Partie 6.

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Cela faisait bientôt un mois que Guillaume était ici, peu importe ce que ici voulait dire — Un rêve ? Probablement pas. Un monde parallèle ? Peut-être. Il n'avait revu Aurélien que quelques fois seulement, peut-être trois ou quatre fois à tout casser, à son désespoir. Une fois dans le petit café où il l'avait retrouvé la première fois et deux autres fois au bar l'Embuscade, où il continuait d'aller toutes les semaines, même plusieurs fois par semaines, avec son ami Claude. Les amis du plus jeune, Skread, Abblaye, et Seydou, y allaient souvent eux aussi et il les croisaient à chaque fois qu'il venait. Ça l'étonnait de ne pas voir Aurélien avec eux à chacune de leur sortie dans le petit bar car dans son monde, Orel et lui sortaient presque tous les deux jours avec leurs amis. Ils étaient comme une famille pour eux. Seul Claude dérogeait à la règle... Et refusait de leur en expliquer la raison. Mais ça, c'est une autre histoire. Il avait aussi croisé le plus jeune une fois au centre ville, pendant qu'il faisait des courses, mais il avait disparu aussitôt de son champ de vision, le laissant perplexe et incertain que ce soit vraiment lui et non pas un tour de son imagination.

***

C'est pour ça que lorsque Claude lui attrapa fortement le bras, alors qu'ils étaient comme à leur habitude accoudés au bar, Guillaume sut qu'Aurélien venait de rentrer dans le bar à nouveau.

« Elle est là ta p'tite perle, Gringo. » lui chuchota Claude tout en suivant Aurélien du regard qui se dirigeait vers ses amis, un petit sourire aux lèvres.

Guillaume récupéra son bras qui commençait à lui faire mal sous la poigne de son ami et se tourna vers l'objet des regards de Claude. Son cœur se mit à battre plus rapidement dans sa poitrine lorsqu'il aperçut en effet son Aurélien. Il l'observa se faire chambrer apparemment par ses amis et rire doucement avant de secouer lentement la tête et de poser ses affaires sur la banquette près de Seydou. Ses yeux suivirent sa taille fine et sa silhouette qu'il connaissait par cœur, et il sentit ce dernier se serrer dans sa poitrine ainsi que les larmes lui monter aux yeux. Il ne pouvait pas continuer ainsi, à l'observer seulement de loin, sans jamais l'approcher ni lui parler. Il lui manquait trop...

« Faut que t'entâmes la conversation Gringe, lui dit Claude d'un air sérieux en le sortant de ses pensées. Faut qu'on trouve quelque chose pour que vous vous parlez.

— Mais quoi ? Je ne vais pas le draguer quand même ? dit-il en soupirant. Ça n'a jamais été comme ça avec Orel... Tout a toujours été si... fluide, facile, entre nous. Notre amitié a escaladé jusqu'au jour où on a compris qu'on était plus que des amis l'un pour l'autre, tout simplement.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que vous vous en rendiez compte ? demanda Claude réellement intéressé et Guillaume se tourna discrètement vers Aurélien tout en agrippant sa bouteille sans alcool.

— J'ai eu un accident. J'étais allé en boîte de nuit avec mes amis, tu étais là toi aussi, quelque part dans la boîte... J'ai commencé à m'embrouiller avec un type parce qu'il avait mal regardé Orel ou je ne sais plus quoi. Peut-être que je m'étais fait des films... Bref. On a commencé à se battre sur le parking et ça durait depuis plusieurs minutes quand Aurélien a débarqué avec Mathieu et Abblaye... Il s'est positionné entre nous et il s'est retourné vers moi, me suppliant d'arrêter de me battre, me disant que ça ne servait à rien, que ça ne valait pas le coup, que je valais mieux que ça... Sur le coup, ça m'a énervé. Je lui ai dit que si je faisais ça, c'était pour lui, qu'il devrait être reconnaissant au lieu de m'engueuler. Orel s'est tu et a baissé la tête, le mec s'est cassé à l'intérieur de la boîte, Mathieu et Ablaye ne savait pas quoi faire et restait planté là à rien dire... Je sentais la colère et la frustration de ne pas avoir pu l'évacuer dans mes veines et c'est à ce moment-là que j'ai entendu ses sanglots. Aurélien était en train de pleurer, par ma faute, et je me suis senti mal. Je suis resté comme un con à ne pas savoir quoi faire avant de tourner les talons et de me casser, sans rien dire. Je sais maintenant qu'il a essayé de me rattraper mais que c'était trop tard. Nos potes l'ont empêché de me suivre, lui disant qu'il fallait me laisser seul maintenant, et lorsqu'il a réussi à leur échapper, j'avais déjà disparu. »

Guillaume reprit sa respiration et jeta un coup d'œil à Claude qui l'écoutait attentivement.

« D'accord... dit seulement ce dernier en hochant la tête. Jusqu'ici, ça ne m'étonne pas vraiment de toi. T'as toujours été impulsif comme mec. Mais ensuite ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Cet accident... il s'est passé quoi ?

— Bah... j'avais de l'alcool dans les veines et j'étais encore en colère... dit Guillaume sous le ton de l'évidence en haussant les épaules. Donc je te laisse imaginer. J'ai perdu le contrôle du véhicule et j'ai fait des tonneaux sur la route. Et quand je me suis réveillé à l'hôpital, je ne sais vraiment pas comment j'ai fait pour survivre, Aurélien était là, à côté de mon lit. Il dormait en me tenant la main et les mecs sont rentrés dans la chambre. Mathieu est allé chercher une infirmière et Abblaye a sauté de joie en me disant à quel point il était soulagé de me voir réveillé. Ils m'ont dit que j'étais dans le coma depuis trois jours et que même si les médecins avaient bon espoir que je ne me réveille, ils avaient quand même eut très peur. Claude t'es entré dans la chambre à ton tour, Mathieu t'avait appelé parce que t'étais à la cafèt ou je ne sais pas quoi... et tu m'as dit que t'avais vraiment eu peur pour moi et que j'avais pas intérêt à recommencer ça. Puis... continua Guillaume en se tournant vers Aurélien qui commençait à se lever tout en parlant à Mathieu. Tu m'as dit qu'Orel étais resté nuit et jour éveillé près de mon lit, dans l'attente de mon réveil, et qu'il venait tout juste de tomber sous la fatigue accumulée... Alors, on ne l'a pas réveillé. Jusqu'à ce que le médecin arrive, accompagné de l'infirmière. Il a à peine eu le temps de me voir avant que je parte faire des examens pour vérifier mon état de santé et quand je suis revenu, vous m'avez tous laissé seul avec lui.

— Et alors ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce qu'il t'a dit le petit Orel ? demanda Claude, impatient, comme s'il attendait la suite de sa série TV.

— Il... commença Guillaume d'un air hésitant en voyant Aurélien s'approcher du bar, à quelques pas seulement d'eux, pour commander. Il m'a accablé de tous les noms, me disant que je ne savais pas à quel point il avait eu peur... continua-t-il en baissant la voix. Puis il a éclaté en sanglots avant de m'avouer qu'il m'aimait et qu'il ne pouvait pas s'imaginer vivre sans moi. Je suis resté comme un con à pas savoir quoi dire et à le laisser pleurer bruyamment, avant de prendre mon courage à deux mains et de l'attirer à moi pour l'embrasser.

— C'est mignon... dit Claude avec un grand sourire sur le visage. Et alors ?

— Alors, j'ai promis de plus jamais boire et de l'aimer toute ma vie. De ne plus jamais lui faire de mal et de toujours rester près de lui.

— Alors, vas lui parler, bon sang ! Courage, Gringe ! dit Claude en chuchotant, montrant évasivement Aurélien dans son dos.

— Mais qu'est-ce que je lui dis ? demanda Guillaume, désespéré. Il ne me reconnaît même pas.

— C'est toi son copain, Gringe. C'est toi qui le connaît le mieux ! Allez ! »

Guillaume lança un coup d'œil inquiet dans la direction d'Aurélien qui payait le serveur et soupira. Claude avait raison, il pouvait le faire. Après tout, il le connaissait par cœur, non ?

Je ne t'oublierai jamais, Part I.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant