L'ange mortel

Chapitre 3

12 ans plus tôt :

La voix de papa me tire du sommeil. J'ouvre difficilement les yeux et tourne la tête vers la chaise à bascule dans laquelle il était assis. Je lâche un long bâillement tout en frottant les yeux ensommeillés. Ce n'est pas la première fois qu'il me réveille en pleine nuit.
  Je reste allongée n'ayant pas le courage de me lever cette fois-ci. Maman me dit souvent qu'il faut être patiente avec papa, car ce n'est pas sa faute si il est « malade de la tête ». Parfois, il raconte des choses bizarres que ni maman, ni moi ne comprenons. Mais je pense que j'ai hérité de sa folie. Il ne voit pas la mort mais il entend des murmures. Mes parents se disputent souvent à cause de ça, car maman commence à penser que je suis atteinte, comme lui.
Je l'entends se racler la gorge. Grâce à la lumière dégagée par la lampe de chevet allumée, je remarque qu'il a les yeux rougis comme si il venait à peine de pleurer. J'ai comme la terrifiante impression qu'il allait me dire quelque chose d'étrange encore une fois et je sens les larmes monter, mais je les retiens lorsque papa s'adresse enfin à moi.

- Cassandre, ne franchis jamais le portail...

- Euh quel portail papa ?

- Il ne faut pas Cassandre... Jamais ! Jamais !

Papa me fait peur quand il hurle sans raison. Je ne comprends pas de quoi il parle mais j'acquiesce pour le rassurer. Or celui-ci quitte brusquement sa chaise et se jette sur moi avant de me serrer violent les épaules en m'obligeant à me redresser sur le lit.

- Promet le Cassandre ! Promet le moi !
S'énerve t'il d'une voix éraillée en me postillonnant à la figure.

- Aïe papa ! Tu me fait mal ! Maman ! Maman ! Je crie de douleur en me débattant pour me dégager.

Mais papa ne sait plus ce qu'il fait et continu de me secouer en répétant en boucle cette même phrase : Ne franchir jamais le portail. Cet instant semble durer une éternité avant que maman ne débarque enfin dans ma chambre.

- Léandre ! Lâche-la enfin !

Elle essaye de le tirer en arrière mais il résiste et la repousse brutalement sur la moquette. J'entends alors les lamentations de maman qui ne se relève pas pour m'aider. Je n'arrive presque plus à respirer à cause de la panique. Il ne s'était jamais montré violent auparavant. J'ai peur, je suffoque, je ne reconnais plus papa. Tout à coup, il se fige et me relâche. Je suis paralysée, j'ai toujours peur et je n'ose plus le regarder. Soudain je le sens s'écrouler sur moi. Je pousse un hurlement et maman me rejoint pour me serrer très fort contre elle. Papa est mort. Il n'est plus là. Et c'était la première fois que je n'avais eu aucune vision.

***
Le présent :

Je reprends connaissance en ignorant ou je me trouve. Mon père a disparu, ma mère aussi et pourtant je peut encore ressentir leurs présence. Je suis prise d'un vertige qui m'oblige à refermer les paupières. Je me prends la tête entre les mains en essayant de chasser ce cauchemar qui me hante chaque nuit. J'attends que cette sensation désagréable passe, mais même les yeux fermés, j'ai l'impression que tout tangue autours de moi et j'ai tout à coup la nausée. Je finis par vomir et me rends compte alors que je suis assise sur mon lit en sécurité.
Cela agit sur moi comme un électro choc et je me rappelle soudainement tous les événements de la veille. Je baisse la tête sur mes vêtements et je suis soulagée de constater que je porte bien ma chemise de nuit. Bon sang tout ceci n'était qu'un rêve ouf ! Ma tête cesse de tourner et je jette un coup d'œil à mon téléphone posé sur ma table de chevet qui affiche six heures du matin sur l'écran. Je repousse mes draps blancs profanés de vomit et d'une odeur nauséabonde puis je quitte ma chambre en ramassant mon peignoir déposé en vrac sur le sol.
Comme une idiote, j'ai faillit m'étaler deux fois dans les escaliers parce que j'ai oublier d'allumer la lumière. J'appuie sur l'interrupteur en bas des marches et le plafonnier éclaire le hall de l'entrée. J'entre dans la cuisine, récupère un verre dans un des placards et me sert un verre d'eau. Je bois au moin deux-trois verres pour m'enlever le gout de dégueulis qui m'est rester dans la gorge. Je repose mon verre vite à côté de l'évier et me rends dans le salon. Une fois réveillée, il m'est impossible de me rendormir, je décide donc de regarder la télévision en patientant jusqu'à sept heures. J'allume le lampadaire courbé près du meuble télé et lorsque je m'asseoir dans le canapé, je rebondit en vitesse en entendant un grognement. Je me cogne violemment le genou contre l'angle de la table basse en verre et les yeux s'embrument de larmes. Je sautille de douleur tout en distinguant avec horreur ce fameux ange tombé du ciel affalé confortablement installé sur le sofa de ma maison et complètement nu.
Ce dernier ce redresse en se frottant les yeux avant de me fixer avec un grand sourire. Je met un temps fou à réaliser que je suis totalement captivée par le corps qui est à ma vu. Cet ange est sacrément bien foutu !

- Cassandre ! Je suis soulagé que tu sois enfin réveillée ! S'exclame t'il en s'approchant de moi en ouvrant ses bras.

- Ha... Habillez vous ! Je bredouille, les joues brûlantes.

- Oh ! Pardon... C'est vrai que vous les humains, vous avez honte de la nudité.

Raphaël remet sa longue toge avant de me fixer avec un grand sourire. Gênée, je détourne le regard mais celui-ci pousse une exclamation choquée avant de poser sa main sur mon genou. Je me paralyse en sentant une douce chaleur émaner de sa paume. Je ne ressent alors plus aucune douleur. Intriguée, je regarde ma jambe qui ne comporte même pas un bleu puis je relève la tête vers mon bienfaiteur. Il m'observe d'un air satisfait et moi, je me demande si par hasard il n'avait pas de don de magnétiseur. Puis je me souviens brusquement des racailles. Je n'ai aucun souvenir de se qui s'est passé après cette vison. Mais quelqu'un est sans doute encore mort...