Chapitre 3 S'amuser Partie 1

1.8K 150 72
                                    

8 septembre 2017

Le reste de la semaine passe à une vitesse folle. Après les longues journées à la fac, je m'endors dès que je rentre. J'ai du mal à reprendre un rythme normal après trois mois à végéter dans le canapé. Les premiers jours ont été compliqués. Les messes basses se sont enchaînées dans mon dos pendant les cours. J'avais l'impression de ne pas être à ma place, comme si j'avais perdu toute notion de sociabilisation cet été. Il faut dire qu'entre les personnes qui cherchent à m'éviter et celles qui, au contraire, essaient de me parler à la manière d'amis de longue date, j'étais un peu perdue.

Marie, comme toujours, a été mon pilier. Elle n'a pas hésité à rembarrer quelques groupes chuchotant lors de mon passage dans les couloirs. J'ai, quelques fois, même eu l'impression que je faisais peur. Comme si la mort était inscrite sur mon front et que j'étais la grande faucheuse. Heureusement, tout ce remue-ménage s'est rapidement estompé. Les sujets de discussion ont changé et les curieux, après plusieurs dérobades, ont vite compris que je n'étais pas de bonne compagnie. Au début j'ai eu du mal à me retrouver seule le soir, sans personne à qui raconter ma journée. Les jours se sont enchainés et la fatigue s'est installée. Je n'ai même plus le temps de cogiter et je ne pense qu'à retrouver mon lit.

Le vendredi matin, je suis soulagée de l'approche du week-end. Je vais pouvoir reprendre des forces et commencer à revoir les notions de cette semaine. J'avais pour habitude de réviser tous les soirs. Il va rapidement falloir que je retrouve la cadence pour ne pas accumuler de retard.

Pendant la pause déjeuner, j'accompagne Marie au restaurant universitaire. La fatigue me coupe l'appétit ; je ne prends qu'une petite salade. En plus, quelques économies ne peuvent pas faire de mal à mon portefeuille. J'écoute mon amie me décrire son nouveau crush en picorant mon repas, lorsque je comprends que la table voisine parle de moi.

— T'as vu comment elle a maigri ? Peut-être que la mort de son mec l'a rendue anorexique.

— Ouais, en plus elle mange quasiment rien... La pauvre...

— Peut être qu'elle essaie juste de se remettre en forme pour retrouver quelqu'un. 'Faut dire qu'elle a toujours était rondelette.

Marie, prise dans son discours, ne se rend compte de rien. J'ai pourtant l'impression que toute la salle peut les entendre ; de nombreux regards se tournent vers moi. J'essaie de me concentrer sur autre chose pour ne pas écouter la suite de leurs conneries, mais les larmes commencent à pointer. Impossible que je me mette à pleurer ici, il faut que je me reprenne.

— Déjà tu penses ? D'un côté plusieurs mois sans baiser, j'aurais du mal !

Un bruit sourd retentit et le silence gagne la salle. Je comprends sa provenance quand je vois Alex, poing collé sur la table du groupe de filles.

— Vous n'avez pas des sujets de conversation plus intéressants, bande de gamines ? Vous parlez de la mort de quelqu'un là ! Je sais pas si vous l'avez remarqué, mais tout le monde peut vous entendre, même elle..., clame-t-il en me montrant du doigt.

— Ah... Heu oui... Désolée..., répond l'une d'entre elles, on pensait pas parler si fort.

Alex renverse un de leurs plateaux sur le sol avant de sortir du restau en lâchant un sonore « espère de connes ».

— Heu, il s'est passé quoi là ? chuchote Marie.

Désormais, plus aucun doute n'est possible, tout le monde me regarde. Cette fois, je ne pourrais pas me retenir. Je sens déjà de l'humidité sur mes joues. Je préfère quitter la salle, avant de leur offrir de nouveaux sujets de conversation. Une fois dehors, le visage trempé, je tombe sur Alex en train de fumer. Il est adossé calmement sur le mur.

Cyclone | Publié ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant