Chapitre 2 : Comme un renard dans une souricière.

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- Hum hum, Monsieur Mcdougall ? Demanda Éleanor en tapotant le bras du boulanger patibulaire plongé dans ses occupations matinales.
Il se retourna, une expression joviale propre à son habitude se dessinait sur son visage.

- Oh la petiote Jones ! Ah je vois que tu as ma commande ! Bouges pas surtout je vais chercher de quoi te régler.

Elle patienta, les bras pleins de lourds sacs de farine, son dos commençait à tirailler. Un chat gris fit son apparition sur le petit muret de la cour arrière de la boulangerie.
Il sauta aux pieds d'Éleanor et commença à se frotter contre ses jambes avec insistance.

- Je n'ai pas le temps de m'amuser avec toi ! Aller ouste ! Siffla-t-elle agacée.
Le chat continua son manège puis se dirigea derrière des caisses en bois vide où quelque chose semblait avoir attiré son attention.
Le boulanger revint en faisant grise mine semblant sur le point de s'énerver.

- Tiens, voilà ton paiement. Il tendit les petites pièces en argent de ses mains farineuses.

- On utilise les jeunes filles pour faire les livraisons de nos jours mmh ?
Une voix condescendante s'éleva en provenance de l'arrière-boutique. L'homme à qui elle appartenait fit son apparition.
Il s'agissait du majordome du manoir Beauxchamps, un homme grand, squelettique, un long nez pointus et aquilin sur lequel était posé une minuscule paire de lunettes circulaires, les sourcils broussailleux, les cheveux grisonnants en queue de cheval et des lèvres inexistantes, le tout posé sur une tête disproportionnément grande pour son corps mince.
Il était vêtu de son habituel costume étriqué qui le rendait encore plus sévère. La cause du changement d'humeur de Mr Mcdougall parut limpe aux yeux de la jeune fille.

- Je... Je remplace mon frère aujourd'hui, il a attrapé froid...

Il la scruta de haut en bas d'un air hautain en pinçant les yeux et afficha un faux sourire qui dévoilait ses rides.

- Je vois... Un bon à rien toujours en retard, remplacé par une petite empotée qu'on ne veut même pas en cuisine, il n'y a rien d'étonnant.
Dit-il en ricanant. Il tourna les talons et se dirigea vers la ruelle où une calèche l'attendait.
Rouge comme une pivoine et les dents serrées, elle déposa les sacs dans les bras du boulanger et prit le chemin du retour, grommelant des phrases qu'une jeune fille de son âge ne devrait pas dire.
Sur le sentier elle eut à peine le temps d'apercevoir un renard qui filait à vive allure, elle fût stupéfaite de voir qu'il était aussi noir que l'ébène.
Une légende du temps de son arrière-grand-mère mentionnée qu'un renard noir était un signe signifiant que votre destin allait dévier de sa trajectoire et que cela pouvait être un excellent présage comme un très mauvais. Personne n'avait aperçu de renard de cette couleur depuis plus de 2 siècles et encore moins dans la région.

Arrivée à la ferme de sa famille où se dressait sur une colline le moulin, une odeur de cuisine flottait dans l'air et elle aperçut sa mère à travers la fenêtre de la cuisine de la chaumière.
Elle entra et retira sa cape qu'elle accrocha sur un porte manteau.

- 'Leor ? C'est toi ? Ah, ma chérie, tu peux dire à ton père qu'on passe à table dans 5 min .
Elle ne s'était pas retourné et continué à s'affairer à sa cuisine.
Eleanor sorti dans la cour et partit à la recherche de son père, elle entendit la clochette d'un des pièges que son père et son frère aîné avaient posés ensemble pour attraper renards et loups qui se faisaient un plaisir régulier de faire un festin sanglant sur les animaux de la ferme pendant la nuit.
Elle se dirigea vers la source du bruit, pensant trouver son père.
Elle arriva au piège dans lequel le renard noir qu'elle avait croisé peu de temps auparavant était fait prisonnier. Le piège était une sorte de souricière mais faîtes attraper les renards voir même des lapins.
La jeune fille prit le temps de contempler l'animal apeuré qui l'a fixé du regard avec insistance.Elle se sentit mystérieusement attirée vers la magnifique créature et se rapprocha de la cage, elle tendit la main vers le renard qui la laissa le caresser, du bout des doigts entre les barreaux de la cage, l'animal sembla s'apaiser quand le père de la jeune fille fît son apparition.

- 'Léor ! Éloignes-toi tu peux te faire arracher un doigt par cette bête !
Cria-t-il, ce qui effraya le renard qui mordit Éleanor.
Son père la repoussa brusquement en arrière et elle tomba en arrière, les fesses dans la terre.
Son père chargea son fusil de poudre et tira sur la créature, sous les protestations de sa fille.
Le renard, mourant, se transforma subitement en un homme nu et ensanglanté, un trou dans la poitrine, recroquevillé dans la cage.
Son père se mit soudain à hurler en découvrant l'identité de l'apparition.
Son fils aîné, Tomas, se trouvait devant lui, inanimé, son sang coulant sur le sol, se répandant aux pieds de son père.
Les bras du père endeuillé enveloppèrent la dépouille du jeune homme décédé, tel un linceul de fortune.

Eleanor resta figée devant la rapidité atroce de la scène. Le cœur déchiré et les yeux baignaient de larmes, elle entendit sa mère arrivait sur les lieux du drame, inquiète des cris qu'elle avait dû entendre depuis la cuisine.
La mère du défunt se mit à pousser un hurlement d'effroi face au spectacle terrible qui se jouait devant ses yeux, son premier enfant était là, dans les bras de son mari, le tout baignant dans une mare de sang..

Au loin, l'orage commençait à gronder, comme pour accompagner l'immense chagrin qui venait de s'installer en cette fin de matinée.

Le Renard De L'aube Où les histoires vivent. Découvrez maintenant