3 - On s'abandonne?

927 29 3
                                    

Huit heures du matin, Paul est déposé à l'école et Alice retrouvait sa vie de juge d'instruction. Elle venait à peine de passer la porte de son bureau que Victor lui sauta dans les bras. Elle avait même le droit à son café bien chaud qui allait sûrement l'aider à rattraper les heures de sommeil qui lui manquait. Marquand avait occupé ses pensées toute la nuit et en parlant du loup, le voilà qui apparut derrière la porte avec un dossier sous le bras.
- Bonjour madame le juge, bonjour Victor. dit-il en déposant le dossier sur la table. On a une nouvelle affaire.
Victor s'attendait à voir des retrouvailles chaleureuses entre les deux mais il fut bien surpris lorsqu'il vit le comportement froid et distant qu'ils avaient l'un envers l'autre. Pas un sourire, pas une attention particulière, juste du professionnalisme qui ne devrait exister entre ses deux là.
- Vous avez des suspects?
- Maxime Deret, un ancien dealeur. Il a envoyé un SMS à la victime la semaine dernière, je vous laisse le lire. dit-il en lui tendant un papier.
- Très bien, je suppose qu'il faut aller interroger ce jeune homme?
- Je vous attendais. Sauf si vous voulez y allez à pieds? dit-il d'une voix qui étonna un peu plus le greffier derrière son bureau.
Alice souriait mais souriait jaune, l'humour du commandant n'était pas à son goût aujourd'hui. Passer toutes ses heures dans les mêmes locaux l'a rendait quelque peu irritable ce qui rendait certaines situations aussi gênantes pour Victor que pour Kadiri.
Dès qu'elle avait un moment, la juge retournait au palais où sortait prendre l'air un instant en passant un coup de fil au foyer pour prendre des nouvelles d'Ada. Avant son départ elle avait promit à la petite de tout faire pour la sortir du foyer. C'était la seule chose qui l'occupait assez pour en oublier ses problèmes personnels avec Marquand.
Lorsque la journée fut finie elle retrouva son fils et son père qui étaient déjà à table. C'est vrai qu'elle s'était un peu éternisée au palais et l'heure avait tournée plus vite qu'elle ne l'avait imaginé.
- Maman! s'exclama Paul en sautant de sa chaise.
- Mon amour! Ça s'est bien passé avec papy?
Le père Nevers n'avait pas oublié l'événement de la veille. Devant son petit-fils il fit mine de rien et laissa sa fille s'occuper de lui donner son bain et le mettre au lit. Lorsqu'elle redescendit il ne perdit pas une minute pour remettre le sujet Marquand sur le tapis.
- Tu peux m'expliquer ce qui se passe avec Marquand? demanda-t'-il à sa fille.
- Pardon?
- Arrête Alice, je vois bien qu'il se passe quelque chose entre vous.
Justement, c'est plutôt le contraire. pensa-t-elle.
N'ayant toujours pas envie d'en parler, Alice soupira et s'en alla dans la cuisine en espérant que son père lâcherait l'affaire.
- Pourquoi tu fuis? Parle-moi, je suis ton père tu peux tout me dire Alice.
- Bon écoute papa, avec Fred c'est compliqué et j'ai pas envie d'en parler. D'accord? dit-elle en faisant mine de s'occuper de la vaisselle.
- Décidément, il y en a pas un pour rattraper l'autre. Quand c'est pas Marquand qui part en courant, c'est toi!
- Arrête! Ça suffit papa! Marquand et moi c'est terminé. Il est heureux avec Léa et moi je...
- Et toi tu souffres. la coupa-t-il.
Elle s'arrêta de frotter frénétiquement les assiettes avec son torchon et se retourna face à son père.
Elle se sentait faiblir mais elle ne craquerait pas devant lui ni devant personne. Elle devait rester forte et se concentrer sur l'adoption d'Ada, voilà ce qu'elle devait faire.
- Je suis fatiguée, j'ai eu une grosse journée... À demain. dit-elle avant de disparaître dans l'escalier.

Le réveil venait de sonner. Alice appuya dessus d'un geste lent et mou puis se releva pour vérifier l'heure.
Merde, merde, merde... marmonnait-elle en enfilant rapidement quelques vêtements au hasard dans son dressing. C'était la première qu'elle était en retard pour le travail et comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seul: Paul était malade.
- Pourquoi tu ne m'as pas réveillé papa? Je suis en retard au palais, Victor doit être mort d'inquiétude. dit-elle en se recoiffant
- Je t'ai entendu te lever toute la nuit, j'ai pensé que t'avais besoin de te reposer.
Elle s'avança vers Paul. Le petit bonhomme avait la mine un peu pâle et une légère fièvre mais en grande hypocondriaque, Alice s'inquiétait.
- Papy va te donner des médicaments pour ta tête et moi j'irais t'en chercher d'autres à la pharmacie pour ta gorge d'accord? Tu te reposes bien et je reviens à la maison très vite. Je t'aime mon bébé. dit-elle en l'embrassant sur la joue.
- Allez vas-y, je m'en occupe. File au boulot.
- À tout à l'heure.
Être en retard ce n'était pas son genre et ce matin elle battait tous les records. En plus de s'être lever quarante-cinq minutes en retard et d'avoir son fils malade, elle se retrouvait coincée dans les embouteillages. Ah! Paris!
Elle réussit finalement à rejoindre son bureau avec un bon retard qui avait visiblement mit tout le monde en panique puisque Victor faisait les cents pas dans son bureau face à Marquand qui tentait de le rassurer.
- Tout va bien Victor! Je suis là! Pas de panique!
Le greffier se retourna brusquement tout comme le commandant.
- Qu'est-ce qui vous arrive? Vous n'êtes jamais arrivé en retard depuis que je travaille avec vous! constata le greffier, inquiet.
- Oui bah écoutez, il y a une première fois à tout Victor. On bosse? dit-elle en jetant un regard furtif au commandant.
Il l'a fixait, l'air étonné, mais ne disait rien.
- Oui, euh, commandant?
- Ouais, ouais. Djibril a vérifié le soi-disant voyage à Londres de Julia Dormont, c'est du bidon. D'après ses relevés téléphoniques elle était à Paris et devinez où...?
- Chez Sarah?
- Bingo. Sa sœur, Emma Dormont, confirme l'avoir vue pour la dernière fois chez leur mère. La gamine disait qu'elle avait fait une grosse connerie... depuis elle est injoignable, pas de relevés bancaire, rien. Je vais perquisitionner chez elle, vous venez? demande-t-il.
- Vous n'avez pas besoin de moi pour faire une perquisition Marquand. répondît-elle, étonnée.
- Ouais bah là si, faut que je vous parle. Allez.
Victor assista à la scène, un peu surpris et gêné tout comme Alice qui ne comprenait pas pourquoi il tenait tant à ce qu'elle vienne avec lui. Elle finit par céder et suivit le commandant hors du palais. Arrivé près des marches celui-ci s'arrêta de marcher et retînt sa juge par le bras.
- Bon ça suffit maintenant. On arrête tout. Ça fait deux jours que vous êtes rentré à Paris et je vois bien que vous avez quelque chose à me cracher à la figure mais que vous n'osez pas le faire. Allez-y, je peux encaisser et honnêtement je préfère ça à votre indifférence. dit-il en l'obligeant à le regarder droit dans les yeux.
Le cœur d'Alice s'emballait à nouveau.
- Je vous écoute Alice. insista Marquand. Vous n'êtes pas seulement partis quelques jours en vacances pour vous trempez les pieds avec Paulo, hein?
- Léa. fit Alice, froide.
C'était la seule chose qui demandait à sortir de sa bouche.
- Quoi Léa?
- Vous l'aimez? demanda-t-elle, la gorge nouée.
Marquand fronça les sourcils puis répondît d'un ton provocateur:
- Je suppose que je l'aime autant vous aimiez votre psy.
Un partout, la balle au centre.
- Vous vous êtes mis avec Léa dans mon dos.
- Je crois qu'on est tout les deux mal placés pour se jeter notre la pierre. Hein? Tu ne crois pas Alice? dit-il en changeant de ton.
Vexée et n'ayant pas les réponses qu'elle attendait, la juge tourna le dos au commandant et commença à descendre les marches.
- Bon, Alice qu'est-ce qu'on fait? On s'abandonne? C'est ça que vous voulez? Dites-moi parce que... je suis un peu perdu là.
Alice s'arrêta de nouveau. Elle hésita quelques secondes puis répondît avec une voix petite voix:

Ce n'est pas à moi d'en décider.

Simple. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant