Chapitre 6 ; Soren d'Or et de Châtaigne :

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Le petit groupe avait atteint l'artère principale de la ville. Il faisait toujours noir, pas de lune. C'était à la place un paysage urbain baignant dans les ombres et les petites lumières des torches. De petites collines donnaient l'impression que les demeures, les temples et les boutiques flottaient de manière inégale dans le ciel nocturne.

 Lorens et Nora affirmaient être dans la partie sud de la cité, c'est à dire d'après eux celui qui menait aux docks de l'armée. Le point de rendez-vous était juste un peu avant ce quartier, car même pour eux, qui étaient envoyés par le frère de sa Majesté, le port militaire, situé en amont de l'embouchure du fleuve, leur était fermé. Nous allions donc longer cette grande avenue pavée afin de rejoindre le plus directement possible le quartier des Ferrants, dans lequel nous avions rendez-vous, juste devant la fameuse Guilde de la Forge. L'endroit n'était pas très discret mais surtout très large, et si des lourdauds nous suivaient, nous serions obligés d'en venir à la force pour espérer ne pas mettre en danger la personne que nous devions protéger. En effet, Lorens avait déjà remarqué qu'on nous suivait, et on attendait simplement le bon moment pour nous prendre en étau dans un endroit assez découvert pour une attaque de groupe. 

-Ils nous prennent pour des idiots, grognait Nora.

-C'est de ma faute, chantait alors le rouquin, j'attire trop l'attention avec ma belle moustache.

-Vous...vous voulez dire que ce n'est pas à cause de notre mission que nous somme poursuivis?

-Arrêtez de rêver, Sire Sébastien, faisais le Zodiaque en riant, nous ne somme pas dans un roman. Ils veulent juste me coller une raclée pour me rappeler que mes goûts les dérangent et nous enlever la bourse. 

-En revanche, ajouta Nora, c'est vrai que notre manque de discrétion à la taverne leur ont donné l'envie de nous suivre pour en apprendre plus sur "l'affaire", dont nous parlions tout à l'heure.

-Il en faut peu pour attiser la curiosité, et nous sommes trois puits à étrangetés. 

-Hum, c'est le moins que l'on puisse dire. Acquiesça la jeune femme en regardant le Zodiaque avec un air de défi. Un Zodiaque roux et lubrique, un gamin bruyant avec une épée trop grosse...

-Hé!

-...et regardez moi, reprit-elle dans un rire, une femme chevalier avec une épée qui brille et une descente beaucoup trop grande. 

J'avais beau protester face à cette piètre description, Nora n'avait pas tort. De loin, nous étions un groupe bien étrange, et moi le premier. Je voulais juste me convaincre que nous étions poursuivis pour des raisons plus grandes, des raisons d'esprit et non d'argent. Mais au final, personne n'avait vu nos médaillons, et personne n'avait entendu qui nous allions rencontrer ni ce que nous allions accomplir exactement. Lorens et Nora avaient vu juste, eux. Nous avions l'air fortunés et nous étions bizarres, deux raisons amplement suffisante pour rameuter une bonne trentaine de loups affamés. Mais cela ne faisait rien à mon moral. Au contraire, avoir l'occasion de prouver ma valeur au combat me faisais frémir d'excitation. Je tenais déjà fermement la poignée de mon épée, écoutant chaque cliquetis de nos armures, chaque bruit sec que produisaient nos pas, avec une telle ivresse, que je me sentais déjà prêt à dégainer ma lame et à faire face à n'importe quel brigand.

Conscient de la situation délicate dans laquelle nous nous étions mis tous les trois, Lorens, qui connaissait assez bien la Capitale, nous fit bifurquer à gauche aussitôt que nous eûmes traversé le grand pont qui reliait les îles de la ville à la péninsule du sud-est. 

Nous étions dans une rue normale, plus très animée à cette heure, mais tout de même éclairée. Quelques personnes passèrent, nous regardant comme des chiens errants, mais notre groupe se retrouva vite tout seul dans l'allée. Je levai les yeux au ciel. Les bâtisses étaient hautes, bouchant presque la vue du ciel fiévreux, mais très jolies à regarder, grâce à leurs vitraux épais, leurs lampions et leur murs versicolores croisés par des colombages élaborés.  Sous les conseils de Lorens, nous nous arrêtâmes après une centaine de pas sur le parvis d'une  grande demeure bourgeoise. C'était une jolie petite place pavée, centrée autour d'une fontaine et entourée par des bancs et des barrières fleuries. Tout au bout se tenaient de larges escaliers donnant sur l'entrée du petit manoir. Ne voyant pas de gardes ni de majordome, Nora ne se gêna pas pour aller s'asseoir sur les marches.  Je la suivis avec plaisir, afin de reposer un peu mes jambes endolories. 

Les Quinze MédaillonsWhere stories live. Discover now