Avec cette première péripétie Cythause avait déjà oublié ce qu'il devait faire, mais l'avènement de ce nom si peu commun à ses oreilles le tira de son sommeil.
"Vous êtes Ortart... Ortart d'Alleur ? Dit-il faiblement, (Le jeu de mot présent ne prend pas sens dans la langue d'origine)
— En chair et en os ! Et toi qui es-tu jeune homme ?
— Erceule, le médecin de l'école militaire, m'a envoyé vous chercher, il a dit que vous aviez une chandelle à lui rendre... marmonna-t-il avec la voix d'un homme qui se réveille et qui s'est fait bastonné la veille.
— Ah ! Ce Erceule, que me veut-il ?
— C'est à propos de moi à vrai dire, il m'a aidé à m'enfuir et je ne tarderai pas à être recherché dans tout l'Est du pays. S'il vous plaît prenez-moi en tant qu'apprenti et emmenez-moi dans le sud avec vous !
— Mais j'imagine qu'un évadé de l'école militaire doit-être un demi-fou ! Et c'est très encombrant d'avoir un recherché sous les bras, surtout par les temps qui court, en plus jeune comme tu es, tu dois manger plus que je ne trouve dans les bois, sans compter...
— Je mangerai peu ! Je serai discret ! Et... j'ai toujours été le meilleur élève d'Erceule ! S'il vous plaît me laissez pas seul dans cette situation !
— Te fais pas de bile petit, je rigolais ! Un évadé n'est rien d'autre qu'un esprit libre comme nous le sommes tous ici ! L'école militaire n'est rien d'autre qu'un carcan, je plains ce pauvre Erceule d'y être enfermé, mais il n'avait pas le choix, sais-tu pourquoi ? Ne réponds pas, je sais bien que non... Pendant la guerre de la réunification, il était le meilleur médecin que la terre pouvait porter, grâce à ses talents il remettait sur pied au moins un tiers des blessés qu'on lui amenait ! Ça a bien dû faire perdre des centaines d'hommes dans le camp de Tosmar, et étant par conséquent très populaire dans le Virnii, le roi avait peur qu'il engraine une révolution, il lui offrit deux choix en espérant qu'Erceule choisisse le second, la mort ou l'école militaire. À présent tout le monde profite de la médecine réputée de Virnos.
— Ça alors, je ne savais même pas qu'il venait du sud...
— Pas étonnant, je ne sais même pas s'il a le droit de le dire ! Ça pourrait ressembler à du patriotisme ! Sinon comment t'es-tu retrouvé dans cet état-là ?
— Il m'a recommandé un certain Nirar d'Ellis à la tour magistrale, mais quand je me suis présenté les gardes ont commencé à me tabasser, j'ai fui jusqu'ici.
— T'ont-ils suivi ? Se hâta t'il de questionner.
— Oui mais je crois que j'avais une rue d'avance quand je suis arrivé ici.
— Peu importe, ils connaissent le quartier, ils auront tôt fait de te retrouver, et ici ça ne m'arrangerait vraiment pas...
— Je peux peut-être vous faire gagner du temps, j'ai des contacts dans la police, ajouta l'une des deux seules femmes autour de la table.
— J'imagine que ce n'est pas tes aptitudes à la médecine que ce "contact" apprécie... maugréa un homme qui portait l'air maussade des gens de l'ouest.
Cette remarque avait tendu l'ambiance et réveilla une tension qui ne s'articulait pas autour de l'argument mais de la fidélité disparate qu'avait l'assemblée par rapport aux deux belligérants.
— Effectivement! Il aime ça et moi aussi ! Et alors, qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas m'envoyer au cirque du silence ? Je. Suis. Libre, martela-t-elle."
Elle n'avait pas l'habitude d'accoster les conflits aussi directement, ça se voyait, mais indéniablement elle dégageait un charisme et une aura qui évoque le rouge vif et le blanc crème.
Quelques toussotements dans la salle. L'air semblait plus lourd et le plafond plus bas. La figure du sarcastique paraîtrait honteuse et amère pour la plupart d'entre nous, mais ceux qu'ils ont l'œil du détail humain auraient reconnu en ses yeux passer une fugace tristesse... Il se leva et, dans un geste rustique, bouscula sa chaise sous la table.
En le regardant s'éloigner du coin de l'œil, Ortart glissa : "Bort est devenu étrange depuis quelque temps, devenant réfractaire aux changements, il ressemble aux institutionnalisés, ces prisonniers qu'on enferme et qui soixante ans plus tard refuse l'amnistie par habitude. Toi là, le suivras ! Ordonna-t-il à un éphèbe posté près du feu."
Bien que l'ordre embêta certains, on entendit parler de "confiance" et de "pudeur", la parole de Cythause faisait l'unanimité. La réunion prit fin, et peu à peu les différents invités qui s'étaient révélés pour la plupart médecins, botanistes ou herboristes s'approchèrent de l'âtre pour écouter les différentes anecdotes que Cythause dictait à tour de bras. Beaucoup de rires au passage de la victoire au 500 mètres, autant que d'effroi quand il décrivait les tortures du directeur. Le nouveau venu était déjà vu d'un bon œil, sa malignité était appréciée par ces "esprits libres", comme ils aiment se définir, et son malheur attirait la compassion de l'assemblée.
VOUS LISEZ
Cythause
FantasyDans le Nold, un jeune homme fuit son académie militaire. Recueilli par un médecin, il semble enfin trouver un cadre plaisant pour son développement personnel. Malheureusement depuis que Tosmar 1er, le roi, est mort, et que sa femme a pris le pouvoi...