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Malgré tout ce que mon corps avait subit jusqu'ici, une part de moi-même ne pouvait s'empêcher de croire en une potentielle justice.

Mais il y a de ces nuits sans étoiles dont on ne fait pas le récit. Ces nuits noires et opaques, étouffantes et interminables. Ces nuits où les cauchemars sont une bénédiction, parce que eux ne sont pas réels. Ces nuits dont le souffle sec éteint la moindre étincelle, la moindre flamme, la moindre lumière.

C'était un vendredi.
Un vendredi sans lune.

En réalité, il faisait jour.
Le soleil frappait violemment.
Mieux aurait valu pour moi que les fantômes se cachent dans la noirceur de la pénombre. Être brisée est une chose, voir tout ce qu'on croyait être réel s'effondrer en est une autre. On m'avait enseignée que les monstres qui se cachent sous les lits ne se montrent que dans le noir. Ce jour là j'ai appris que c'était faux, qu'on m'avait mentie, que les monstres aiment également bronzer au soleil, et que la nuit est plus salvatrice que meurtrière, parce qu'on peut s'y cacher.
A la lumière, ces monstres paraissent moins effrayants. Ils seraient presque séduisants, presque délicats, presque enivrants. On se méfie moins. A tord.

Mais ne pas me méfier n'a pas été ma plus grande erreur.
Mon véritable regret est d'avoir voulu parler.
Parce qu'à la seconde où j'ai voulu prononcer ces paroles je me suis retrouvée allongée sur la table d'opération.

A mon réveil, la douleur provenait de l'intérieur de ma bouche. J'aurais voulu exprimer ma douleur, mais ne sortit de ma gorge d'un gémissement plaintif.
Je faufilai alors un doigt entre mes lèvres et réalisai avec horreur que ma langue avait été sectionnée à la base.

Plus de langue car elle aurait pu causer du tord.
Plus de langue pour avoir tenté de dire la vérité.
Plus de langue pour avoir osé hurler une souffrance si profondément enfouie.

Où était-elle la justice alors? Je ne la voyais nulle part. Peut-être avait-elle été anéantie en même temps que mes papilles gustatives...


Vu nemt men aza chochem
Er zol kennen de shtern zeylen
Vu nemt men aza dokter
Er zol kennen matyn horts heylen.

La Loi de Talis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant