Chapitre 2 (2/2)

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— 1, 2 et 3... J'ai gagné !

Je pose mon front sur la table en signe de défaite. Luka est debout sur le banc, de l'autre côté de la table, les bras levés pour montrer sa victoire écrasante. Cet enfant a une chance incroyable. C'est la troisième fois d'affilée qu'il me bat à plate couture aux petits chevaux. Je n'essaie même pas de le laisser gagner. Pourtant, il suffit juste de faire avancer des pions sur des cases avec un dé. Rien de bien méchant. Et pas une seule fois la chance a eu pitié de moi.

— C'est bon, j'abandonne, t'es trop fort.

Mon fils saute au sol et se met à gesticuler partout pour montrer sa joie. Avec son karma qui ne lui apporte que du positif, je pense qu'il sera à l'abri du danger, au moins pour un moment. A moins que ça ne soit de la magie qu'il utilise sans le remarquer ? Non, il y a des signes avertissant de son utilisation, je l'aurais forcément vu.

J'observe Luka s'approcher de la commode de l'entrée. Dessus est posée une bougie. Je la change régulièrement pour qu'il y ait toujours une flamme allumée. Elle symbolise l'espoir, et aussi le souvenir du père du petit. Il lui parle de temps en temps, en espérant se faire entendre grâce à la lueur de la lumière. Maintenant que j'y pense, il est sacrément poétique, pour un enfant de sept ans.

— Bonjour papa. Aujourd'hui, on a joué à des jeux avec maman. Même que j'ai gagné trois fois ! J'espère que tu es fier de moi. J'essaie de prendre soin de ma mère comme je peux.

Pendant qu'il parle à la bougie, je le vois tendre sa main pour faire un trois avec ses doigts. Il sourit en regardant la flamme bouger. Mon fils tourne sa petite tête vers moi avant de se relever pour s'asseoir à côté de moi. En général, quand il fait ça, c'est pour que je lui parle de son père.

— Raconte-moi l'histoire de l'incendie !

— Encore ? Mais tu la connais par cœur, j'ai dû t'en parler des centaines de fois.

Il tape dans ses mains, pressé que je commence le récit. Je secoue la tête. C'est le souvenir de son père qu'il préfère. Il ne s'en lasse jamais. Aujourd'hui n'y fait pas exception. J'attrape Luka par la taille pour le caler sur mes genoux, son dos contre mon torse.

— C'était en pleine nuit. Ton père faisait sa ronde avec trois de ses camarades. Tout se passait bien, quand une vieille femme les a approchés, affolée. Elle avait le visage noir de suie et des traces de larmes se voyaient sur ses joues. Difficilement, elle leur a demandé de l'aide, pour sauver les enfants de son orphelinat. Un incendie s'était déclaré dans le bâtiment, et cinq d'entre eux n'avaient pas pu sortir. Ton père et ses collègues sont alors partis en courant. Le lieu commençait à se délabrer, rongé par les flammes. Un des frères d'armes de ton père était parti prévenir les pompiers, pour qu'ils éteignent l'incendie. Lorsque le petit groupe est arrivé, une poutre est tombée, condamnant l'entrée principale.

« Alors ton père a fait le tour, pour trouver l'accès vers la cour, qui était encore libre. Ni une ni deux, il s'est élancé pour secourir les cinq enfants bloqués à l'intérieur. Il réussit à faire sortir les trois premiers, mais les deux autres étaient introuvables. Avec un de ses amis, il retourna à l'intérieur, pour trouver deux jumeaux qui tentaient de se protéger mutuellement. Ils les firent sortir de l'orphelinat, mais au dernier moment, le frère d'armes de ton père reçut une poutre en bas de son dos. Ton père le décoinça au prix de nombreuses brûlures aux bras et aux mains, mais tout le monde réussit à sortir sain et sauf.

Luka avait les yeux brillants d'excitation. Il ne bougeait pas d'un poil, perdu dans la contemplation de l'histoire, comme si elle se déroulait devant ses yeux. En même temps, avec le nombre de fois que je lui ai raconté, il doit pouvoir visualiser facilement.

La Lueur du PapillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant