Chapitre 13

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Mes joues me collent à cause des larmes qui y ont séchées

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Mes joues me collent à cause des larmes qui y ont séchées.

Nous n'avons pas dormi de la nuit. Peut-être parce que nous sommes trop bouleversés de la mort de l'enfant, que nous ne connaissions pourtant à peine, ou juste car marcher sans relâche nous mènera, avec un peu de chance, à l'abri des carrières.

Depuis plusieurs heures mes yeux se ferment tous seuls et j'avance à l'aveugle. De toute façon, le soleil n'est pas encore levé, il fait donc très noir et les arbres nous cachent de la lune. J'ai prêté les lunettes nocturnes à Liam, qui est en tête, pour qu'il ne tombe pas dans un fossé ou je ne sais quoi. Floya ferme la marche et Chukk, derrière moi, ne cesse de jurer. Les jumeaux, eux, chantonnent à voix basse.

D'où je suis, j'entends le souffle irrégulier de Liam, juste devant moi, qui semble se calmer quand le passage est moins étroit.

Je voudrais le prendre dans mes bras. Sentir son odeur. Effleurer sa peau. Toucher son visage. Y déposer un baiser. L'enlacer et ne plus jamais le lâcher. Lui montrer à quel point je l'aime.

Mais je ne peux pas. Car dans le cas où nous nous en sortirions tous les deux, il est préférable que la tragédie des amants maudits ne se répète pas. Que le Capitole ne relâche pas des pacificateurs hargneux dans nos rues comme il y a 1 an, enfin repartis depuis quelques mois.

Non. Pour nous et pour les autres, nous devons rester dans l'ombre. Ne pas rallumer la flamme de la rébellion, pourtant si tentante et qui serait si bénéfique. Pour protéger les nôtres.

Après une courte pause pour nous rassasier et nous hydrater, la route continue. Le poisson de tout à l'heure a été oublié et nous n'avons pas eu d'autres choix que de finir les amandes avec Floya. De leur côté, la fratrie et les garçons n'ayant qu'un sac pour deux, ont regrettablement dû achever la fin de leur ressources et nous, ils ne nous reste que nos paquets de viande séchée.

Même la nuit, la chaleur est toujours impossible à supporter. L'humidité m'écrase la poitrine et l'air manque.

Peut-être est-ce un moyen de nous tuer. Nous étouffer. Non. Ce n'est pas assez spectaculaire.

Ne pourrait-il pas y avoir quelque chose pour rafraîchir l'atmosphère ?

"Je n'en peux plus !"

Je m'arrête, dénoue ma veste, enlève mon t-shirt et jette le tout à terre, me retrouvant en brassière. Qu'importe.

"Arrêtons-nous ! Notre petite randonnée ne mène à rien à part nous donner encore plus chaud et nous affamer.
- Elle a raison."

Liam, qui vient de me soutenir, pose ses affaires par terre et ôte son t-shirt, imité par les autres.

Un cri strident et lointain retentit, faisant s'envoler une horde de petits oiseaux. Je dirais qu'il appartenait à un homme vu le ton grave de la voix qui s'en dégageait.

Qui reste-t-il ? Nous 6 et les 4 carrières. 10. Pourtant 13 tributs sont morts, nous devrions donc être 11. Mais alors il reste une dernière personne dont j'ai oublié la présence. Qui ? Impossible de m'en souvenir.

Une goutte tiède atterrit sur mon épaule. Puis plusieurs et enfin un torrent de pluie s'abat sur la forêt.

Enfin de l'eau ! Il a fallu une mort pour nous offrir un rafraîchissement !

Nous savourons cet instant qui pourrait n'être que de courte durée.
Mais la pluie ne cesse pas et transforme la terre humide sous nos pieds en une boue épaisse qui s'infiltre rapidement dans nos chaussures. Nos habits, toujours au sol, disparaissent petit à petit dans la bouillasse. Je rattrape mon T-shirt à temps. Tant pis pour ma veste !

Au bout d'une heure ou deux, les bourrasques s'arrêtent et laissent leur place à un ciel grisâtre.

Floya me tient la main pour ne pas s'enfoncer dans la boue et sifflote un air qui m'est inconnu. J'ai noué ses cheveux en un chignon pour lui dégager la nuque et elle semble heureuse se cette baisse de température.

Un cri étranglé nous parvient de derrière et c'est le visage de Rubis, tenant Alix prise en otage, un couteau contre sa gorge blanche, prête à l'enfoncer, que l'on voit en premier. Puis un léger ricanement se fait entendre derrière les buissons d'où apparaît Shane. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, brandissant une masse, le blond du District 1 ébauche un large et sadique sourire.

Il commence à nous raconter comment il va nous tuer et combien ça l'enchante, tout en rigolant à gorge déployée.

"À terre !"

Personne n'obéit à son ordre.

"J'ai dit, à terre !"

On s'exécute.

Alexi intervient et en punition, Rubis plante le couteau dans la jugulaire de la sœur.

"Non ! Arrêtez ! Ne faites pas ça !
- Et pourquoi ?"

L'arme bouge et agrandit la plaie de plus en plus.

Le tribut du 5 se jette sur Rubis, se prenant un coup de couteau au passage. Il l'arrache de son dos et le plante dans le cœur de la carrière. Elle suffoque et crache un peu de sang avant de décéder.

Son sang, celui d'Alix et la boue se mêlent dans un disgracieux mélange.

Chukk et Liam esquivent du mieux qu'ils le peuvent, l'énorme boule pointu que tente d'abattre Shane sur leur tête. D'un coup vif d'épée, Liam sectionne la cuisse du tribut enragé, qui s'échappe en boitant.

Où étaient Irone et Luka ? Je n'aurai pas la réponse de sitôt.

Alexi pleure à chaudes larmes sur le corps de sa sœur défunte.

Quand il relève la tête, ce n'est que pour contempler le beau visage de sa jumelle et lui détacher les cheveux. Il les lui étale derrière la tête. D'une voix à peine audible et grelottante, il entame un monologue que nous nous taisons tous pour écouter.

"L'été, après le dîner, quand le soleil se couchait, elle sortait pieds nus, en petite robe, dans la prairie qui borde et nous sépare de la rivière où notre père nous emmenait pécher. Ses longs cheveux lui arrivaient en bas du dos et flottaient dans la brise du soir, les rayons se reflétaient dedans et leurs donnaient une couleur orangée. Elle aurait voulu les laisser onduler une dernière fois au vent."

Il se penche sur le corps, relie leurs moitiés de collier, identiques, en un cœur difforme, en panneaux solaires de leur district.
Puis, il l'enlace de ses bras maigrelets et attrape du bout des doigts une pierre qu'il s'écrase lourdement sur le crâne.

Dans un dernier souffle, il dit, en s'adressant à sa famille :

"Je vous aime."

Boum. Et il meurt, lui aussi, pour rester avec son autre moitié, sa sœur, avec qui il partageait tout.

The 76th Hunger Games (si Katniss n'avait pas survécu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant