Chapitre 5

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    Le regard de Garreth semblait néfaste, comme s'il s'en dégageait une aura maudite provoquée par les récents événements.

Que faire face à quelqu'un qui vous accuse d'être la faute de tous ses maux se questionnait Harold tout en mordillant le bout de ses ongles déjà en piteux état.

« Et que faire si cette personne n'est autre que votre propre chair, votre propre sang, votre propre fils ? »

Le père n'avait jamais ressenti une telle pression dans sa poitrine, comme si la moindre des paroles de sa progéniture pouvait l'engloutir dans un tourment de regrets et d'impuissance. Il était malencontreusement toujours assis, le dos plaqué et raide contre ce dossier métallique inconfortable. Il remuais cette pâte nutritive aux allures de gélatine avec une des nombreuses cuillère fourni avec le plateau ne sachant que dire après les paroles de Garreth. Il manqua de tordre l'objet mais se souvint subitement que chacun des couverts était numéroté et listé. Après une brève inspiration, son regard se plongeait ensuite dans ce labyrinthe de conduits d'aération parcourant le plafond, s'entremêlant et s'enlaçant harmonieusement dans un dégradé de gris métallisé et de saleté poussiéreuse. Puis au moment de prononcer un mot, son fils prenait déjà les devants :

— On ne va pas commencer à se détester. Je m'excuse d'avoir dit cela. J'en veux plus à ton grade et à tes priorités qu'à mon père qui se cache là dessous, dit-il avec un air rempli de culpabilité.

c'est donc contre mes fonctions qu'il en veut réellement, se questionna Harold. Le rôle paternel n'a jamais été une partie de plaisir et je n'ai jamais vraiment été présent pour lui, sa garde étant principalement confié à certains de mes amis les plus loyaux, ou à Margareth « doc' » Jacen malgré son emploi du temps mouvementé et imprévisible.

Quand nous devenons Commandant et dirigeant du Refuge, nous faisons serment de remplir cette fonction peut importe le prix, peut importe les décisions ou les sacrifices. J'ai fait ce serment il y a un moment maintenant. J'étais persuadé de rester ancré sur cette pensée, mais rien ne dure éternellement.

L'arrivée de Garreth secoua le cours des choses, ainsi que la disparition de Selina, ma bien aimée.

Qui suis-je si je ne peux être là pour mon enfant ?

Je suis dans une impasse psychologique. Faire passer la vie d'innombrables habitants en priorité, ou celle de mon unique famille. Le choix est cornélien, et je dois avouer que parfois, les sentiments guident mes actions au sein du Refuge et comme beaucoup me l'ont fait comprendre, cela pourrait nous mener à notre perte.

***
Quelques minutes après avoir quitté le réfectoire

— C'est lugubre, non ?
Harold esquissa un sourire.
— Ça n'est pas parce que je déteste cet endroit père, mais je ne peux pas me faire une idée de l'extérieur comme je suis né ici, dans cette boîte.
— Tu qualifies donc le Refuge de boîte ?
— C'est mal ?
— Une vraie erreur. Le plus gros scandale dont j'ai entendu parler !
Garreth souriait. Il se sentait en meilleure forme depuis l'incident dans le PE -Programme Éducatif-
— Père, je ne voudrai pas être pessimiste mais je pense que notre avenir est incertain. Je ne sais pas si l'on peut espérer une renaissance de notre Âge d'or.
— Moi, j'y crois dur comme fer.
— Comment fais-tu?
— C'est simple, je crois en chacun de nous. Même en ce vieux fou de Cornelius. En ne faisant qu'un, comme nous le faisons depuis toujours, nous pourrons atteindre notre ultime but.
— Je ne comprends pas pourquoi nous sommes obligés de rester ici bas, s'exclama Garreth.
Harold vit qu'il stressait. Garreth n'était pas encore totalement serein, en partie à cause de son jeune âge.
— On est mieux ici, lui promît-il. Nous sommes en sécurité. Au dessus de nos têtes se cacheun million de problèmes, crois-moi fils.
— Je te fais confiance.
Harold et Garreth se dirigèrent vers le grand Cerisier planté au milieu de l'Agora, un lieu symbolique pour tout résident qui souhaite se recueillir, réfléchir ou se morfondre. C'est l'espoir à l'état physique,le symbole d'un peuple qui peut renaître de ses cendres, quoi qu'il en coûte.

En théorie, nous sommes censé être en sécurité. Mais la vérité est tout autre. Tout ce que nous faisons, c'est de rassurer les gens car la crainte est toujours là.

Car en réalité, malgré nos terribles efforts, nous ne savons pas où nous allons.

Lysandre - Une épopée post-apocalyptiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant