Chapitre 17

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« On peut pas rester là, dis-je à contrecœur. Il faut avancer maintenant. »

Aussitôt mes coéquipiers cherchent à protester. Ils invoquent Mac, le fait qu'il est peut-être encore en vie, qu'il a besoin qu'on l'aide et qu'il nous attend, là, à quelques pas de nous. Je secoue la tête. Non, on ne va pas y aller. Je leur dis que Mac savait ce qu'il faisait quand il a décidé de se mettre en plein milieu du passage des gardes, et il l'a fait pour nous donner une chance d'aller libérer les réfugiés. Si nous faisons demi-tour, on risque de se retrouver face à des pistolets pointés droit sur nous, prêts à nous planter une balle entre les deux yeux. Si nous ne profitons pas de l'opportunité que nous avons là, alors jamais on ne pourra sauver les réfugiés. Et Mac aura donné sa vie pour rien. Ça, je ne peux pas l'accepter. Alors j'avance, je me force, bien décidée à libérer les banlieusards enfermés comme on l'avait prévu et ce quoi qu'il m'en coûte. Je ne laisserai plus rien se mettre en travers de mon chemin et de la réussite de cette mission, ce n'est même pas envisageable.

Une fois de l'autre côté du couloir, et sans avoir oublié de faire un signe à Olivier en passant sous la caméra de surveillance, Elia m'annonce qu'il va falloir traverser une passerelle menant directement dans la partie réservée aux réfugiés. Sauf qu'il y a un problème : dès que nous serons sur ce pont suspendu, nous serons tous les quatre exposés aux tirs des gardes se trouvant en bas, dans le hall d'entrée. Là, j'espère de tout cœur que tous les gardes seront trop occupés pour s'être positionnés à l'entrée du bâtiment. Il faut qu'on traverse cette passerelle. Une fois ça de fait, je pourrai souffler un bon coup.

« Bien, je murmure. Vous allez me suivre. Je veux cinq secondes d'écart entre chaque passage. Vous gardez au minimum une distance d'un mètre entre vous. C'est compris ? je demande. Je passe la première, Elia tu me suis. »

Donner des ordres, ce n'est pas ce que je préfère ni ce pour quoi je suis la plus douée, mais si je ne le fais pas maintenant alors nous risquerons tous les quatre nos vies, et c'est ce que je veux à tout prix éviter. Je n'ai pas envie de voir quelqu'un d'autre mourir aujourd'hui, deux personnes c'est déjà beaucoup trop. Alors, que ça leur plaise ou non, je vais leur dicter ce qu'ils doivent faire jusqu'à ce que nous soyons sortis d'ici. Et nous partirons vivants de cette prison, c'est la seule option.

Je pousse doucement la porte qui donne sur la passerelle. Devant moi, il y a cette porte qui donne sur ce couloir qui donnera sur ce secteur réservé aux cellules des réfugiés. En-dessous de moi, il y a probablement des dizaines de personnes qui veulent me tuer, moi et mes compagnons aussi. Et puis, que ce soit devant moi ou derrière moi, il y a des gens qui comptent sur moi, sur ce que je m'apprête à faire. Je souffle. Ce n'est pas le moment de me dégonfler, mais je m'assure quand même :

« Il n'y a pas d'autre moyen d'y aller, tu es sûre ? je demande à Elia. »

Elle me fait signe que non. Bon, eh bien tant pis, autant risquer nos vies une nouvelle fois aujourd'hui. Après tout, si nous sommes encore là tous les quatre, c'est qu'on se débrouille plutôt bien, non ? Alors autant continuer.

J'avance un pied, puis l'autre. La passerelle est comme un petit pont assez large, de bois qui passe au-dessus du hall. D'en bas, je ne l'avais pas remarqué. J'espère seulement que s'il y a quelqu'un, il ne pensera pas à lever la tête. Je marche sur le pont, et une fois arrivée à la moitié, je me tourne vers Elia afin de vérifier si elle me suit bien. Cette dernière s'engage sur la passerelle à son tour, poussée par quelque chose entre la peur et l'excitation. En fait, c'est ce sentiment étrange qui nous habite tous depuis ce matin, alors je ne peux que comprendre ce qu'elle ressent.

Je regarde en bas. Je ne vois personne, pourtant je me sens observée depuis le début. Je jette un œil tout autour de moi. Il n'y a pas un seul garde dans le coin, et je n'ai pas vu de caméra. Je ne comprends pas, mais il ne faut pas chercher. Tant mieux, moins nous aurons de difficultés au-dessus desquelles passer, plus nous aurons de chances de réussir notre mission, et c'est tout ce qui compte. Alors j'accélère le pas, persuadée que tout va bien se passer maintenant. Puis là, je l'entends. Je comprends la peur dans les yeux d'Elia. Je comprends l'absence de gardes dans le hall. Je comprends pourquoi je me sentais observée.

Le Refuge - SauvetageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant