Chapitre 8 : Zeljan, celui qui n'était jamais seul :

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La taverne était maintenant bel et bien vide. Seul deux hommes, un grand et un petit, étaient encore accoudés au comptoir. Dans la grande table du fond buvaient deux autres types. Le vieillard qui leur avait ouvert, et un jeune Temnovite, dont le regard d'or perçait à travers l'obscurité, braqué sur l'agitation que créait les deux buveurs.

Lorens avait toujours son masque au visage, on aurait pu croire que l'alcool bu au cours de ses deux passages consécutifs dans une taverne lui avaient fait oublier de l'ôter, mais non. Ce serait insulter les qualités du Zodiaque. Prudent et discret de nature, le jeune homme l'avait gardé, soucieux des émotions qu'il pouvait laisser transparaître à chaque mot échangé avec ses nouveaux compagnons. Oui, malgré la saveur de l'alcool, il devait rester sur ses gardes, d'où son respect très strict du code zodiacal. Quand on voyait ce masque, personne ne posait de questions. Cela le rendait invisible aux yeux de la société, et surtout des espions, virevoltant partout. Les autres espions. Les Zodiaques n'ont d'autre intérêt que de servir de chiens. Les faibles s'en méfient, les forts s'en servent, et les génies s'en détournent avec mépris. L'important était qu'on continue donc à le considérer comme un simple Zodiaque de passage.

Mais il était curieux. Il voulait en apprendre plus sur Soren. Plus que sur ce jeune type là-bas, au fond, avec son regard à faire frémir les braves gens, accompagné de son grand-père le chaman, car il ( aussi devenu frère de boisson) l'intriguait. Cet homme mystérieux et monstrueusement habile à la lance créait mille questions dans l'esprit du Zodiaque, et alors qu'ils buvaient, Lorens savait que les réponses viendraient aisément, si les questions étaient posées de manière à couler autant que l'eau de vie. Il avait tout l'air d'un vagabond. Malgré son armure de première facture, la crasse qui la recouvrait pouvait faire penser à un vol. Sauf que ce guerrier n'avais pas l'air d'un voleur, ou de n'importe quelle autre origine malhonnête du même genre. Un chevalier oriental en errance? De toute évidence, oui. 

Soren finit d'un trait son gobelet, expira bruyamment et demanda, pour changer, une pinte de bière. Le lancier tapa l'épaule de Lorens, le regardant avec un sourire de défi, pour ensuite lui commander la même chose. 

Une armure, une lance, des yeux d'orange brillant d'une arrogance perpétuelle, tout cela en faisait un guerrier aguerri d'une maison noble de Peregrima, la ville du Soleil. Si le rouquin voyait juste, Soren avait fait énormément de route pour atteindre l'Empire. Et il leur tombait dessus, presque par hasard, au détour d'une taverne, pour les sauver quelques minutes plus tard? 

Jouant le jeu, Lorens le nargua du regard, puis saisit d'un balayage de main la pinte qu'on lui offrait. Mais sa descente n'égalait pas sa résistance aux effets de l'alcool. Soren, le menton aspergé de mousse, finissait déjà sa bière quand Lorens reposa la sienne, seulement à moitié vide. Le Lancier souffla une mèche de cheveux dorée qui lui était retombée sur le nez et esquissa un sourire arrogant.

-J'ai gagné, maître Zodiaque! Et pour avoir perdu, vous recevrez un gage.

-Allons, nous ne sommes plus des adolescents, un elfe tel que vous...

-Alors je vous le demande en simple ami, Lorens, coupa Soren.

Il sembla réfléchir. Il avait un enthousiaste enfantin qui aurait presque amusé le Zodiaque, si ce dernier n'avait pas derrière lui de longues années de mauvaises expériences aux jeux comme ça.

-Enlevez votre masque. Dit-il enfin, sur un ton presque trop sérieux, de sa voix claire mais forte.

-Si ce n'est que ça...céda Lorens, qui ne voulait pas paraître louche en refusant. 

Lorens, dos au comptoir, mis ses mains derrière la tête pour dénouer la ficelle. Mais alors qu'il effleura ses courts cheveux écarlates, un bruit incompréhensible vînt l'interrompre. Une voix en fait. Dans une langue connue de Lorens, le Temnovite Oriental. Il regardait parterre à ce moment là, et il vit les bottes sur les planches. C'était les deux hommes du font qui les avaient rejoint. 

Les Quinze MédaillonsWhere stories live. Discover now