Ridley; et Violet avec ses yeux pourtant insistants derrière un visage angélique.
Ridley conduisit Violet à la répétition théâtrale. En passant la porte, elle lui barra la route et lui glissa doucement en la fixant dans les yeux et la retenant par la hanche :- Le jaune te va à ravir.
Elle se détourna à temps, avant de pouvoir apercevoir les joues de Violet rosir, ses pieds la guidèrent à la recherche d'Hector.
Violet resta là, quelques instants contre la porte le cœur battant, les jambes cotonneuses, le souffle court. Elle se mordit la lèvre et sourit.
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Ridley trouva enfin Hector dans les coulisses.
Celui-ci farfouillait dans des cartons à la recherche d'une tenue quelconque pour un de ses acteurs.- Dis moi Ridley, tu veux bien attraper cette boite a chapeaux là haut sur l'étagère, je n'y arrive pas et...; Il se grattait le cuir chevelu l'air ailleurs.
Avant même la fin de la phrase Ridley avait grimpé sur l'escabeau :
- Tout de suite mon oncle.
Un peu distrait, celui-ci la remercia.
- C'est gentil, tiens pose ça là et va t'installer pour la répétition tu veux bien ?
Ridley se mit en route, ses pas craquaient sur les planches en bois. La salle était face à elle. Elle entra, sur la troupe était assisse en cercle. Certains au sol en tailleurs et les autres, les jambes pendants au bords de la scène, au complet. Suzie discutait avec Galatée tandis qu'Ostara riait avec Cosme.
Cosme est l'unique figure masculine de la troupe avec quelques allures de vipère. Il empoche toujours les bons rôles. Dans la salle, les rangées de sièges vides était un public silencieux face aux comédiens agités. Hector glissa sa tête par delà les coulisses et fit son apparition. La séance se déroula sans encombres. Chacun connaissait son rôle sur le bout des doigts et Suzie impressionna tout le monde en jouant à la perfection un rôle féminin qui ne lui collait pas à la peau si l'on suivait sa personnalité et ses aspects explosifs.Alors que dans le couloir tout le monde était affairé aux portes manteaux, Violet guettait impatiemment l'arrivée de Ridley. Le couloir avait des airs anciens d'école, revêtu de poussière comme l'aurait été une antiquité à peine dénichée. Les dernières écharpes se tortillaient sur les portes manteaux alignés, et Ridley allait bientôt risquer le bout de son nez dans le couloir pour récupérer ses affaires. Soudain une silhouette se dessina dans l'embrasure, le dos tourné. Depuis le coin ou elle était appuyée, Violet n'en distinguait que les cheveux rebelles
Les pas de l'arrivant tapotaient le plancher.
Violet l'identifia selon l'allure à Ridley, elle l'interpella, ne cessant de replacer des mèches derrière son oreille.
- Je hum..Je me demandais, ça te dirait de venir avec moi au café dansant d'à coté ?
Violet fixait ses pieds nerveusement dans l'attente d'une quelconque réponse. Voyant que les secondes commençaient à s'égrener en minutes elle ajouta :
- Ridley tu sais tu peux me le dire si tu ne veux..
Une main lui releva le menton, elle dirigea alors son regard vers la personne qui lui faisait face. Ses yeux s'écarquillèrent, Cosme la regardait d'un air arrogant :
- J'suis pas Ridley ma belle, mais passer une soirée avec toi, ça j'serais pas contre; ses yeux descendaient vers le chemisier de Violet. Il glissa un doigt agile entre deux boutons. Violet l'écarta d'un coup sec.
Une lueur vicieuse brillait dans ses pupilles, tandis qu'il allumait sa cigarette, son zippo à la main, la flamme léchant le tabac.
- C'est que t'es plutôt une sauvageonne dis moi.
Le corps tremblant, Violet ne parvenait plus à articuler une seule syllabe. Elle avala difficilement sa salive et murmura d'une voix sèche et étouffée, ramenant ses bras contre sa poitrine comme pour la gommer à la manière d'une rature sur un dessin :
- Sors d'ici Cosme. Va t'en.
Le jeune homme pris une bouffée de sa cigarrette, les yeux fermés. Il se dirigea à reculons vers la porte :
- T'es qu'une allumeuse qui joue à la sainte nitouche Violet, admets le; il cracha par terre; J'te revois plus tard.
Un courant d'air glacé signa son départ, la porte se claqua comme le tonnerre intérieur de Violet. L'orage striant ses joues de larmes éparses.
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Les Phénomènales
Historia CortaHollywood, 1940. Il faisait chaud, le soleil illuminait les carrosseries flamboyantes en bas de la rue, dessinant des astres éphémères sur le haut des verres de vin dans les vérandas, les jardins. On se bouscule au théâtre et l'on tombe amoureux com...