vingt-neuf

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S'excuser d'être soi-même, s'excuser d'être légitime à soi sans l'être à l'autre, s'excuser d'exister sans bienséance ni charité, avec honnêteté à en faire chavirer les âmes.

Aimer à en mourir tout en se détestant d'un goût amer, y a-t-il déjà eu un jour, une heure où j'ai senti que j'avais trouvé ma place quelque part ? C'est arrivé, quelques heures d'accalmie où mon cœur ne souffrait plus, ne saignait plus non plus et où, sous le coup de l'euphorie d'un moment que j'attendais par dessus tout, j'ai senti que je n'étais pas vain. Bien sûr, tout n'est qu'illusion puisque je reste la même merde incapable d'éradiquer son égoïsme mais qui parvient tout de même à se rendre malade pour le monde, pour des gens que j'aime sans hypocrisie, sans rien du tout puisque je n'ai plus le temps de faire semblant mais quoi ? Mais rien, toujours rabâcher la même chose sans relâche parce que je n'arrive pas à ignorer, à oublier, à devenir quelqu'un de bien, à accepter que mes actes ne seront jamais légitimes ni compris !

Mes rêves n'ont plus d'acteurs.

Mes paupières se plissent sous le poids du Soleil, les volets n'étaient-ils pas fermés ? J'ouvre les yeux, j'observe la vitre aux volets à demi-clos, laissant passer quelques rayons lumineux qui s'échouent sur le miroir d'en face ; un lit aux draps jaunes et à la tête boisée, murs rongés par l'humidité, je me redresse doucement pour observer mon visage noirci par les événements passés, ai-je déjà été blanc il fut un temps ? Je tente de me remémorer ma soirée de la veille, je ne me souviens de rien si ce n'est de Joshua qui quitte le salon avec des feuilles froissées en main, je me tourne vers ma main positionnée sur mon ventre et je remarque une énorme poche d'eau déposée sur ma cicatrice, j'imagine qu'elle était glace. Je reste silencieux, attentif à quelconque changement, je ressens l'effluve du shit à plein nez ; je finis par me redresser, douleur presque écartée, je me déplace jusqu'à la salle de bain pour pouvoir analyser mon état.

Je me souviens du coup de Kassim, je me souviens de la douleur tonitruante m'ayant parcouru de fond en combles : en face du long miroir de la petite pièce, je retire la poche ainsi que la compresse qui surplombait ma plaie jusqu'ici, je ne me souviens pas avoir mis quoi que ce soit mais c'est en la retirant que je comprends sa nécessité : la plaie s'était rouverte et je n'avais rien vu, rien remarqué ! Une compresse rouge de sang séché, je passe un peu d'eau dessus afin de nettoyer cette putain de trace qui ne me lâchera jamais et alors, je constate avec peu d'étonnement la déchirure suivant la ligne arrondie de la cicatrice ; Kassim a réussi à la détruire, le coup de Gabriel l'avait fragilisée...

Je prends le temps de remettre une compresse propre avant de sortir d'ici, de traverser le couloir jusqu'à rejoindre le salon où l'américain, qui ne semble pas avoir dormi de la nuit, s'enfume le crâne avec concentration.

«Désolé et merci pour hier, t'aurais dû me laisser crever dans mon coin.»

Entendre le son de ma voix semble le surprendre puisqu'il se redresse subitement, joint entre les doigts et sourcils froncés. Il se tourne vers le mur de derrière, soupire avant de se remettre comme il était, c'est-à-dire complètement avachi dans son bas de survêtement noir, torse nu et regard brumeux, aussi absent que trop présent.

«Tu dis vraiment n'importe quoi... T'as fais quoi avant de venir ici parce que tu saignais beaucoup trop, t'as vu l'état de ton t-shirt ?»

Je n'ai rien vu puisque je n'ai plus mon t-shirt, il devait vraiment être dans un sale état pour qu'il décide de me l'enlever. Je hausse les épaules avant de m'asseoir sur le siège en osier, déconnecté de la réalité et surtout exténué alors que j'ai tout de même bien dormi ?

«–Laisse tomber, je me suis battu avec Kassim et il a tapé dedans pour m'achever. J'avais pas vu que ça saignait mais tranquille, c'est rien.
–Comment ça c'est rien ? Commence pas à faire le gars désinvolte parce que ça va m'énerver.»

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