La Dernière Loi de Talis à ce jour se déroula un jeudi.
Je ne sais plus quel temps il faisait ce jour là.Je sais simplement que j'étais pressée, que rien d'autre n'avait d'importance que mon rendez-vous et que je ne cherchais pas à respecter les feux rouges.
La gamine a été propulsée sur mon pare-brise. Le verre s'est fissuré tout autant que son crâne. Étrangement il n'y a pas eu autant de sang qu'on pourrait l'imaginer. C'est comme si sa petite tête avait implosé.
Lorsque j'ai compris ce que je venais de faire ce n'est pas la culpabilité qui me traversa pour me foudroyer, mais l'égoïsme. Car je réalisai aussitôt que je serais de nouveau disséquée. Mais que me feraient-ils cette fois. Me tuer? Non, je savais que non, cela aurait été trop simple. Tuer mon enfant aurait été le plus logique, seulement voilà, je n'étais pas mère.
J'avais peur. Pour la première fois j'avais réellement peur de ce scalpel que je connaissais pourtant si bien. Mais je n'eus pas le temps de pleurer ni même de me débattre que le masque était déjà posé sur mon visage et que le gaz s'insinuait déjà dans mon unique poumon.Quand j'ouvris de nouveau les paupières je n'ai pas bougé tout de suite, je suis restée là, fixant la lumière blanche au plafond. J'étais calme. On ne rêve pas pendant ces sommeils, c'est comme être mort. J'avais l'impression d'être toujours endormie. Je pouvais bouger mais c'était tout ce qui me caractérisait comme quelque chose de vivant.
C'est là, précisément à cet instant que je réalisai que j'étais morte depuis déjà bien longtemps. Cette désillusion ne m'attrista pas, parce qu'un cadavre ne ressent rien, pas de peine, pas de colère, rien que le néant.
Je finis par glisser l'une de mes mains jusqu'à mon bas ventre pour y toucher ce que je savais déjà que j'y trouverais. La cicatrice était fraîche et propre. Comme toujours.
Une sensation de vide régnait dans mon ventre, comme elle régnait également dans ma bouche. Mais peut-être n'était ce que mon imagination.
On m'avait retiré mes enfants. Ceux qui peut être seraient venus un jour au monde.
Je n'avais jamais eu la moindre fibre maternelle et la simple idée de mettre bas me dégoûtait profondément. Mais maintenant qu'il ne s'agissait d'une simple question de volonté et d'un choix personnel je me suis mise à regretter amèrement d'avoir été puérile au point de ne pas réfléchir d'avantage.
Je n'aurais pas été une bonne mère, parce qu'une morte ne peut pas l'être. Mais l'illusion que j'avais alors encore d'être vivante m'aurait peut être permise de m'en rapprocher.Mais maintenant que je voyais les choses avec clarté je compris que c'était mieux ainsi. J'aurais presque remercié mes chirurgiens pour m'avoir fait prendre conscience de la véritable nature.
Ils m'avaient tranchée morceau par morceau. Découpée pièce par pièce.
J'ai été vivante pourtant, en poussant mon premier cri. Mais à l'instant où mon œil droit fut plongé dans un cauchemar éternel il entraîna tout le reste avec lui.
Seul mon corps résistait encore, mais c'était une insurrection dérisoire, comme se battre contre la gravité. Et j'étais désormais fatiguée de ces révoltes. Il était temps pour moi de déposer les armes.
Alors j'ai simplement cessé de combattre et ai laissé ces cauchemars apaisants me noyer. La gravité reprit ses droits et la loi s'éteignit.
Enfin.Je crois que j'aurais chanté des berceuses à cet enfant, s'il avait existé et si j'avais encore possédé une langue.
Si je n'avais pas été un automate cassé.
Si La Loi de Talis n'avait pas existé.
Si j'avais été vivante...Lyulinke mayn feygele,
Lyulinke mayn kind,
Kh'hob ongevoyrn aza libe,
Vey iz mir un vind.•Fin•
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La Loi de Talis
SpiritualTalis a été disséquée. Talis est un cadavre. Talis connaît sa loi. -2019-