Prologue

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Enfant, je restais seule. Je ne me mêlais jamais aux autres. Parce que j'avais peur qu'ils me rejettent en apprenant ce que je suis vraiment. Aujourd'hui, rien n'a vraiment changé. Je suis toujours Cassandre. Grande et mince avec une chevelure noire qui encadre mon visage pâle aux yeux bleus très clairs qui n'inspirent pas confiance. J'ai sûrement l'air d'un fantôme, c'est sans doute pour ça que les autres déguerpissent lorsqu'ils me voient. Mais je préfère car je déteste voir la mort s'inscrire à l'encre noire sur leurs fronts. Dès que je perçois cette aura mortelle, l'être consterné décède dans les minutes qui suivent. Et je ne peux rien y changer car personne ne me croit.

Je tiens une boutique d'antiquités dans le centre-ville d'un village paumées milieu de nulle part. J'adore boire mon café tout en observant les passants aller et venir sur les trottoirs. Ils ne prêtent aucune attention à la devanture. J'avoue que l'aspect désuet et la façade n'attire pas les regards. Et certains hésitent parfois à entrer, ils finissent toujours par tourner vite fait les talons. Ce manque d'intérêt me réprouve l'envie de prendre soin de mon magasin. Du coup, les vieilleries s'entassent sur des étagères poussiéreuses parmi des livres anciens aux reliures abîmées.

Le parquet craque sous chacun de mes pas lorsque je retourne derrière un long comptoir qui fait office de bureau, je dépose ma tasse à moitié pleine à côté de mon ordinateur et me plonge sur la pile de courrier posée sur la table. Je laisse les factures de côté puisque de toutes façon, je n'ai pas de quoi éponger mes dettes.

Chaque jour, les heures défilent sans aucune visite sauf de la part du facteur bien sûr... Sauf un matin lorsqu'une dame d'un certain âge était entrée. En poussant la porte, la petite clochette juste au-dessus avait retentit en me sortant de ma rêverie. Étonné par sa présence, je m'étais avancée vers elle en tentant d'afficher le sourire le plus aimable possible.

- Bonjour Madame, que puis-je faire pour vous ?

J'avais alors de suite remarqué son regard me reluquait des pieds à la tête. Je m'étais dit : Ça y est, elle va décamper à toute vitesse ! Or, à l'inverse, elle m'avais gentillement sourit avant de se retourner vers l'une des étagères situé contre la vitre.

- Pouvez-vous me montrer la montre à gousset posée sur ce comptoir ?

- Bien-sur, lui avais-je dit avant de la récupérer et de lui donner.

- Combien coûte-t-elle ? 30 euros ? C'est tout ?

- C'est une montre d'occasion Madame, elle n'a pas une très grande valeur.

En disant ça, l'expression de son visage avait changer. J'avais même cru qu'elle allait se mettre à pleurer. Je l'avais entendu soupirer avant de me rendre la montre.

- C'est bien triste qu'elle n'aie pas plus de valeur à vos yeux.

- Que voulez-vous dire ? Lui avait-je demandé avec curiosité.

- Cette montre appartenait à mon défunt mari. Elle n'avais pas de grande valeur mais à ses yeux, elle était tout.

- Je... Je suis désolée. Je l'ignorais.

- C'est moi qui lui aie offert le jour de notre cinquantième anniversaire de mariage. Elle ne m'avait rien couté, c'est vrai. Mais sa valeur était inestimable.

- Je vois. Mais alors pourquoi votre mari l'a revendu ?

- Je ne l'ai jamais su. Il est mort peu de temps après. Je la cherchais pendant des mois. Je ne pensait pas que je la trouverai ici, dans votre boutique.

- Si vous le souhaitez, je peux vous la rendre.

- Non je n'en veux pas. Savoir enfin où elle se trouve me rassure. Je ne vous embête pas plus. Merci Mademoiselle.

- Vous ne m'embêtez pas. Je peux vous offrir un café ou bien un thé ?

- Une prochaine fois peut-être, avait-elle répondu avec un clin d'œil avant de quitter ma boutique.

Je ne l'ai jamais revu... je n'avais pas ressenti sa mort mais sa profonde détresse m'avait manqué. J'aimerais la revoir car elle était la seule personne à m'avoir enfin souri. D'habitude, les autres tirent la grimace en me voyant. J'avais retiré la montre à gousset de l'étagère et je la conserve désormais dans l'un des tiroirs de mon bureau. Depuis cette histoire, je n'avais pas envie que quelqu'un d'autre qu'elle ne me l'achète.

Concentrée sur l'ouverture de mes courriers, je sursaute en entendant la petite clochette résonner. Un instant, j'ai même cru que c'était peut-être la vieille dame. Mais j'ai vite déchanté quand je lève la tête en apercevant un homme se tenir devant la porte d'entrée. La météo n'étant pas pluvieuse, je trouve étrange qu'il soit complètement trempé... Ses cheveux sont plaqués sur son crâne et il porte des habits curieux qui me font d'ailleurs penser a une tenue d'apôtre. Quand je le vois s'avancer vers moi, je me lève de mon siège et recule par réflexe mais il finit par se figer au niveau de mon bureau en me fixant de ses yeux sombres.

- Cassandre, aide-moi... gémit-il avant que je ne le regarde s'écrouler par terre.

L'ange mortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant